Le Président Obama désavoué par son propre envoyé spécial en Egypte
C’est rarissime : pour la première fois dans l’histoire de la diplomatie américaine, un brillant diplomate de carrière transmet aux télévisions du monde entier des vues opposées à celle de celui qui l’a désigné pour cette mission en Egypte. En effet, l’envoyé spécial de M. Obama vient de faire volte face en prenant position contre les vues de son mandant.
Alors que M. Obama optait pour une transition rapide et la mise à la retraite d’office du président Moubarak, l’envoyé spécial a dit devant les télévisions du monde entier (voir France 24 ce matin même) que c’était au Président Moubarak qu’il incombait de rester jusqu’en septembre pour préparer une transition en bon ordre et partir dans l’honneur et la dignité. En fait, le grand diplomate américain a repris mot pour mot l’argumentaire du président égyptien et de la haute hiérarchie militaire : le Président Moubarak a, dit-il, servi son pays pendant plus de soixante ans, il a préservé la paix, redonné à son pays sa place dans le monde. Pourquoi le chasser comme un indigne ?
La réaction du Département d’Etat ne s’est pas fait attendre : le diplomate n’a parlé qu’en son nom propre, ses propos n’engagent que lui. Mais, jusqu’à plus ample informé, le diplomate n’a pas été rappelé ni déchargé de sa mission.
Par delà les fautes d’appréciation du chef d’Etat américain, ce qui se passe en Egypte est plus grave qu’il n’y paraît. De la solution de la crise actuelle dépendront la paix et la stabilité dans la région. On comprend, malgré tout, l’agitation fébrile des USA : toujours cette obsession que le pourrissement ne donne naissance à un régime à l’iranienne. D’ailleurs, le Guide suprême iranien a, dit-on, appelé le chef des Frères musulmans, pour lui suggérer d’accélérer l’inauguration d’un régime comme en Iran. L’Egyptien a évidemment refusé, sachant bien qu’il était écouté et qu’il risquait de graves ennuis s’il divulguait son agenda secret…
Si l’on regarde les choses d’un peu plus près, on relève qu’avec un peu de patience, la crise se résout graduellement et que le Vice Président pousse tranquillement ses pions sans heurter personne : le président Moubarak, rongé par la maladie et profondément meurtri par le rejet dont il est victime, pourrait fort bien se retirer dans son palais de Sharm El-Cheik tout en conservant l’apparence du pouvoir tandis que Omar Suleyman serait à la manœuvre au Caire…
C’est tout de même curieux que le Pr Obama n’ait pas eu une telle idée, alors que son envoyé spécial pavait la voie à une telle solution qui a le double mérite de ménager la dignité d’un vieil homme souffrant et de promouvoir une sortie de crise sans heurts graves.