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Edith STEIN et le judaïsme de son temps

CONFERENCE PRONONCÉE AU COLLEGE DES BERNARDINS

LE VENDREDI 12 OCTOBRE 2012 A PARIS                  

 

 

EDITH STEIN ET LE JUDAÏSME DE SON TEMPS

              L’état du judaïsme d’Allemagne et de ’aire culturelle     germanique  à l’époque d’Edith Stein (1891-1943)

 

Pour les juifs d’Allemagne et de l’aire culturelle germanique, ce qui inclut l’Autriche-Hongrie et la quasi-totalité de ceux qui vivaient à l’est (Ostjuden) et au centre de l’Europe, le XIXe siècle, dans son ensemble, marque un tournant. Cette mutation mais aussi ce renouveau avaient débuté au cours du siècle précédent avec la personnalité à la fois charismatique et emblématique de Moïse Mendelssohn (1729-1786), célèbre tant pour ses œuvres que pour son ouverture d’esprit, son modernisme, son rapport aux autres et son amitié sincère et féconde avec Gottlob Ephraïm Lessing (ob. 1780), l’auteur de Nathan le sage, de la pièce de théâtre Die Juden et  de L’éducation du genre humain[1].

 

Mendelssohn peut être considéré, à juste titre, comme le fondateur du judaïsme prussien et du judaïsme moderne. Issu d’un milieu pauvre, né dans une bourgade peu connue de l’Anhalt, Dessau (il signait d’ailleurs Moshé mi-Dessau  dans sa correspondance hébraïque: Moïse de Dessau), son père était un modeste copiste de rouleaux de la Tora. Le jeune Moses quitta, dans des circonstances peu claires, sa bourgade natale et suivit à Berlin son mentor religieux, le grand rabbin David Fränkel, spécialiste connu du talmud de Jérusalem. Ce dernier veilla sur son jeune disciple dans la capitale prussienne en l’installant dans une opulente famille où il fit fonction de précepteur des enfants, moyennant le gîte et le couvert.

 

Sans trop m’y attarder -je renvoie au livre cité en note 1 que j’ai consacré à ce père-fondateur-  je rappelle que le legs spirituel de ce grand homme est diversement vu et apprécié par les historiens. On est en présence de deux écoles : la première dont je suis salue son esprit visionnaire et perçoit en lui le pionnier de l’Emancipation, conduisant son peuple hors du ghetto, avec bienveillance et discernement, sur la voie du progrès, de l’ouverture, tout en restant fidèle aux doctrines et aux pratiques ancestrales, tandis que la seconde, largement représentée dans l’historiographie israélienne actuelle, le traite de père de l’assimilation, de liquidateur de la tradition et le tient pour l’introducteur des ferments de la discorde au sein de la grande communauté juive d’Europe. On lui reproche aussi d’être responsable de l’ameublissement des structures religieuses traditionnelles.[2]

 

A sa mort, en 1786, une mort prématurée, causée très probablement par les conséquences dramatiques de la querelle autour du spinozisme réel ou supposé de ami Lessing[3], Mendelssohn laisse une œuvre de grande ampleur ; je ne citerai que deux  grands titres dont le contenu a certainement déterminé la formation et les idées de Edith Stein dont les parents étaient, comme chacun sait, profondément enracinés  dans l’observance religieuse :

 

a)         sa conception d’un judaïsme éclairé, exposée dans son ouvrage Jérusalem ou pouvoir religieux et judaïsme (Berlin, 1783). Il y montre que le judaïsme n’est pas exclusivement caractérisé par l’élément religieux et qu’il s’agit bien d’une Kulturreligion, c’est-à-dire d’une religion-culture[4], un terme qui sera repris, au siècle suivant,  dans les Ecrits juifs de Hermann Cohen[5].

b)         La traduction commentée du Pentateuque en allemand mais avec des caractères hébraïques, afin de la mettre à la portée des fils du Ghetto qui ne savaient pas ou ne voulaient pas déchiffrer l’alphabet gothique, synonyme, à leurs yeux, d’une «abominable» assimilation linguistique. Le titre hébraïque de cette œuvre en plusieurs volumes, véritable travail d’équipe, est le Béour (traduction commentée)[6].

 

Comme toute œuvre novatrice, cette version allemande de la Bible destinée aux juifs suscita une levée de boucliers de Berlin à Prague en passant par Vienne. Dès sa parution, elle fut décriée par les éléments les plus conservateurs de la communauté juive qui crièrent au scandale et rejetèrent publiquement ce qui leur apparaissait comme une hérésie. En réalité, ces autorités rabbiniques du passé avaient compris que Mendelssohn les marginalisait et brisait leur férule, tout en engageant le judaïsme sur des voies nouvelles, en accord avec son essence profonde et authentique[7]. Mais en quelques décennies, cette Bible mendelssohnienne finit par s’imposer. Et ironie de l’histoire : les petits fils des pires détracteurs de cette œuvre célébrèrent leur bar-mitswa (majorité religieuse) en utilisant cette même Bible. La composition sociologique du judaïsme allemand ainsi que la formation de ses nouveaux rabbins avait considérablement évolué, affaiblissant le camp des orthodoxes qui étaient en perte de vitesse et qui n’ont pas su s’intégrer à l’ère nouvelle.

