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Les Juifs, une tache aveugle dans le récit national (Albin Michel) (sous la direction de Paul Salmona et Claire Soussen)

Les Juifs, une tache aveugle dans le récit national (Albin Michel) (sous la direction de Paul Salmona et Claire Soussen)

Derrière cette expression un peu mystérieuse «une tache aveugle» se cache la non- perception, l’occultation plus ou moins volontaire d’un fait historique avéré. Ici, il s’agit de l’absence d’une référence à la présence juive dans le récit national français. En gros, l’historiographie française a fait l’impasse sur la présence juive en France au fil des siècles. Comment faut il le prendre, comment interpréter cette occultation et quelles en furent les noires ( ?) arrière-pensées ? C’est l’objet de ce remarquable ouvrage.

Voulait-on éradiquer, historiquement parlant, cet héritage juif qui plonge ses racines profondément dans l’humus national ou s’agit-il simplement d’une ignorance, voire d’un désintérêt ?

J’ai commencé par lire avec attention l’éclairante introduction de Paul Salmona qui cite quelques cas flagrants d’oubli volontaire ou involontaire, notamment chez quelques grandes figures de l’historiographie française contemporaine. Il cite le cas d’un livre de Georges Duby qui vient d’être réédité, Guerriers et paysans, chez Gallimard et dont j’ai rendu compte dans la Tribune de Genève… Cette absence de presque toute référence à la présence juive, et donc à l’appartenance des communautés juives à la grande communauté nationale, m’avait frappé ; toutefois, je n’ai pas osé le signaler dans mon compte rendu… D’un autre côté, il faut aussi reconnaître que lorsque Duby rédigeait son important ouvrage, le niveau des études juives dans l’Hexagone était loin d’être celui d’aujourd’hui… Le nombre de chaires universitaires dévolues aux études juives est aujourd’hui assez considérable. Cela n’a pas toujours été le cas… On peut croire qu’il n’avait pas d’éléments ou d’ouvrages sur lesquels il aurait pu s’appuyer pour en faire état.

Les Juifs, une tache aveugle dans le récit national (Albin Michel) (sous la direction de Paul Salmona et Claire Soussen)

 

La manière dont un important historien français parlait de Rashi, le plus grand commentateur biblique et talmudique de tous les temps (qui nous livre même des informations sur l’état de la langue française de son vivant, le’azim), me laisse songeur. Rashi ne fut pas un simple petit rabbin-vigneron de Champagne ; c’est un maître exceptionnel qui fit ses études en terre germanique, s’en revint chez lui dans sa région natale et fit de ses gendres de grands maîtres qui assurèrent la survie et le développement de la tradition rabbinique. Et il y eut aussi, en guise de présence et de performance juives in situ, le talmud de France, les fameux Tossafistes qui complétèrent les discussions talmudiques.

Mais il ne faut pas instruire à charge exclusivement : d’un côté il y eut la volonté maintes fois réaffirmée de l’église catholique de traiter les juifs comme des parias, de les accabler de son zèle convertisseur, de les expulser, parfois même d’enlever leurs propres enfants pour en faire de bons petits chrétiens, mais d’un autre côté, il y avait aussi le volonté juive d’assurer la survie de ses ouailles en se coupant d’un milieu ambiant, connu pour son hostilité et sa haine du juif. Cependant, l’attitude de l’historiographie reste malgré tout critiquable : pourquoi ne pas en faire état dans des ouvrages destinés à écrire l’histoire telle qu’elle était ? Il eût été juste et honnête de dire qu’à telle ou telle autre époque, dans telle ou telle autre région de France, vivaient des juifs qui apportèrent leur pierre à l’édifice national.

Sans vouloir plaider en faveur de ma propre paroisse, celle de la philosophie et de l’histoire des idées, je signale humblement que la grande collection U des éditions Armand Colin a attendu le début du XXIe siècle pour accueillir enfin un volume conséquent intitulé… La philosophie juive, ouvrage qui a connu il y a peu d’années une réédition revue et corrigée. Le voisin allemand a eu près de deux siècles d’avance sur nous et il y eut, de plus, les vigoureuses études de la Wissenschaft des Judentums et les beaux travaux du père de l’historiographie juive moderne, Heinrich Grätz.

Il y a de nombreuses années j’avais traduit pour les éditions du Cerf le livre de Grätz intitulé La construction de l’histoire juive… Les deux pays riverains du Rhin, ne sont pas comparables. Et l’Allemagne n’a pas toujours eu une attitude exemplaire dans tant de domaines… Pourtant c’est bien cette science allemande du judaïsme qui a donné le ton et a fertilisé les études juives au sein de l’Hexagone.

