on a toujours son camp de concentration dans la tête…Comment vivre avec le traumatisme de la déportation ?
Hier soir, rentré tard d’un dîner avec des amis, j’allume la télévision et vois sur France 2 l’émission intitulé Infrarouge… Je vois défiler sur l’écran une succession d’hommes et de femmes d’un certain âgé, tous rescapés des cmaps d’extermination et qui étaient intérrogés sur un point bien particulier : comment ont-ils pu se reconstruire, fonder une famille, vivre enfin et peut-être oublier ? Et après cette émission, on diffusait l’épopée de l’Exodus, ce navire emblématique qui permit à près de 4500 réfugiés, pour la plupart des enfants, de défier la puissance mandataire britannique, de forcer le blocus et d’atteindre enfin les rivages de la patrie ancestrale… En raison de l’heure tardive, je ne suis pas resté jusqu’au bout, en revanche, j’ai apprécié à leur juste valeur, les témoignages des survivants de la déportation.
Tous juifs, les témoins ont rappelé les difficultés à témoigner dès la fin de la Shoah. Telle fille d’ancienne déportée, devenue professeur d’histoire, demande à sa mère de venir témoigner devant les élèves de sa classe et découvre, médusée, des choses que sa maman ne lui avait jamais dites.
Tel homme confie qu’il n’avait jamais cru penser vivre, donner la vie, fonder une famille, renouer avec une existence normale après ce qui lui était arrivé. Tel autre dit son bonheur inespéré d’avoir engendré deux filles qui lui donnèrent trois magnifiques petits enfants. Des témoignages bouleversants !
Un homme avoue que des nuits et des nuits durant, il rêvait qu’on lui volait la miche de pain sec qu’il avait cachée sous son matelas et, réveille en sursaut, tentant d’étrangler sa femme croyant qu’elle était quelqu’un d’autre, l’auteur du vol… Il reconnut en pleurant que ces cauchemars ne cessèrent qu’au moment où son épouse lui apprit qu’ils attendaient un heureux événement…
J’ai été très ému par le témoignage d’un homme qui disait avoir voulu faire des études d’ingénieur mais qui dut, nécessité oblige, se rabattre sur toutes sortes de métiers, les uns plus avilissants que les autres… Mais reconnut-il, résigné, il y a pire et j’ai pu nourrir ma famille honorablement.
Je ne puis citer tous les témoignages. Sauf celui de Simone Veil, de l’Académie Française, qui admit que sa dernière pensée, sur son lit de mort, sera dédiée à ses camarades de camp. Une femme incarnant la dignité même, émouvante de sincérité.
Mais je dédie cet article à la dame qui a dit la phrase choisie comme titre : le camp est toujours dans l’esprit de ceux qui y ont séjourné. Cette obsession ne s’arrêtera qu à la mort…
Mais les forces de la vie reprirent le dessus et la résilience (Boris Cyrulnik) a gagné.