 

La première génération post mendelssohnienne n’était déjà plus juive de la même manière que la précédente. Lentement mais inexorablement, l’ancien monde des académies talmudiques cédait du terrain face aux séminaires rabbiniques modernes. La réforme du système éducatif juif ancien battait son plein. Des approches nouvelles sont perceptibles et le judaïsme allemand, qui était orthodoxe à plus de 90%  avant  la disparition de Mendelssohn, commence à se fissurer ; bientôt cette belle unité n’appartiendra plus qu’au passé… L’entrée des juifs dans la bourgeoisie allemande, l’ouverture à la société chrétienne ambiante,  l’admission des juifs dans un éventail professionnel plus large et la multiplication des mariages mixtes avaient, en dépit d’un antisémitisme virulent, profondément remanié la conscience que les juifs avaient d’eux-mêmes.  Les communautés s’émancipaient de la tutelle des rabbins orthodoxes et suivaient de plus en plus les voies préconisées par la Haskala, les Lumières juives. L’identité juive avait changé au contact de la culture européenne.  C’est sur le caractère positif  et l’issue heureuse de cette évolution, que reposait le pari mendelssohnien.

 

En quelques décennies, je veux dire vers 1850, moins d’un demi siècle avant la naissance d’Edith Stein à Breslau, important centre juif abritant même le grand séminaire rabbinique orthodoxe (Jüdisch-Theologisches Seminar),  les communautés juives se séparent pour former les unes des associations religieuses libérales et réformées, d’autres des associations orthodoxes, voire ultra-orthodoxes, d’autres, enfin, néo-orthodoxes. Cette diversification témoigne bien de la confusion qui assaillait jadis les esprits. Cette course désordonnée vers la modernité s’est accompagnée d’un indéniable désarroi. On lit dans une étude sur Les juifs et la culture européenne de Hermann Cohen une mise au point qui tente d’expliquer à ses coreligionnaires que leur héritage biblique ancestral gît déjà au fondement même de ces valeurs qu’ils croyaient ne pouvoir vénérer qu’en adhérant au christianisme… Cohen leur explique que ces valeurs qui les séduisent tant aujourd’hui proviennent, en fait, de leur propre héritage, de leur propre fonds et que point n’est besoin de quitter le judaïsme pour y accéder.

Il ne fut suivi que par ceux qui plaçaient la fidélité à la religion juive au-dessus de tout arrivisme social, c’est-à-dire une infime minorité..

 

Il est indéniable que cette fragmentation fait aussi partie de l’héritage mendelssohnien qui a mis fin à un monolithisme granitique de façade. Mendelssohn n’a jamais voulu affaiblir le judaïsme orthodoxe, il ne s’est jamais écarté de la pratique religieuse le plus stricte, il a simplement voulu montrer que les juifs ne devaient plus se contenter de vivre et de penser dans les quatre coudées de la Bible, du talmud et du Midrash : l’apprentissage de la langue allemande, jamais prescrit au détriment de l’hébreu, devait favoriser l’entrée des juifs dans la culture allemande, et partant, dans la culture européenne. Tous les reclassements, toutes les innovations et tous les changements ne se font jamais sans heurts ni crise. L’univers traditionnel ne pouvait pas accueillir avec sérénité des changements qui étaient autant de bouleversements. Des divisions profondes s’ensuivirent qui devinrent même, parfois, des antagonismes[8]. On pourrait aussi diversement apprécier cette situation nouvelle et parler d’un enrichissement ou d’une évolution riche de promesses et porteuse de vie. Le seul inconvénient est que cette segmentation du judaïsme, troubla gravement sa jeunesse et en fit une proie facile pour le zèle missionnaire chrétien, toujours très actif dans l’Allemagne wilhelmienne, tant du côté catholique que du côté protestant.

 

Prenons l’exemple du nouvel ordonnancement du culte synagogal. On exigea dans certaines communautés que le rabbin fît son sermon en langue allemande et non plus dans un infâme mélange d’allemand, de polonais et de yiddish. On promulgua des règlements synagogaux qui organisaient strictement la prière afin de veiller à la dignité du culte. Le rabbin devait préparer à l’avance son prêche et ne pas improviser ni abuser de la patience de son auditoire. Il devait être limpide et s’abstenir de toute référence à la littérature kabbalistique, dénigrée en raison de son irrationalisme. Les néologues juifs entendaient montrer aux autorités allemandes qu’ils étaient dignes de l’octroi des droits civiques réclamés depuis des décennies. Et lorsque le gouvernement prussien prit un décret interdisant ministres du culte d’exercer leurs fonctions s’ils ne maîtrisaient pas la langue allemande, des dizaines de talmudistes polonais se retrouvèrent sans emploi, accroissant le ressentiment à l’égard de cette réforme cultuelle.[9]

 

Voici ce que l’on peut dire du cadre dans lequel va naître Edith Stein, dont les parents, rappelons le, étaient des juifs pratiquants, respectueux de toutes les traditions ancestrales.