On a traité les juifs comme des parias mais une certaine attitude juive d’auto-défense relevait aussi d’un comportement qui ne voulait pas être traité comme faisant intrinsèquement partie de la communauté nationale, laquelle, disons le franchement, exigeait des juifs la conversion à la religion dominante, selon le bon vieux principe de la théologie dite de la substitution, le christianisme serait la vérité du judaïsme.

Lorsque j’écrivais mon livre sur Renan, la Bible et les juifs (Arléa, 2011), je fus horrifié de lire chez ce grand philosophe-historien des développements comme : la sève vivifiante a quitté le vieux tronc judaïque pour affluer dans le nouveau rameau du christianisme… Et dans son Histoire d’Israël (qu’il limitait à la chute du temple, considérant qu’à partir de cette date fatidique, Israël en tant que tel avait cessé d’exister), il risque cette réflexion, étonnante sous la plume d’un historien, concernant un sage talmudique : il ne pouvait pas comprendre la virginité de la sainte Vierge, il était trop juif pour cela… En dépit de toutes ses indéniables qualités, Renan reste aussi un fils de son temps car j’ai aussi retrouvé chez lui des considérations dignes d’un antisémitisme théologique patenté. Mais je signala aussi, pour être juste, qu’il a favorisé la publication du volume XXXI de L’Histoire littéraire de la France consacré aux rabbins français du XIVe siècle, en collaboration avec Adolph Neubauer.

Je crois que l’ancienne historiographie française s’est nourrie de cette approche et de cette mentalité, à savoir le judaïsme n’est plus qu’un héritage résiduel, une survivance du passé.. Il suffit de considérer comme on évoque la référence au christianisme, à l’humus de la France, là où il faudrait justement dire judéo-christianisme et non plus seulement influence chrétienne ou les racines chrétiennes. Les racines de l’Europe ne sont pas chrétiennes mais judéo-chrétiennes. La constitution spirituelle de l’Europe, c’est le Décalogue biblique.

En 1938, alors que le sort du judaïsme allemand, et au-delà, du judaïsme européen tout entier, était scellé, Léo Baeck (ob. 1956) publiait une longue réflexion, véritable bouteille à la mer (Flaschenpsot) : Les Evangiles, un document de la histoire religieuse du judaïsme. Considérant que les deux religions étaient unies par une sorte de communauté de destin, il prenait le terme allemand de Urkunde dans le sens de document fondamental, resituant ainsi les Evangiles dans leur environnement originel typiquement juif. Ce livre fut traduit en français en 2002 aux éditions Bayard.

En résumé, les juifs se sont posés en s’opposant, et ce ne fut pas de leur plein gré. Pas étonnant que les moines qui tenaient la plume n’aient pas bien compris où les placer ; il valait mieux ne pas les mentionner puisqu’ils menaient une existence marginale, loin de l’axe central chrétien qui dominait l’évolution de la société.. On peut le constater, la question n’est pas toujours très claire. Et il convient de ne pas taxer d’antisémitisme cette attitude. En revanche, la citation de Fernand Braudel reprochant à Léon Poliakov de s’occuper d’antisémitisme est plus que choquante… Comment ne pas parler d’antisémitisme quand on en est victime depuis près de deux millénaires ?

Je me souviens de la déclaration d’un savant allemand, du XIXe siècle, spécialiste de la Rome antique, Théodore Mommsen : Lorsqu’Israël fit son apparition sur la scène de l’histoire mondiale, il n’était pas seul, mais était accompagné d’un frère jumeau, l’antisémitisme.

Le message est clair et ne requiert aucun commentaire.

Il me semble que l’imprégnation chrétienne du continent européen, et la France est considérée comme la fille aînée de l’église, explique bien des choses sans jamais pouvoir les justifier.

Il y a aussi un problème qui touche au récit juif au sein de l’historiographie. Et cette belle introduction l’effleure convenablement, c’est le défaut majeur de l’histoire juive, celui d’avoir été, à ses débuts, une histoire larmoyante et victimaire. Les persécutions ont éclipsé le discours historique purement et simplement. Mais là aussi, on peut dire que l’histoire juive est unique en son genre, à nulle autre pareille. Est-ce la faute des historiens français ? Non. Je me souviens de mes jeunes années d’étudiant quand je suivais les cours de Bernhard Blumenkranz qui analysait le contenu des chroniques médiévales, notamment le Sefer guezérot ashkénazes we tsarfate (Tel Aviv, Habermann, 1947). Ce fut d’ailleurs un historien français d’origine protestante qui marque les débuts d’une approche plus objective. Mais on trouvera plus de détails dans mon QSJ ?, intitulé L’historiographie juive.

