L’Europe face à la Turquie d’Erdogan : défendre ses idéaux ou défendre ses intérêts ?
Ce sera l’enjeu majeur de cette réunion de lundi à Bruxelles avec les autorités turques dont on a déjà dit et redit qu’elles jouaient double jeu, faisaient flèche de tout bois, bombardaient plus le PKK que l’Etat islamique et ne faisaient pratiquement rien pour stopper l’exode vers l’Europe ni combattre les passeurs ! Ce sont là des affaires sérieuses. Ile ne faut pas, néanmoins, n’instruire qu’à charge : la Turquie reçoit sur son territoire près de deux millions de réfugiés de toutes sortes, lesquels bien que tous arabo-musulmans, ne veulent pas intégrer les riches pays arabes de la région mais jettent leur dévolu sur l’Europe, au risque de leur vie, une Europe qui se déclare incapable de les recevoir et commence à envisager de renvoyer tout ce petit monde d’où il vient. Mais la Turquie a absolument droit à une aide de quelques milliards pour subvenir aux besoins des réfugiés, leur réserver un accueil décent. Sur ce point, il n y a rien à dire, mais bien sur tout le reste, et ce reste est considérable. D’abord, je ne crois pas que l’Europe ait jamais envisagé sérieusement d’accueillir ce pays au sein de l’Union ; même Jacques Chirac avait assorti cela d’un référendum du peuple français ; et je laisse de côté des pays foncièrement catholiques qui refuseraient d’avoir dans l’UE près de 90. 000 000 de musulmans chez eux, ce qui bouleverserait définitivement les équilibres. Ces mêmes pays barrent l’accès à leur pays au motif qu’ils veulent rester chez eux entre eux.
Que fera l’Europe demain ? Va t elle s’indigner verbalement qu’on ferme un journal Zaman et qu’on embastille ses journalistes ? Va t elle exiger du sultan qu’il cesse de se comporter en satrape oriental et qu’il respecte la liberté d’opinion, et notamment celle de la presse ? Ou va t elle au contraire, tout céder pour obtenir un point majeur : la rétention des réfugiés sur place et le retour d’où ils viennent… Le tout assorti de quelques milliards qui seront nécessaires s’ils sont bien utilisés, c’est-à-dire remis aux réfugiés pour les nourrir, les vêtir, les éduquer, les soigner, etc… Donc défendre ses intérêts avant tout. Car, comment voulez vous que l’Europe devienne le réceptacle d’un déversoir ? Si la moitié de la population syrienne ou irakienne suivait Madame Merkel, que diront les Allemands ?
Mais même si les Turcs se décidaient enfin à jouer le jeu, à bloquer les passeurs, saisir leurs embarcations de fortune et garder les réfugiés sur place, ce sera un remède cosmétique. Ce qu’il faut, c’est prendre le problème à la source : faire régner le calme en Syrie, réduire l’EI et supprimer les causes qui entraînent cette conséquence majeure : l’émigration, l’exil.
Et cela, malheureusement, nous échappe en Europe, cela repose entre les mains du dirigeant du plus grand et plus puissant pays, les USA. Si Barack Obama avait fait un autre calcul, en quelque semaines, avec l’envoi de quarante mille hommes, il aurait réglé la question. A l’inverse, il bombarde indéfiniment et l’EI a trouvé la parade, il se terre. Certes, il cesse d’avancer et de conquérir de nouvelles parcelles de territoire…… Mais il est à Mossoul en Irak et contrôle une part non négligeable du territoire syrien.
Pendant tout ce temps, des Syriens meurent, se noient, ont froid et faim. Mais un jour, l’Histoire rendra son verdict qui sera alors sans appel.
Les Allemands ont un très beau proverbe, le voici : Gottes Mühlen mahlen langsam, langsam aber fein ; les moulins de Dieu moulent lentement, lentement, mais finement.