 

A présent, mon propos est de décrire rapidement les idéologies et les œuvres dont la propagation et la publication ont dû être remarquées, voire étudiées par Edith Stein dont la quête spirituelle et le grand intérêt pour les activités intellectuelles ne font pas le moindre doute. Il est frappant de relever qu’en 1921/ 22, année du passage de Edith Stein au christianisme, Léo Baeck, étoile montante du judaïsme allemand de l’époque, publiait justement une édition remaniée et largement augmentée de son livre majeur, L’essence du judaïsme.   Dans ce livre, appelé à faire date et qui fut traduit en français en 1993, Baeck visait justement à raffermir la foi juive et à montrer que sa communauté n’avait aucune raison de se rallier au message chrétien. Toutefois, Baeck ne manquait jamais de dire sa haute estime pour la religion chrétienne qui avait appris à une large partie de l’humanité à donner un sens à son passage sur terre et à  mourir dignement, sachant que l’éternité lui ouvrait les bras.

 

Edith Stein ne peut pas ne pas avoir été attirée, voire intriguée par un vaste mouvement d’étude et de recherche qui prit le nom de Science du judaïsme (Wissenschaft des Judentums) et qui, depuis 1830, se proposait d’étudier scientifiquement, c’est-à-dire selon la méthode historico-critique, les grands textes de la philosophie, de la religion et de la spiritualité juives. Breslau en fut justement le haut lieu, le centre florissant, puisque le Séminaire théologique juif abritait la plupart des savants qui conduisaient de telles recherches. Il est donc impossible que Edith Stein n’en ait pas eu connaissance, d’autant que la revue d’érudition de cette institution, MGWJ, Monatsschrift für Geschichte und Wissenschaft des Judentums, était publiée à Breslau sous les auspices du séminaire.  Cette revue contenait les analyses les plus novatrices sur l’évolution historique du judaïsme, et une philosophe aussi avertie que Edith Stein ne peut pas ne pas avoir pris connaissance de telles publications.

 

E. Stein est donc née dans le creuset de la science du judaïsme proprement dite, même si je pense que l’historicisme de ce mouvement intellectuel (la Wissenschaft des Judentums)  a dû la rebuter quelque peu et ne pouvait guère étancher sa soif de spiritualité pure. Les pères fondateurs de ce mouvement de pensée étaient deux grands érudits juifs : Léopold Zunz (1794-1886) et  Juda Leib Rapaport (1790-1867)  dont l’objet principal était d’extraire la Tradition juive authentique des scories de traditions locales qui l’avaient recouverte au point de la rendre méconnaissable. C’était donc un hommage à l’effort intellectuel des siècles passés, une sorte d’archéologie de la pensée d’Israël, au lieu de développer une pensée juive vivante, consciente d’elle-même et porteuse de vie.  C’est cette fois vivante, palpitante, cette proximité immédiate à Dieu que recherchait Edith Stein.

 

Je repense ici à cette terrible phrase, peut-être apocryphe, mais devenue célèbre, attribuée à Moritz Steinschneider, le plus grand savant juif de tout le XIXe siècle. Elle fut rapportée par un jeune étudiant enthousiaste dont le vieil savant avait  voulu tempérer l’utopie sioniste: Tout ce qui est encore en notre pouvoir aujourd’hui est d’assurer au judaïsme un enterrement décent (ein anständiges Begräbnis)… Quel pessimisme ! Et cet homme, né en Moravie en 1816, avait consacré le meilleur de ses jours et de ses veilles à la science du judaïsme, un peu comme on passe sa vie à déchiffrer les inscriptions de très vieilles pierres tombales. Il mourut à Berlin à 1907. Edith Stein ne peut pas ne pas avoir entendu parler de l’œuvre de cet homme  qui fut célébrée par l’ensemble du monde judéo-allemand de son époque. Même .[10]ceux qui ne partageaient pas ses idées lui témoignaient un profond respect pour son érudition.

 

Comme je le notais plus haut, le judaïsme allemand connaissait des divisions profondes :Face à ce brillant séminaire orthodoxe, tout en étant ouvert à l’examen critique, à l’histoire, à la philosophie et à la philologie (les élèves-rabbins étaient tous engagés dans des études universitaires et obtenaient, au terme de leur scolarité, leur doctorat), on vit apparaître à Berlin dès 1872 une Ecole des Hautes Etudes Juives (Hochschule für die Wissenschaft des Judentums) dont la tendance libérale et réformée était nettement affichée et dont le spiritus rector n’était autre que le fondateur et l’idéologue de ce mouvement, Abraham Geiger (1810-1874)[11].

 

Le camp de l’orthodoxie ne perdit pas de temps pour s’organiser à son tour et pour relever, à sa manière, les défis du temps présent. A Berlin, on  assista à la naissance d’un Ecole rabbinique ultra orthodoxe sous la direction d’un grand érudit talmudique Esriel Hildesheimer (1820-1899). Bien que très cultivé et correctement éduqué, cet homme se comportait plus comme le recteur d’une académie talmudique stricto sensu que comme le doyen d’un établissement d’enseignement supérieur. Chargé de la formation de rabbins appelés à servir dans des communautés modernes.

