La France, le judéo-christianisme et la race blanche (sic)
Cette déclaration qui a mis la France en émoi était à la fois imprudente et maladroite. Et je doute fort que son auteure ait vraiment voulu dire ce qu’on lui a fait dire. Mais voilà, quand on est une femme ou un homme politique, on se représente toujours par avance l’impact de ses propos. Que va dire la presse ? Que va t elle en retenir ? Ne profitera t elle pas de cet impact pour vendre du papier ou nourrir les micros comme une mauvaise viande, laissée à l’abandon, nourrit et attire les mouches ?
Ce que je crains, c’est qu’une France frileuse, incertaine de son identité, rongée par la haine de soi et ayant perdu tous ses repères, ne se reconnaisse secrètement dans de telles déclarations, et sans rien dire publiquement, se défoule , en quelque sorte, dans l’isoloir en votant pour qui nous savons…
Même si l’on n’intente pas de procès en sorcellerie à la principale intéressée qui, je le répète, n’a pas mesuré la portée virtuelle de son propos, prononcé dans une émission dans laquelle toute homme politique qui se respecte ne devrait jamais se produire, elle a mis sur le devant de la scène médiatique une problématique qui tombe mal, surtout à un moment où des émigrés qui ne sont pas tous de race blanche, ni tous judéo-chrétiens affluent sur nos côte, après avoir, hélas, payé un lourd tribut à des flots tumultueux.
Je voudrais rappeler un fait de la socio-culture française qui diverge fortement par rapport aux USA qui ont une autre histoire et donc une autre sensibilité : lorsque les policiers US communiquent avec leur commissariat pour signaler un meurtre ou une agression, ils détaillent le suspect en parlant de race blanche ou d’homme de couleur, ce qui m’a toujours un peu heurté, eu égard à mon appartenance à une culture républicaine où la couleur de la peau et la dénomination religieuse n’entrent pas en ligne en compte, pour peu que chacun ou chacune reprenne à son compte la définition par Ernest Renan de la nation : une volonté de vivre ensemble qui unit les hommes par un lien spirituel. Or la spiritualité n’a rien à voir avec la couleur de la peau.
Mais dans la France d’aujourd’hui où les gens ne savent plus très bien où ils vont et ne font plus confiance aux gouvernants, qu’ils soient de droite ou de gauche, de tels propos ne resteront pas sans écho.
Cependant, je voudrais faire une dernière remarque portant sur la mention du judéo-christianisme dans la propos de la députée européenne en question, elle que les guignols de l’info caricaturaient férocement : dans les premiers chapitres du livre de la Genèse, la Bible parle de la création d’UN homme, un seul, et par la suite d’une femme, UNE seule. La tradition orale s’interroger sur cette limitation volontaire à une unité et se demande pourquoi Dieu tout-puissant a jugé bon de créer un SEUL homme alors qu’il aurait pu en créer toute une multitube d’un seule coup…
Quelle est la réponse ? La tradition antique nous la fournit : si Dieu avait créé plusieurs Adam, disons un Adam numéro 1 (le meilleur), numéro 10 ( de second choix), numéro 1000 (franchement ordinaire), etc… les descendants de ces différents Adams auraient alors pu se dire les uns aux autres, moins bien placés : je suis mieux que toi car mon ancêtre a précédé le tien… Une telle explication coupe l’herbe sous les pieds de toute théorie raciste ou racialiste (pour parler comme Renan).
Partant, quand on n’a pas de véritable culture, notamment biblique, on devrait s’abstenir de parler de judéo-christianisme. Mais ne soyons pas trop rigoureux car nous trouvons dans cette même Bible, charte de l’humanité civilisée, un verset (Proverbes 28 ;13) qui incline au repentir et au pardon : Celui qui cache ses fautes ne réussira pas, mais celui qui les avoue et y renonce, obtiendra miséricorde.
Maurice-Ruben HAYOUN in Tribune de Genève du 1er octobre 2015