Tsipras a avalé son chapeau : la fermeté des Européens a fini par payer
Le feuilleton grec n’est pas fini, mais Tsipras n’a pas gagné, l’Europe n’a pas encore triomphé mais elle est sur la bonne voie. Tsipras s’est déconsidéré aux yeux de son propre peuple. Ce qui compte au terme de ces semaines folles, ce sont les défauts de la construction européenne qui sont apparus de manière si flagrante. On va tenter de tirer les leçons de cette crise provoquée par un petit pays, mal géré, très mal gouverné et aussi tenant d’une vieille tradition de filouterie et de malversations. En un mot, le pays de la corruption où même d’anciens gouvernements ont payé des instituts de notation pour camoufler les déficits. Bref, une filouterie d’Etat. Du jamais vu en Europe.
Commençons par une considération d’ordre très général : la tentation oligarchique est irrésistible. Que veux je dire ? Simplement que même des partis qui se targuent d’être de gauche ou d’extrême gauche font tout pour s’accrocher au pouvoir qui est si doux, même s’ils doivent se renier, revenir sur leur engagement et faire le contraire de ce qui avait été promis. Voyez Tsipras qui sollicite l’avis du peuple lors de ce référendum bouffon… Alors qu’il reçoit une confortable majorité, moins de quinze jours plus tard, il est étranglé et propose de faire exactement le contraire de ce pour quoi il avait été élu. La tentation oligarchique, c’est un petit groupe qui monopolise le pouvoir et ne se soucie plus de ses électeurs, mais exclusivement de son bien-être personnel. Et ceci vaut de tous, y compris de l’extrême gauche, voyez Syrisa !
Le premier enseignement à tirer est le suivant : l’Euro n’est pas encore très bien installé, la Grèce l’a montré, et il est impératif de ne pas garder la Grèce en son sein si elle n’est plus en mesure de tenir ses engagements. Il n’est pas sûr que Tispras traduise dans les faits ses intentions de réforme, c’est pourquoi il faut le mettre sous perfusion mais ne lui donner en aucun cas des dizaines de milliards dont il pourrait se prévaloir pour crier victoire… Il faut un goutte à goutte permettant l’arrêt immédiat de la transfusion en cas de non respect du traité.
Le second enseignement touche la nature de notre vieille Europe. Nos dirigeants sont vieux et mous. Heureusement que les dames (Merkel et Lagarde) étaient bien là. Regardez comment ce politicien sans scrupule arrivait à Bruxelles, la démarche victorieuse, un large sourire aux lèvres, alors qu’il devait comparaître, en qualité de mauvais débiteur devant ses créanciers. Cette asymétrie au niveau de l’âge a beaucoup joué. Certes, le monde et l’Europe entière ne se font guère d’illusion sur la nature profonde de ce pays et la duplicité essentielle de ses dirigeants actuels, mais on a mis tant de temps à démasquer Tsipras et ses acolytes. J’en veux pour preuve l’attitude de l’ancien et étrange ministre des finances qui n’a jamais voulu négocier sérieusement et qui a joué avec les nerfs des dirigeants européens. Il était absent hier soir lors du vote du parlement, ce qui signifie qu’il aura un compte à régler avec son ancien camarade.
Le troisième enseignement : les gens bien élevés croient souvent que les dirigeants politiques sont très avisés, très intelligents et très compétents. Hélas, il n’en est rien ! Cela fait des années qu’on aurait dû démasquer les Grecs. On m’a donné des détails incroyables sur l’art qu’on les Grecs d’échapper à l’impôt, de partir plus tôt et plus avantageusement à la retraite, de ne pas imposer les puissants armateurs, etc… Et tous ces faits auraient dû éveiller les soupçons des Européens scrupuleux et intègres comme nos amis allemands.
Quand je pense aux mauvais traitements journalistiques infligés à ce pauvre Wolfgang Schäuble qui ne faisait que rappeler les mauvais payeurs (keine Zahlungsmoral) à l’orthodoxie financière ! On l’a traité de tous les noms, on la accusé de vouloir humilier les Grecs, comme si ces derniers n’étaient pas eux mêmes responsables de leur propre déchéance et isolement.
A dire vrai, je doute que le feuilleton grec trouve vraiment un dénouement rapide et heureux. Il faudrait user du même cynisme politique que Tsipras : on le laisse s’engager dans le train de réformes nécessairement impopulaire, on lui donne de l’argent avec parcimonie, le mécontentement de la population ira croissant et ses propres amis de Syrisa le chasseront du pouvoir. Car, au fond, pourquoi conserver un premier ministre d’extrême gauche pour de telles réformes ? C’est contre nature. La droite est mieux placée pour cette tâche.
Ainsi l’affront fait à l’Europe, à la face du monde, aura été lavé.