 

Mais environ deux décennies avant cette montée en puissance du camp orthodoxe à Berlin, on assista vers 1851, dans la bonne ville de Francfort sur le Main , à la naissance d’un nouveau mouvement qui prit le nom de néo orthodoxe et qui, pour affirmer sa personnalité nouvelle et son autonomie institutionnelle, alla jusqu’à rompre avec l’orthodoxie classique. Car néo orthodoxie n’est pas orthodoxie. Cette nouvelle idéologie se trouve exposée dans  le premier ouvrage de son fondateur, Les dix-neuf épîtres sur le judaïsme (Altona, 1936) de Samson-Raphaël Hirsch (1808-1888). Cet homme reprenait une partie de l’héritage mendelssohnien sans le reconnaître vraiment afin de ne pas heurter la sensibilité des membres les plus frileux de sa communauté. Son slogan, repris jusque dans notre siècle par des communautés proches de lui, était un vieil adage talmudique (yafé talmud Tora ‘im dérékh éréts) : La Tora et la voie du monde, c’est-à-dire la Tora et la culture universelle… Hirsch préconisait une certaine ouverture sur le monde ambiant, encourageait à bien parler la langue allemande, cultivait les grands classiques, Goethe, Schiller etc… mais se montrait inflexible sur la pratique religieuse. Il compila même un vaste ouvrage remettant à jour la pratique des commandements : Choreb oder Versuch über die Pflichten Isroels in der Zerstreuung . Choreb ou essai sur les devoirs d’Israël dans la diaspora). La vie de Hirsch couvre tout le XIXe siècle puisqu’il quitta ce monde en 1888 et que ses disciples, les rabbins Breuer et Lehmann, prirent la relève après sa disparition et poursuivirent la diffusion de sa revue Yeshurun.  Eu égard à la personnalité plutôt combattive de Hirsch et à sa volonté farouche de ne se compromettre avec aucune autre faction du judaïsme contemporain, je ne pense pas que Edith Stein ait pu éprouver la moindre sympathie pour son mouvement.

 

Ce dix-neuvième siècle fut aussi celui de l’historiographie[12] juive moderne dont le père, Heinrich Grätz (1817-1897)[13] acheva à Breslau justement, ville de naissance de Edith Stein, la rédaction des onze volumes de sa Geschichte der Juden (Histoire des juifs). Grätz fut même, en fin de carrière, le directeur du Séminaire théologique de Breslau où il résida durant de longues années. Les parents d’Edith Stein qui se reconnaissaient dans la tendance de Grätz avaient sûrement dans leur bibliothèque privée des volumes de cette Histoire des juifs. Et de nombreux habitants de Breslau fréquentaient assidument la synagogue de ce séminaire même si les lieux de culte juifs ne manquaient pas dans la ville.

 

Quittons le XIXe siècle après ce survol rapide que l’on pourra utilement compléter en se reporter aux indications bibliographiques subséquentes[14] et tournons nous vers le début du XXe siècle.

 

Je n’ai pas encore évoqué les violentes vagues de judéophobie qui secouaient les communautés juives durant cette fin de XIXe siècle, notamment la querelle autour de l’antisémitisme (Antisemitismusstreit) qui opposa Heinrich Grätz (déjà cité) à Heinrich von Treitschke, historien nationaliste allemand, auteur de la fameuse phrase : Die Juden sind unser Unglück (Les Juifs, voila notre malheur). Treitschke[15] était horrifié par cette foule de pauvres fripiers juifs déambulant dans les quartiers populaires de Berlin et proposant aux badauds des pantalons, des chemises etc… Il assimilait ce spectacle à une véritable invasion d’intrus. Un détail suffira à montrer l’isolement des juifs à cette époque : alors qu’une pétition contre les juifs recueillait de multiples signatures, un seul professeur de l’université allemande prit fait et cause pour Grätz, Théodore Mommsen, l’éminent spécialiste de la Rome antique. Mais même ce grand universitaire ne cachait pas son envie de voir les juifs s’intégrer entièrement à la société allemande, en se … convertissant au christianisme. Pourtant, Mommsen avait reconnu l’existence persistante de cette haine des juifs depuis les origines. Il écrivit en substance, en marge de cette controverse, qu’Israël n’était pas venu seul au monde, qu’il n’était pas apparu tout seul sur la scène de l’Histoire. Dès  ses premiers pas, il était accompagné par son frère jumeau, l’antisémitisme !

 

Toute la seconde moitié du XIXe siècle et le premier quart du XXe sont jalonnés de publications invitant les juifs à se convertir. On souhaitait une fusion des juifs dans l’ethnie allemande et cela semblait être l’unique moyen de résoudre la «question juive» (Judenfrage).

 

On se souvient que de tels appels à la conversion avaient pris pour cible même Moïse Mendelssohn en personne, lorsque Johann Kaspar Lavater (1741-1801), enthousiaste diacre zurichois, traducteur en allemand d’une partie de la Palingénésie philosophique de Charles Bonnet, avait muni son œuvre d’une dédicace publique par laquelle il mettait le philosophe juif de Berlin en demeure de se convertir après avoir lu ce texte où il s’imaginait avoir démontré l’irréfragable vérité de la religion chrétienne.

