LA MAFIA, INVINCIBLE PIEUVRE…
J’ai suivi hier soir sur ARTE une remarquable émission sur la mafia sicilienne. Que de révélations, que de précisions, un reportage d’une grande valeur. On revient sur la naissance de ce phénomène spécifique au sud de l’Europe et plus particulièrement italien, mais italien de l’extrême sud. Pourquoi ? parce que l’unité italienne, telle que réalisée par Garibaldi (qui ouvrit largement ses rangs aux mafieux) était une chose bien théorique aux yeux des gens de Naples, de Palerme ou de Reggio de Calabre. Pour les habitants de ces contrées oubliées, il fallait s’en sortir par tous les moyens, y compris peu recommandables.
Le reportage a montré que depuis plus d’un siècle et demi, toutes les institutions républicaines, ecclésiastiques, voire même l’armée et les services secrets n’ont pas hésité à faire appel à la mafia qui bafoue les lois joyeusement, brise les grèves, attaque et tue les militants de gauche, sert de garde prétorienne aux grands propriétaires terriens, aide les Alliés à débarquer en Sicile… Bref une polyvalence inouïe, un peu comme une cellule souche, totipotente… Utilisable partout, en tout lieu !
Les hommes frustes, issus de petits villages isolés et condamnés à une misère endémique ont émigré aux USA où ils appliquèrent les recettes de leur pays d’origine. Ils se révélèrent de remarquables organisateurs. La justice américaine ne tarda pas à réagir mais lorsqu’éclata la guerre, on n’hésita pas à tirer de sa cellule Lucky Luciano (ainsi appelé car ayant survécu à un attentat violent) pour s’assurer de complicités sur place et limiter la résistance au débarquement en Sicile. Enfin, pour éviter d’éventuelles revendications sociales, les généraux US fermèrent les yeux sur les trafics d’alcool et de cigarettes que l’Amérique exporta à profusion vers cette partie affamée et privée de l’Europe. Sur place, l’US Army se montre reconnaissante et nomme maires et gouverneurs de province les têtes de la mafia ! On ferme même les yeux sur les réseaux de prostitution dont les soldats ont tant besoin.
Un détail m’a frappé , bien plus que d’autres. Lorsque Benito Mussolini se rend en Sicile, il est, comme le veut la règle, accompagné par une multitude de policiers et de gendarmes. Les mafieux de l’île croient bien faire en lui tenant à peu de choses près le discours suivant : Excellence, ici, nous nous occupons de tout, vous n’avez pas besoin de tant d’hommes en armes. Nous avons tout ce qu’il faut…
Le Duce fut estomaqué par de telles déclarations. Rentré à Rome, il décida de faire la guerre à la pieuvre. Mal lui en prit car celle-ci avait déjà infiltré son propre parti fasciste et put se présenter comme une innocente victime d’une injuste répression…
Mais le coup le plus génial de la pieuvre fut le suivant : lorsque les Alliés les approchèrent pour les sonder, les mafieux arguèrent de la répression qui s’était abattue sur eux pour dire qu’ils étaient anti-fascistes et que les ennemis de leurs ennemis étaient leurs amis..
Un dernier point, un peu polémique : l’action conjugué l’Eglise catholique avec la mafia. Seul un courageux cardinal de Palerme a osé demander l’excommunication des mafieux et fait valoir que les pratiques de la mafia étaient contraires aux principes de l’Eglise et aux règles de l’Etat républicain. Ce prélat a sauvé l’honneur de l’Eglise, détentrice de l’Evangile