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Le Juif et sa solitude

Le Juif et sa solitude

En prenant connaissance avec une certaine désolation de cette mini-controverse autour de la kippa, controverse où les responsables communautaires ont fait preuve d’une indigence intellectuelle inouïe et d’un manque totale de savoir-faire, un verset du Deutéronome, le cinquième livre du Pentateuque attribué à Moïse. Me revient à l’esprit. Parlant du peuple d’Israël, ce texte énonce ceci : c’est un peuple qui habitera en solitaire et il ne sera pas dénombré parmi les nations…

Depuis l’époque où cette phrase à été couchée sur le parchemin, c’est-à-dire vers 622 avant notre ère, à l’occasion du règne du roi Josias (640-609), le sort du peuple d’Israël n’a pas varié, il est resté le même : il est condamné à la solitude, à l’élection, non pas pour vivre à l’aise et jouir du bienêtre mais pour subir une sorte d’élection-sanction, une élection-punition, puisque depuis cette époque les Juifs n’ont pas cessé d’être persécutés.

Même cette belle allégorie de l’échelle de Jacob (Genèse 28 ; 11-19), ce rêve visionnaire devenu le patrimoine de l’humanité civilisée, fut interprété par les sources juives anciennes (Midrash, Talmud, etc…) comme étant une succession métaphorique d’exils et de défaites, depuis les Chaldéens de Nabuchodonosor jusqu’à l’’époque de la Rome antique… Et aujourd’hui, ce long cortège de souffrances et de brimades sanglantes s’enrichit des attentats islamistes qui visent des Juifs.

Celles et ceux qui me font l’honneur de me lire presque chaque jour dans cette TDG savent que je verse jamais dans la victimisation. Mais aujourd’hui, il convient d’appeler les choses par leur nom. Les autorités françaises, soucieuses de ménager une part croissante de l’électorat, tentaient jusqu’ici de préserver les équilibres sans prendre trop de risque. Cette allusion est transparente.

Certes, il y eut ce beau discours, très sincère, très éthique de Manuel Valls ce samedi soir dernier, et auquel j’ai d’ailleurs rendu hommage doublement : dans la TDG et dans JForum. Mais cette joie fut de courte durée puisque, dès le lendemain, on vit le chef de l’Etat se rendre à une invitation à boire un verre (et non une tasse) de thé… Un certain nombre de gens, se sentant concernés, ont marqué leur désappointement, reprenant l’antienne de la versatilité des hommes politiques, obnubilés par leur intérêt personnel avant toute chose.

Ce que je retiens ici, en ce qui me concerne personnellement et malgré ma distance philosophique vis-à-vis d’une actualité brûlante, c’est un sentiment de grande solitude. En quelques jours, le destin sembla basculer. Valls a raison de dire que la France ne serait plus la France sans ses Juifs ; et je pense que ses lointaines origines espagnoles n’expliquent pas tout. C’est un homme qui a compris la détresse de plus en plus profonde de ces hommes, de ces femmes et même de ces enfants, qui vont bientôt devoir vivre comme des marranes du temps de l’Inquisition, rasant les murs pour se rendre chez eux, dans leurs lieux de prière ou les écoles de leurs enfants. Et tout cela en 2016 dans notre beau pays, la France !

Des rumeurs persistantes font état d’un mécontentement croissant des grandes organisations juives américaines, inquiètes de ce climat délétère et surtout choquées par une certaine impéritie : et un appel téléphonique du président US à ce sujet, adressé au chef de l’Etat, n’est plus à exclure. Les Américains ont été choqués, eux qui n’avaient pas prévu l’attaque du 11 septembre, que les Français n’aient pu neutraliser Abahoud que grâce à une indication fournie par les Marocains !!

Les islamistes ne parviendront pas à tout enflammer, ni à tout dértruire ; certes, ils organisent et réussissent à perpétrer des attentats un peu partout dans le monde, mais les coups qui leurs sont portés chaque jour dans leurs fiefs en Syrie et en Irak, accomplissent leur effet.

Toutefois, ils vont remporter une victoire importante, quoique posthume : les Juifs d’Europe, et surtout de notre pays qui abrite la plus forte concentration du continent (un peu plus qu’un demi-million), se sentent seuls, les vieux réflexes réapparaissent, la longue, l’interminable complainte vibre de nouveau à leurs oreilles, ils se demandent si la France ne va pas devenir une étape supplémentaire sur la route d’un exil vieux de deux millénaires et qui n’est pas près de toucher à sa fin.

Si l’on veut que cela change, il faut agir vite et ne pas se montrer conciliant envers ceux qui abusent des traditions d’hospitalité et de tolérance de cette grande nation qu’est la France.

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