 

Le cas de Edith Stein est peut être unique puisqu’elle joignit à sa conversion l’entrée dans les ordres en 1933. Cette décision n’était pas le résultat d’un coup de tête puisqu’elle fut murie durant toute une décennie. Mais le fait de la conversion stricto sensu était assez courant, on a même parlé à un moment donné d’une épidémie de conversions (Taufepidemie) affectant la communauté juive d’Allemagne. On se souvient d’un grand hébraïsant de Munster, Franz Delitzsch (1813-1890) qui éditait une brochure en vue de convertir les juifs, Grünende Saat.  Et qui considérait que sa science du judaïsme devait concourir à l’aider dans son zèle convertisseur.

 

Vers 1820, de jeunes intellectuels juifs de Berlin s’étaient constitués en une association pour la promotion de la culture juive. Même Heinrich Heine en fit partie, lui qui accepta de se faire asperger des eaux du baptême tout en ironisant sur la valeur de ce billet d’entrée dans la modernité et la culture européenne… Mais le cas le plus frappant a été et demeure celui de Edouard Gans, jeune philosophe spécialiste des écrits de Hegel qui présida de manière éphémère cette association culturelle (Culturverein) mais qui finit par se convertir au christianisme afin d’obtenir  la chaire de professeur  qu’il briguait depuis si longtemps mais qu’on lui refusait tant qu’il restait affilié à la communauté juive. Il se rendit donc à Paris et se fit baptiser, ce qui accéléra l’obtention de la chaire tant désirée… On imagine la désolation occasionnée par un tel naufrage : le président d’un centre culturel juif, soucieux de revitaliser le judaïsme, qui quitte le navire pour rejoindre l’église chrétienne… Il est vrai que Gans n’a jamais caché la portée strictement utilitariste de son acte : accéder enfin au rang de professeur d’université qu’on lui refusait obstinément en raison de son appartenance religieuse.

 

En 1912, Edith Stein est alors âgée de 21 ans. La revue pangermaniste Kunswart, dirigée par Ferdinand Avenarius, publie les actes d’un vaste débat sur la judéité et la germanité. L’idée fut lancée par un jeune juif, Moritz Goldstein, qui n’avait encore jamais rien publié et qui vivait très mal l’antagonisme entre les juifs et leurs concitoyens chrétiens en Allemagne. Il dit clairement ce que les dirigeants communautaires taisaient soigneusement, à savoir que les Allemands voyaient d’un très mauvais œil l’essor intellectuel des juifs de leur pays et exprimaient ouvertement leur mécontentement face aux performances de ces derniers. Goldstein résume de manière lapidaire son propos : Nous autres juifs gérons le patrimoine culturel et spirituel d’un peuple qui nous dénie le droit de le faire.   Il était difficile d’être plus clair… 

Ce Moritz Goldstein qui a survécu à la Shoah a décrit l’arrière-plan de son article si provocateur dans le tout premier volume du Leo Baeck Institute Yearbook (1956), édité à Londres. Il intitula ce rappel : Deutsch-jüdischer Parnass[16] :The story of a provocative essay  et relata que tous les grands journaux allemands de l’époque dont les propriétaires étaient juifs ont refusé son article au motif qu’il n’était pas «politically correct». Il ne fallait surtout pas évoquer un tel sujet : l’animosité déclarée nourrie par les Allemands à l’égard de leurs compatriotes juifs…  Dans son autobiographie De Berlin à Jérusalem[17], Scholem stigmatisera ce leurre de soi, cette cécité volontaire de ses compatriotes.

 

Esprit averti, dotée d’une grande curiosité intellectuelle,  Edith Stein ne peut pas ne pas avoir eu vent de cette violente controverse d’autant que la rédaction de Kunstwart donna la parole à un autre juif, Ernst Lissauer, partisan de l’assimilation et de la conversion qui prenait le contre pied des thèses de Goldstein . La preuve de l’importance de ce débat et de l’écho qu’il suscita nous est livrée par Avenarius en personne qui prit la plume pour résumer le contenu de la centaine de lettres envoyées à la rédaction par des lecteurs de toutes les régions d’Allemagne. Dans cet article de conclusion, Avenarius affirme que les juifs sont le sel de la terre (allusion aux Evangiles : Matthieu 5 ;5)) mais il ajoute aussitôt que pour faire du bon pain il ne faut pas qu’il y ait plus de sel que de pâte… En somme, les juifs sont considérés comme un simple adjuvant et c’est l’essence du peuple allemand qui constitue, lui, la pâte, l’élément stable et nourricier de la vie culturelle du pays. Sans extrapoler, on peut dire que les juifs sont perçus, publiquement, comme un corps étranger (Fremdkörper), presque inassimilable.

