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DES HOMMES ET DES DIEUX AVEC LAMBERT WILSON OU LES LIMITES DE LA FOI CHRÉTIENNE

DES HOMMES ET DES DIEUX OU LES LIMITES DE LA FOI CHRÉTIENNE

 

J’ai vu ce très beau film hier soir, tard , j’en suis revenu, enchanté par la qualité des scènes, par la description des sentiments, mais j’ai été aussi intrigué par les limites du message chrétien. Je pense à l’échange bref mais O combien intense entre deux moines sur le bien-fondé du martyre : comment témoigner de sa foi, car c’est cela le martyre… Jusqu’où peut-on, doit-on aller pour être digne du message du Christ qui recommande, ne l’oublions pas, de tendre l’autre joue si l’on vous a déjà giflé ..

Les raisons du succès du film s’expliquent aisément : un message nouveau, mieux que religieux puisque spirituel, c’est-à-dire le meilleur de la religion, la spiritualité, là où se rencontrent tous ceux qui ont le privilège de porter sur le visage les traits de l’humain.

Toute le monde connaît l’histoire de ces moines de Tibérine : isolés dans une zone montagneuse en Algérie, dans un petit village, habité par une population pauvre et à laquelle ils tentent de porter assistance, les moines vont être pris dans un cruel engrenage : partir pour sauver leur vie, mais alors c’est trahir et abandonner la population à son triste sort, ou rester, ce qui n’allait pas sans déplaire à l’armée algérienne, laquelle sait que les moine prodiguent discrètement des soins aux terroristes islamistes blessés à l’accrochage avec les forces de l’ordre.

Dans ce contexte, il y a uns scène qui montre bien l’opposition presque manichéenne entre les deux horizons : l’officier supérieur algérien, en tenue de combat, l’écume aux lèvres, qui demande au père abbé (Lambert Wilson) de reconnaître la dépouille mortelle d’un terroristes que les soldats ont fini par abattre, et ce moine qui joint les mains et se met à prier pour le repos de l’âme de celui qui, en dépit des pires exactions dont il s’était rendu coupable, n’en est pas une créature à l’image de D-… Je vous laisse deviner comment s’est achevée ce curieux tête à tête.

Certes, le film est savamment tourné et veille à respecter les équilibres : l’armée algérienne dont le rôle n’est pas toujours limpide, est traitée avec un certain détachement tandis que les terroristes sont soigneusement dissociés de l’islam lui-même et du reste de la population. C’est sage mais cela affaiblit la portée et le symbolique dramatiques du film : les moines sont morts et l’on sait, presque certainement qui en est responsable.. Cet hélicoptère de l’armée qui tourne avec un bruit assourdissant au-dessus du monastère, ce canon de sa menaçante mitrailleuse lourde qui dépasse, prêt à répandre la mort, alors que les moines, tous de blanc vêtus, entonnent des cantiques et prient..

Ce film montre de manière superbe la grandeur du message chrétien mais il en pointe aussi les limites, exprimées avec émotion par certains moines qui disent clairement qu’ils ne sont pas venus ici pour être sacrifiés comme des agneaux, et c’est pourtant ce qui a fini par arriver.

Si vous allez voir le film, scrutez bien l’une des dernières scènes, la plus belle probablement où le jeu de la caméra est proprement inégalé : les moines sont réunis autour de deux tables, ils boivent tous un verre de vin, cette couleur rouge qui évoque le sang et la mort prochaine qui plane lentement, lentement, mais inexorablement. C’est aussi une allusion à la Cène où le Christ donne ses instructions à ses Apôtres… Les visages sont littéralement transfigurés par la Grâce, les traits sont comme pénétrés par un sentiment d’éternité, ils ns s’appartiennent plus, ils sont déjà devenus des anges… Ils ont dépassé, ils ont vaincu la mort. Soudain, les visages se crispent, tous comprennent que le piège va se refermer sur eux, le vin qu’ils boivent jure avec la blancheur immaculée de leur soutane, les uns après les autres ils essuient une larme, c’est fini. On a l’impression qu’ils sont déjà sortis du monde réel, celui des vivants car ils ont choisi de passer à l’éternité. Posture paradoxe d’hommes de Dieu, chargés de propager le message divin d’amour, mais rattrapés par leur humaine condition. Lointain écho de celui cria, résigné, Eli, Eli, lamma ‘azabtani

C’est là que je pense et ressens autrement, tout en respectant profondément le martyre des hommes. Le Christ s’est peut-être laissé tuer pour racheter les fautes (réelles ou imaginaires) d’une humanité pécheresse par essence : mais ne fallait-il pas, malgré tout, propager un message de vie et de bonheur ? Or, pour le faire efficacement il faut rester en… vie !

En tout état de cause, un superbe film de qualité dont notre époque a besoin, et qui barre la route à un individualisme forcené devenant la loi majeure de nos sociétés. Il met aussi pudiquement en exergue la grandeur du message chrétien durant ces terribles «années de sang» traversées par l’Algérie.

Ces hommes ont tout abandonné pour porter aux confins de la terre, le message de Dieu, sans jamais pratiquer le moindre zèle convertisseur. Honneur à leur mémoire, que leur souvenir soit une bénédiction.

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