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L’épineuse question kurde… 

Ce peuple disséminé entre plusieurs pays limitrophes de l’Iran, de la  Syrie, de la Turquie et de l’Irak fait incontestablement figure de  grand oublié du traité de Versailles qui, en mettant fin à la Grande  guerre, a remodelé la face du monde sous l’égide de l’hyperpuissance de l’époque, l’Europe qui se croyait investie de pouvoirs et d’une  légitimité quasi divins pour le faire. On a déjà lu dans ces mêmes  colonnes l’article sur l’ouvrage intitulé « Une ligne dans le sable ».  L’allusion à des frontières artificielles est évidente et souligne la  faiblesse de l’œuvre humaine à s’imposer à la nature. Le sable était  là, bien avant nous.

 

La France et la Grande Bretagne étaient les deux  puissances hégémoniques de l’époque jusqu’au moment où elles furent  supplantées par les USA qui signèrent des accords avec les nouveaux  régimes pétrolifères arabes : le pétrole contre la sécurité. Et comme  l’une des plus grandes cités kurdes se trouvait dans une région riche  en pétrole comme Kirkouk, cette situation a pesé d’un certain poids  dans la dévolution des territoires à tous, sauf aux Kurdes que l’on  considérait plus comme une diaspora que comme un peuple alors qu’ils  ont une langue nationale, une histoire nationale et  un territoire  national. Car tout le monde parle du Kurdistan irakien, du Kurdistan  syrien, du Kurdistan turc et Kurdistan iranien. Cela fait du monde ;  on parle, au total, de près de 30 millions de personnes.

L’ancien  ministre anglais des affaires étrangères Anthony Eden a eu jadis ce  mot : le monde ne repose pas sur la justice mais sur le pétrole ! Tout  le cynisme qui fait le charme de tout grand diplomate qui se respecte… 

On en reparle aujourd’hui car la région autonome du Kurdistan irakien  entend organiser un référendum ( décidément c’est la saison, un peu  comme en Catalogne) en faveur de l’indépendance. Le président de la  région, M. Barzani défie le pouvoir central de Bagdad sans vraiment le  défier tout en le défiant… En cas de réponse positive, le Kurdistan ne  proclamera pas l’indépendance mais s’en servira pour négocier les  clauses les plus utiles à la région. C’est toujours ce qu’on dit afin  d’endormir des voisins ou des supérieurs hiérarchiques qu’on ne veut  pas affronter directement. 

Cette décision du Kurdistan a aussitôt provoqué une réaction de Bagdad  qui évoque plusieurs arguments juridiques contre cette initiative.  Mais de quel poids pèsent de tels arguments face à une authentique  volonté populaire ? Dans l’espoir que soient rétablis ses droits à  l’autodétermination, les kurdes ont versé leur sang dans la bataille  contre Daesh. Dans la reconquête de Rakka ils sont soutenus par les  USA et ses alliés. On voit mal comment ils pourront rendre leurs armes  et rentrer tranquillement à la maison, au mépris des promesses faites.  Et c’est là que commencent les vraies difficultés ; s’il n’ y avait  que la Syrie et l’Irak, l’affaire serait assez simple car ces deux  états n’existent pratiquement plus comme avant Daesh.

Leur intégrité  territoriale n’est qu’un souvenir après une guerre qui dure depuis  près de cinq ans et l’absence résolue de tout pouvoir central. Un  exemple, la région de l’Anbar et de Falloudja vont elles réintégrer le  giron du pouvoir de Bagdad, comme s’il ne s’était rien passé ? Cela  relèverait du miracle.  Voyons le cas de la Syrie qui est bien pire. Imagine-t-on la  conurbation d’Alep ou de Deir al Zohr revenir dans le giron de Damas  après une destruction quasi totale de ces deux cités régionales ?  C’est une impossibilité majeure.

Les Kurdes ont donc une carte à jouer  de ces deux côtés. Au besoin, ils disposent de forces armées  victorieuses, aguerries et connaissant bien le terrain. S’il le  fallait, des puissances régionales présentes sur place, et même au  sein des frontières kurdes, sous uniforme (américain) ou anonyme,  comme Israël, soutiennent de telles tendances séparatistes. Il suffit  que les Kurdes se coordonnent entre eux et parviennent à une  plateforme commune. 

La situation est totalement différente lorsqu’il s’agit de l’Iran et  de la Turquie. Ce second pays dont la corde nationaliste a à peine  besoin d’être effleurée pour provoquer d’intenses tensions,  n’acceptera jamais d’être démembré. Il n’a même pas tenté d’intégrer  la forte minorité kurde en remodelant l’identité turque contemporaine,  afin que les Kurdes se sentent chez eux en … Turquie ! Et tant que M.  Erdogan sera en place, il ne faut pas s’attendre à des nouvelles  allant dans le sens souhaité. 

Dans l’Iran des Mollahs, la situation est encore plus risquée. Les  Mollahs tiennent le pays et les services de sécurité et du contre  espionnage des gardiens de la révolution quadrillent l’ensemble du  pays. On a vu les Iraniens à l’œuvre en Syrie. Avant leur entrée en  force dans la guerre, chaque semaine apportait la défection d’un  général ou d’un haut gradé de l’armée de Bachar. Depuis que les  Iraniens ont étendu leur emprise sur la Syrie, aucun haut gradé n’a  réussi à s’exfiltrer, sauf quand les puissances occidentales ont  décidé de l’y aider… Tout dépend de ce qu’il a à offrir.  L’heure de la décision approche à grands pas. Certes, Daesh va quitter  tous ces territoires et mènera une guerre terroriste à l’échelle de la  planète. Mais sur place, que va t il se passer pour les Kurdes ?

Dans  les deux premiers pays, il y aura une grande autonomie qui sera  accordée aux Kurdes à la suite de longues négociations avec un pouvoir  central largement affaibli. Mais dans les deux derniers, ce sera une  grave répression et des troubles sécuritaires qui menaceront  l’intégrité des deux pays.  Israël dispose de quelques cartes qu’il peut mettre à profit pour la cause  kurde. Il favorise les velléités indépendantistes  des minorité arabes  ou non arabes de la région. On dit même qu’il est présent sur place et  qu’il équipe et entraîne les peshmergas. L’une de mes cousines  germaines est mariée en Israël avec un juif originaire du Kurdistan  irakien, arrivé en Israël à l’âge de deux ans… Cette aliya est  évidemment mise à contribution pour aider dans cette affaire.  Justice pour les Kurdes.

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