 

Le statut, l’avenir même, des juifs d’Allemagne était désormais une question ouvertement posée.  Si cela ne réjouissait guère les dirigeants communautaires, peu désireux de défrayer la chronique  aussi longtemps que durerait la tempête, cela comblait de joie les sionistes qui n’hésitaient pas, parfois, à se faire les alliés objectifs des antisémites (même dans le cas, assez nuancé de Werner Sombart, l’auteur du livre Les juifs et la vie économique). Ce dernier était parfois invité  à prendre la parole dans leurs cénacles. Sa thèse était que les juifs étaient aussi un peuple c’est-à-dire une communauté nationale (Volksgemeinschaft) et pas uniquement une religion (Religionsgemeinschaft). Or, deux peuples ne peuvent pas cohabiter sur un même territoire : les juifs devaient donc soit s’assimiler, soit, partir, soit, tout simplement disparaître en tant que tels… C’est sur ce terme que Richard Wagner achevait son pamphlet Das Judentum in der Musik,  paru en 1850: untergehen ![18]

 

Pour être un peu plus complet, il me reste à mentionner brièvement quelques noms d’auteurs et de titres d’œuvres dont les témoignages nous aident à mieux comprendre la situation psychologique des Juifs d’Allemagne..

 

En 1921, un grand écrivain juif de langue allemande, Jakob Wassermann, publiait un essai autobiographique intitulé Mon chemin comme Allemand et Juif (Mein Weg als Deutscher und Jude). Wassermann ne cache pas son amertume : il voulait être les deux, Juif et Allemand dans une égale mesure, mais il dut déchanter en raison des affres de l’antisémitisme. L’auteur est si déprimé qu’il dit  plus compter  sur les défunts que sur les vivants afin d’obtenir réparation pour un traitement aussi injuste et aussi discriminatoire. On sent aussi ce triste constat affleurer dans certaines pages d’Edith Stein qui, en dépit de sa conversion, s’est constamment sentie juive, jusque dans les derniers mètres qui la conduisaient vers la mort. C’est probablement là l’énigme la plus impénétrable de la personnalité religieuse de cette femme qui contrairement au judaïsme rabbinique voyait dans le christianisme l’aboutissement de sa propre sensibilité de croyante.

 

En Bohême, territoire soumis à une forte influence allemande, vivaient de grandes communautés juives assimilées à la culture germanique ambiante. Fritz Mauthner, le célèbre linguiste qui se méfiait des mots, y naquit en 1849. Devenu un journaliste connu, véritable coqueluche de la bonne société berlinoise, il vivait si mal son appartenance juive (toute théorique, du reste) qu’il publia une brochure incitant les juifs à se convertir. Mais lui-même se considérait comme un être triste et délaissé. Voici ce qu’il fait dire à l’un de ses personnages romanesques, Heinrich Wolf,  qui n’est autre que lui-même :

 

Je ne suis donc pas un Allemand ! Mais que suis-je donc ? Pas un Juif ! Certainement pas. Je suis un être sans substance, un homme sans ombre ! Alors, je suis un fantôme, un Juif errant, que l’on ne peut pas tuer parce que le Juif errant  n’a pas de…… terre natale, pas de maison, pas de femme, pas d’enfant.[19]

 

 Un véritable cri de désespoir que la déclaration suivante (à savoir que la question juive est une question éthique posée à l’ensemble de la société allemande) ne vient guère atténuer. Cet homme a toujours refusé de se considérer comme un juif bien qu’il fut scolarisé par ses parents, à un âge très tendre, dans une école juive de Prague[20].

 

Mais le témoignage le plus poignant de ce refus de s’accepter tel qu’on est, nous vient de l’ouvrage de Théodore Lessing, La haine de soi ; le refus d’être juif (Berlin, 1930)[21]. Il est aussi très vraisemblable que Edith Stein en ait eu connaissance, eu égard à la personnalité de son auteur, Lessing, qui avait fait scandale en Allemagne lorsqu’il s’en prit publiquement à la personne même du Generalfeldmarschall  Paul von Hindenburg, qu’il traita de tueur en série : toute l’Allemagne demanda la condamnation et le bannissement  de Lessing, jusques et y compris les autorités de sa ville natale de Hanovre où il enseignait… Dans cette galerie de portraits décrits par Lessing, on trouve aussi bien Otto Weininger, Arthur Trebitsch, Max Stirner, Maximillian Harden, Paul Ree  et Walter Calé : tous morts de leur ascendance juive qu’ils rejetaient avec véhémence.

 

L’impression que l’on retire de tous ces témoignages est celle d’un profond malaise. Les juifs n’étaient plus les bienvenus en Allemagne et même les plus célèbres d’entre eux se voyaient inexorablement rappeler leur ascendance juive. Cela fait penser à la triste réplique du poète juif Ludwig Börne : certains me plaignent d’être juifs, d’autres m’en félicitent, mais personne, strictement personne, ne l’oublie…

 

Il faut aussi dire un mot de ceux, certes moins nombreux mais plus marquants, qui épousèrent la cause du judaïsme avec enthousiasme et adhérèrent au sionisme qui incarnait à leurs yeux un renouveau national et culturel à la fois. Tel fut le cas de deux grands juifs qui finirent leurs jours en Israël après une vie bien remplie au service des valeurs juives : Gershom Scholem, né à Berlin en 1897 dans un foyer entièrement assimilé, contrairement à Edith Stein dont les parents étaient très observants. Dans son autobiographie intitulée De Berlin à Jérusalem, Scholem note avec une certaine désolation que son propre père Arthur Scholem se rendait dans son imprimerie même le jour de kippour et que les invités au dîner du vendredi soir allumaient volontiers leurs cigares aux bougies du sabbat, posées sur la table… Deux attitudes absolument inconcevables dans la famille d’Edith Stein. Scholem va même jusqu’à révéler que le jour de kippour, les restaurants situés autour de la grande synagogue libérale de Berlin disposaient une pancarte bien en vue, portant la mention suivante : Für die Herren Fastenden wird im Hinterzimmer serviert : les Messieurs qui jeûnent seront servis dans l’arrière-salle).

