PRIÈRE POUR DES HOMMES QUI MEURENT EN PRIÈRES
L’effondrement du minaret d’une vieille mosquée datant du XVIIIe siècle à Marrakech suscite notre vive émotion, celle du simple croyant (même d’une autre confession) et celle du philosophe. Comment Dieu peut-il laisser mourir dans un lieu de culte ceux qui viennent glorifier son Nom et l’adorer ? Comment , pourrait-on dire, retire-t-il sa divine Providence là où des êtres, pleins de dévotion religieuse, attendent tout de lui ?
Certes, les esprits forts rétorqueront que tout ce drame n’a de rapport qu’avec la résistance des matériaux et la vétusté de bâtiments qui n’ont pas été suffisamment bien entretenus. Ils nous opposeront aussi que le tremblement de terre d’Haïti a coûté à plus d’un quart de million d’êtres humains et que les fractures tectoniques ne sont pas du ressort de la Providence… C’est vrai aussi…
C’est vrai, oui, c’est vrai. Mais comment peut-on admettre la présence d’une aveugle fatalité ? Surtout, lorsqu’il s’agit d’hommes accourus pour prier Dieu ? J’ai entendu des rescapés, sortis des décombres et encore tout couverts de poussière, rendre grâce en rabe marocain (nous sommes à Meknès) à ce Dieu qui les a néanmoins sauvés d’une mort imminente…
Un vieil homme au visage ensanglanté avait encore la force de clamer sa foi en son Dieu, soulignant que les deux piliers entre lesquels il faisait ses génuflexions sont miraculeusement restés debout, faut de quoi ils l’auront pulvérisés à coup sûr. Et justement, ces deux piliers sont restés debout continuer de soutenir cette part de la mosquée, ce qui a limité le nombre de morts à une quarantaine, ce qui est déjà, hélas, considérable. A cela s’ajoutent, près de quatre vingt blessés.
Les hommes ont toujours tenté, avec plus ou moins de succès, d’expliquer ou, au moins, de comprendre, le sens ou la nature des calamités et des malheurs qui s’abattaient sur eux . Leurs développements ont été plus ou moins convaincants
Lorsqu’il discuta dans son Guide des égarés les différentes variantes de providence divine selon les penseurs depuis les origines jusqu’à son temps, Maimonide affirmait ne pas accepter la thèse d’Epicure selon laquelle il n’y aurait aucune différence, dans l’économie de l’univers, entre un promeneur dont la botte écraserait toute une fourmilière et un hommage sage , déchiqueté par un lion dans une contrée sauvage…
Ces hommes ensevelis à Meknès sous des tonnes de gravats étaient venus prier. Prions à notre tour, pour eux, prions , quelle que soit notre confession car ils adoraient le même Dieu. Quoique différemment. Mais il reste le même Dieu.