Les minarets, la Suisse et le gouvernement turc
Décidément, cette affaire des minarets continue de susciter des vagues. Je comprends l’émoi des musulmans sur place et dans le monde car non n’a pas assez expliqué la portée et surtout la signification profonde de ce vote. A ce sujet précisément, je n’ai pas à me prononcer mais simplement à en prendre acte, tant il est clair et évident.
Dans cette affaire, le symbole s’est affranchi de son objet et poursuit une vie largement autonome. Ce qui le conduit nécessairement à transcender son objet. Pourquoi a-t-on peur du minaret ? Je ne sais pas, mais on peut hasarder quelques idées. Dans la tradition musulmane, en terre d’Islam, aucun édifice et surtout pas un édifice religieux d’une autre confession ne peut surplomber le minaret de la mosquée. C’est un réflexe qu’on trouve dans les pays de tradition chrétienne et même dans le talmud, concernant les lieux de culte juif.
Je crois que, bien plus que le minaret, c’est ce qu’il est censé représenter dans l’imaginaire et l’inconscient des gens qui est en cause. Que je sache, les Suisses n’ont pas voté la destruction des minarets existants (ce qu’à Dieu ne plaise !) ni l’interdiction de construire des lieux de culte, si le besoin s’en faisait sentir. On sent bien, entre les lignes, la peur de l’islamisation, que celle-ci soit réelle ou parfaitement imaginaire. C’est encore une fois l’image, le symbole, plus que le référent qui ont préavlu.
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Comment obvier à tout cela sans empiéter le moins du monde sur la liberté constitutionnelle des citoyens de ce pays ?
Et je dois bien reconnaître que les premières réactions ont été épidermiques, notamment celles de pays arabes ou musulmans comme la Turquie. Deux dirigeants de ce pays ont pincé les cordes extrêmement sensibles du nationalisme et de l’islamisme, desservant ainsi gravement la cause qu’ils entendaient servir. Ces deux ou trois hommes politiques de premier plan ont servi sur un plateau d’argent des arguments vitaux à ceux qui s’opposent à leur entrée dans l’Union Européenne. En menaçant les banques suisses et l’économie de ce pays en général, ils auraient mis à nu ce qu’ils feraient vraiment s’ils étaient des Européens…
Le dossier était déjà bien compromis, il n’avait pas besoin de cette nouvelle faute.
Il eût fallu adopter une attitude intelligente, insister que le Dieu du ciel et de la terre exauce les oraisons de tous ses enfants, que le minaret n’est pas plus menaçant que le clocher et que les Tables de la loi, bref parler le langage de l’amour et de l’entente. Après tout, les gens sont maîtres chez eux et les menacer de sanctions n’y changera rien.