 

Et cette autobiographie de Scholem renseigne bien aussi sur le désarroi de ses coreligionnaires quand il évoque cet état de déliquescence, d’effilochage (Zerfaserungsprozess) du judaïsme allemand et de sa jeunesse.

 

La seconde, voire même la première grande personnalité juive de cette époque est Martin Buber.

L’éveil au judaïsme de Scholem lui-même et son étude des études kabbalistiques s’expliquent par l’influence bienfaisante de Martin Buber qui développa la culture juive et l’adhésion au sionisme dans son pays. Durant ses années d’études à l’université de Leipzig il fonda une association des étudiants sionistes. Et plus tard, il deviendra le rédacteur en chef du journaliste sioniste Der Jude. Ces Discours sur le judaïsme (Drei Reden über das Judentum, 1911[22]) ranimèrent la flamme de tant de jeunes juifs qui découvraient, émerveilles, que leur religion n’avait pas disparu. Scholem lui-même étudia attentivement cet ouvrage de la première à la dernière ligne.

 

Pour finir, interrogeons nous sur la voie spécifique suivie par Edith Stein qui ne se contenta pas d’adhérer au christianisme purement et simplement, mais qui rejoignit les religieuses carmélites. Elle prit le temps de la réflexion puisque onze années séparent la première décision de la seconde. Et même l’arrivée des Nazis au pouvoir ainsi que le vote des lois raciales de Nuremberg en 1935 ne l’incitèrent pas à changer d’attitude ni à prendre le large.

 

Le grand maitre du judaïsme allemand lors de ces années noires n’était autre que Léo Baeck qui échappa à la mort dans le camp de Theresienstadt. Fier d’être juif et de suivre son peuple dans la captivité et la déportation, il résista jusqu’au bout. Sa résistance spirituelle prit la forme de conférences sur de nombreux sujets, prononcées au cœur de la nuit devant des centaines de compagnons d’infortune. Les témoins rescapés du camp témoignèrent par la suite que Baeck leur avait redonné foi en eux-mêmes, en leur religion et leur avenir. Il leur rendit leur dignité d’hommes juifs, d’hommes libres. En moins de deux ans au camp, Baeck prononça environ de trente conférences, sans le moindre support livresque. Au plus profond de la détresse, il continua de croire en l’avenir d’Israël.

 

Essai d’interprétation.

La décision d’Edith Stein de se faire chrétienne et ensuite de devenir une carmélite est un fait de conscience qui n’est ni mesurable ni explicable. C’est un acte de la liberté de la conscience. Il faut se garder d’en faire un exemple, un paradigme, ni surtout l’exemple vivant que le christianisme serait la vérité du judaïsme. Ceci pourrait porter atteinte à la dignité du choix d’une femme dont les motivations furent claires : partager les souffrances de tous les humains. En ce sens elle se situe dans la lignée des adeptes du Christ.

Quant à savoir si elle a été bien inspirée dans ses choix, j’avoue que cela dépasse mes compétences de philosophe et d’historien des idées.

 

On doit, pour finir, mentionner le cas de Franz Rosenzweig, mort en 1929 à Francfort, l’auteur de l’Etoile de la rédemption qui avait lui aussi une grande estime pour la religion chrétienne. Miné par ce qu’il voyait autour de lui, il songea lui aussi à quitter le judaïsme et à rejoindre l’église. Son propos cousin Eugen Rosenstock-Heussy avait franchi le pas et l’engageait à en faire autant Rosenzweig réserva sa décision et décida de participer à la prière de kippour dans un petit oratoire de juifs polonais fort simples. La ferveur religieuse de cette communauté en prière, sa façon d’implorer Dieu  afin qu’il leur accorde la rémission de leurs péchés toucha le jeune philosophe juif au plus profond de lui-même. Et dès le lendemain soir, après kippour, il prit la plume pour donner sa réponse à son cousin : Also,  bleibe ich Jude ! Eh bien, j’ai décidé de rester juif.

 

 

Maurice-Ruben HAYOUN*

hayounmauriceruben@gmail.com

 

* Dernier livre paru (12 octobre 2012) Le roi David . Paris, Perrin, 350 pages.

 



[1]  Je renvoie à mon Moïse Mendelssohn paru dans la collection Que sais-je ? aux Presses Universitaires de France en 1996.

[2]  Dans le langage rabbinique, on parle de huttera ha-retsou’a (littéralement : la lanière a été distendue) : allusion à l’affaiblissement, au relâchement de l’autorité rabbinique qui réglait la vie quotidienne des juifs dans ses moindres détails.

