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L'Histoire est tragique...

 

 

L’Histoire est tragique…

A la suite à la décapitation de l’otage français en Algérie

En apprenant ce qui s’est passé hier en Algérie, cette affreuse mise à mort d’un citoyen français parfaitement innocent, ouvert sur le monde et sur l’autre, j’ai aussitôt pensé à la philosophie de l’Histoire, telle que développée par celui des philosophes allemands du XIXe siècle qui l’avait mise à l’honneur, Georg Wilhelm Friedrich Hegel. Le philosophie qui occupa la chaire de philosophie de l’université de Berlin jusqu’à sa mort en 1831. Notre grand universitaire français de cette époque, Victor Cousin, était allé lui rendre visite en son temps et c’est lui qui dispensa en Sorbonne les premiers cours sur la philosophie de l’Histoire .

J’ai l’air de m’éloigner du sujet mais il n’en est rien, ma tournure d’esprit me permet simplement de décrire un vaste cercle avant de revenir vers son centre. En fait, cet assassinat qui est horrible, affreux, inimaginable et abject à la fois, n’est qu’un assassinat. Mais il va peser considérablement sur la suite de l’histoire ; il va nous jeter tous, tant que nous sommes, dans une confrontation armée qui va durer des années, provoquer des conflits à l’échelle mondiale, rompre des consensus nationaux dans de nombreux pays d’Europe et dresser les civilisations les unes contre les autres.

Quand je dis que c’est un assassinat, je ne le réduis guère et j’éprouve au plus profond de moi-même ce que ce pauvre innocent a subi comme calvaire. Et sa mise à mort qui nous touche et nous révolte tous, aura l’effet et le souffle de plusieurs bombes atomiques. Cette mise à mort pèsera sur l’Histoire à venir, sur l’Histoire immédiate.

Déjà, au plan international, aujourd’hui, on dit géostratégique pour faire chic, les cartes ont été rebattues : sans le dire, les puissances occidentales volent au secours de Bachar el Assad, le boucher de son peuple, car sa défaite signerait la victoire et la suprématie, porteuse de mort, de ses adversaires islamistes, en gésine d’un califat. L’Iran, jusqu’à hier ennemi public numéro 1, réintègre subrepticement le concert des nations civilisées et ne fait presque plus peur puisque ses forces spéciales, à l’œuvre en Irak, disposent de quelques renseignements tirés des satellites d’observation américains et… israéliens ! Il faut dire que l’Iran, grande puissance chiite de la région, voit l’Etat islamique s’approcher dangereusement de ses frontières (plus de 1000 km) et ne peut pas ne pas réagir. Quant à la Turquie de M. Erdogan, elle a envoyé des messages indéchiffrables dont le tout dernier a consisté à ne pas avertir les autorités françaises du lieu exact où devaient atterrie trois djihadistes présumés… Et quand on pense que ce dirigeant dirige un pays membre de l’OTAN et désireux de rejoindre l’Union Européenne, on se pince les joues pour se dire qu’on ne rêve pas. Comparé à ce qui se prépare, même le conflit entre Israël et les Palestiniens apparaît soudain comme un foyer résiduel de tension et non plus comme une bombe dangereuse, susceptible d’exploser à tout moment.

Mais ce n’est pas tout : les Kurdes, cible privilégiée des islamistes de Daesh (initiales arabes de E.I. Dawla islamiya), et qui se battent courageusement avec l’aide et l’appui logistique des Occidentaux, n’accepteront pas, après la fin des hostilités, de rentrer gentiment à la maison : ils auront envie de se constituer en un Etat libre et indépendant, ce qui mettra à mal plusieurs pays frontaliers : l’Irak, l’Iran, la Syrie et surtout la Turquie. Belle empoignade en perspective…

Même à l’intérieur de l’Hexagone, les choses vont évoluer : François Hollande se découvre une fenêtre de tir à travers laquelle il peut enfin agir ( en tant que chef suprême des armées) et pour la première fois, un dirigeant politique d’importance, François Fillon, a parlé d’union nationale. Certes, il n’est pas encore question d’un gouvernement d’union, mais on pourrait en prendre le chemin.

Un mot sur le développement personnel de Hegel, ce grand philosophe qui avait partagé ses années d’études au Stift de Tubingen avec ses compagnons Schelling et surtout le grand poète Hölderlin qui avait déjà perçu que l’Histoire était tragique, notamment dans son émouvant poème intitulé An die Deutschen (Aux Allemands). Hegel, on l’oublie souvent, avait commencé par caresser un projet qu’il ne mit jamais à exécution : une biographie de… Jésus ! Il a commencé par être un admirateur de la Révolution française  (il naquit en 1770) pour évoluer par la suite vers une sorte de divinisation de l’Etat prussien dont la concrétisation par Guillaume II et Bismarck a dévoilé la vraie nature. Il pensait pouvoir ainsi obvier à l’éparpillement de l’Allemagne en petits états (Kleinstaaterei) et surtout concrétiser hic et nunc ce qu’il appelait avec une crainte révérencielle quasi religieuse l’Idée avec un I majuscule. Ne fut il pas celui qui dit de Napoléon Bonaparte qu’il était l’Idée à cheval ?

Du jour au lendemain, la France se retrouve projetée dans une zone de combats où rien n’est rationnel mais où tout est tristement réel. Quel cinglant démenti à la doctrine d’un grand penseur qui nous a appris que l’Histoire suit un projet, un dessein et s’avance vers un idéal. La cruelle mise à mort de notre pauvre compatriote nous confronte à tout autre chose.

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