[3]  Mendelssohn avait confié à Elise Reimarus, la fille de Hermann Samuel Reimarus, l’auteur des Fragments d’un anonyme, sa volonté de rendre hommage a son ami disparu Lessing. Elise commit l’imprudence d’en parler à un auteur nommé Friedrich Heinrich Jacobi qui révéla qu’ avant de mourir, Lessing, lui avait confié ses convictions spinozistes. Or, une telle adhésion au spinozisme était encore inacceptable au XVIIIe siècle et compromettait gravement la réputation de Lessing.. Mendelssohn entreprit de défendre son défunt ami contre cette terrible accusation. La controverse qui s’ensuivit ruina la santé du philosophe juif qui décéda peu après.

[4]  Aux yeux de Mendelssohn, le judaïsme n’est qu’une législation révélée, le don de la Tora constituant l’objet de la révélation du Sinaï. Les doctrines proprement dites, ou pour parler comme les penseurs du XVIIIe siècle, les vérités éternelles, étaient à la portée de l’intellect humain et ne requéraient donc pas de révélation.

[5]  Voir L’éthique du judaïsme. Choix de textes traduits de l’allemand avec une introduction et des notes par Maurice-Ruben Hayoun . Paris, Le Cerf, 1994.

[6]  C’est l’édition du jubilé,  (Jubiläumsausgabe) commencée en 1929 pour le bi centenaire de la naissance de Mendelssohn, qui est utilisée et qui a été reprise et poursuivie par le regretté Alexandre Altmann (Brandeis, USA) aux éditions Frommann de Stuttgart.

[7]  Cette notion d’essence a tant préoccupé les théologiens allemands des religions chrétiennes (voir Adolf von Harnack, L’essence du christianisme, 1900), auxquels des penseurs juifs ont voulu répondre, notamment Léo Baeck, L’essence du judaïsme, 1905, 1922. Voir notre traduction parue aux PUF en 1993. Voir aussi la traduction française de son dernier livre, Ce peuple. L’existence juive (Armand Colin, 2007). En 2011 les éditions Armand Colin ont publié une biographie intellectuelle de Baeck : Léo Baeck, conscience du judaïsme moderne.

[8]  Je pense notamment au refus du doyen du séminaire rabbinique ultra orthodoxe de Berlin d’utiliser les salles de classe de l’institution juive libérale de Berlin, lorsque les Nazis ont entamé la liquidation des établissements d’enseignement supérieur de la communauté… Il fallut toute l’intelligence politique de Léo Baeck pour imposer un compromis acceptable pour les deux parties.

[9]  Dans ses Dix-neuf épîtres sur le judaïsme, publiées à Altona en 1836, Samson-Raphaël Hirsch note que personne ne connaît vraiment l’essence de la religion d’Israël, et surtout pas les maîtres polonais qui émanent d’un autre environnement culturel que le sien…

[10]  Voir MR Hayoun, La science du judaïsme, QSJ ? PUF, 1995. pp 120-122. L’ouvrage majeur de Steinschneider, consultable aujourd’hui encore, est Die hebräischen Übersetzungen des Mittelalters und die Juden als Dolmetscher (Berlin, 1897 ; reprint Graz, 1956)

[11]  Voir le chapitre V de La science du judaïsme (déjà cité).

[12] Voir Alain Boyer & Maurice-Ruben Hayoun, L’historiographie juive. PUF, QSJ ?, 2002.

[13]  Voir H. Grätz, La construction de l’histoire juive, suivie de Gnosticisme et judaïsme. Textes édités et traduits de l’allemand avec une introduction et des notes. Paris, Cerf, 1992.

[14]  Je renvoie à mon livre Les Lumières de Cordoue à Berlin, vol. I & II. Paris, Pocket, 2006-7 qui contient une bibliographie assez substantielle.

[15]  Mais Heinrich von Treitschke ne saurait être tenu responsable de l’usage qu’en fit l’idéologie nazie. Il a simplement commis une imprudence qui coûta la vie à des millions de personnes.

[16]  C’est précisément l’existence d’une telle entende, d’une telle symbiose culturelle, un parnasse judéo-allemand que Goldstein remettait en question…

[17]  Paru en 1983 aux éditions Albin Michel. Traduction de Sabine Bollack avec des notes de Maurice-R. Hayoun.

[18]  Voir Pierre-André Taguieff, Wagner et les Juifs. Paris, Berg International, 2011. Compte –rendu consultable sur le blog de la Tribune de Genève, Vu de la Place Victor Hugo.

[19]  Voir Jacques Le Rider, Fritz Mauthner. Scepticisme linguistique et modernité. Une biographie intellectuelle. Paris, Bartillat, 2012. P 387.

[20]  Mauthner n’avait pas une bonne opinion de cette école qu’il nomma la Klippschule. Dans son ouvrage sur Le langage (Die Sprache), il se moque des raisonnements sinueux de Heymann Steinthal, l’éditeur du Journal de la psychologie des peuples… Voir la traduction de Jacques Le Rider ( Paris, Bartillat, 2012) p 161 :   comme toujours le talent exceptionnel de Steinthal était plus du genre éristique  (pour le dire moins poliment : du genre talmudique et trouvait habituellement ses idées en s’opposant aux propositions des autres                   

[21]  Publié aux éditions Pocket en 2012 avec une postface et une introduction nouvelles. Paru d’abord chez Berg International en 1990.

[22]  Nombreuses rééditions. Livre traduit en 1982 en français aux éditions Verdier (Lagrasse)

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