L’historiographie ne peut pas se retrancher derrière son ignorance de l’hébreu puisque depuis la fin du XIXe siècle, on dispose d’un ouvrage historique d’une érudition écrasante, de Moritz Steinschneider Die hebräischen Übersetzungen des Mittelalters und die Juden als Dolmetscher (Les traduction hébraïques au Moyen Âge et les juifs en tant que traducteurs. Dans cet ouvrage de référence on trouve absolument tout sur l’activité intellectuelle des juifs dans les pays où ils étaient exilés. Là se pose une question qui a toute son importance : les juifs étaient-ils membres d’une communauté religieuse ou d’une communauté nationale en soi ? En d’autres termes, formaient ils une religion comme les autres ou étaient-ils un peuple ? Et dans ce dernier cas, on pouvait dire qu’ils n’étaient pas chez eux en France ou ailleurs dans le monde… A quoi bon les intégrer puisqu’ils étaient en transit et dans l’attente d’un rapatriement en Terre sainte ? C’est cette ambiguïté qui a déclenché l’ire de certains juifs d’Europe occidentale lorsque les premiers signes du sionisme politique firent leur apparition. Les Juifs qui se sentaient bien installés dans les pays européens craignaient d’être la cible des antisémites qui leur reprochaient de ne pas abandonner leur héritage juif au profit de l’histoire vécue du pays d’accueil.

J’en arrive à un autre point dont l’importance dépasse tout ce qui précède : comme les juifs n’ont pas d’histoire mais une simple anti-histoire, constituée de l’interminable récit de toutes les persécutions subies, on a pris l’habitude de se limiter aux dates de leurs grandes défaites : la destruction du temple de Jérusalem, l’exil et la déportation, l’expulsion traumatisante de la péninsule ibérique, l’affaire Dreyfus et enfin la Shoah. Et on peut dire avec les auteurs de ce livre que ces deux derniers événements ont accaparé par leur gravité extrême, toute l’histoire juive.

Pour éviter tout malentendu, je me dois de préciser que le souvenir indélébile de la Shoah est un élément constitutif de premier ordre de l’image du juif contemporain, indissociable de la création de l’Etat d’Israël. Mais certains jugent que la culture et l’histoire juives sont désormais résumées, incarnées par l’extermination des juifs d’Europe. Je me souviens d’une longue conversation avec le Grand rabbin Josy Eisenberg qui craignait que la Shoah ne générât une théologie en soi qui finît par supplanter la théologie juive dans son ensemble. Ce qui représenterait une victoire posthume des Nazis. Selon lui et selon moi, la meilleure manière de vénérer la mémoire inoubliable des nos frères assassinés et de l’immortaliser est de leur redonner vie en étudiant leurs œuvres afin qu’elles leur survivent… La fondation de musées, l’entretien des anciennes synagogues et des cimetières sont des œuvres indispensables mais le maintien en vie, l’étude, la propagation et la mention des œuvres littéraires, religieuses et philosophiques portent en eux la garantie d’une survie.

Il faut réfléchir à cet aspect des choses. Un jour, peut-être, serons nous amenés à envisager l’histoire juive sous un autre angle que celui qui s’est imposé avec ses défauts et ses qualités.

Les grandes chroniques médiévales font maintes fois état de la présence juive dans le royaume de France. Mais on y parle le plus souvent d’expulsions, de mises à mort pour de prétendus meurtres rituels, d’abandon de créances sous la contrainte même si le roi (Philippe le Bel) s’arroge un petit pourcentage (5%) sur les sommes non remboursées. On parle aussi du rappel des juifs, comme le fit Philippe Auguste qui les avait précédemment expulsés du royaume. Il arrive aussi que le religieux en charge d’écrire la chronique mette en relation une grave défaite militaire du roi et une débandade de son armée avec le rappel des juifs… Un peu comme un châtiment divin qui s’abat sur le royaume en raison d’un coupable philosémitisme qui était très mal vu par les ecclésiastiques.

Les chroniques médiévales font aussi état d’accusations de profanation de l’hostie , d’enrichissement malhonnête des juifs, de biens mal acquis aussitôt saisis par l’autorité royale et mis en vente par elle… On ne peut donc pas parler d’ une absence totale des juifs dans le récit national, même si leur mention n’est jamais valorisante ni même simplement neutre.

L’article sur la similitude des destins huguenot et juif ne laisse pas d’être intéressant. Les liens entre les deux communautés en butte aux persécutions sont bien connus. Comme le dit l’auteur de l’article, les protestants connaissent les juifs de l’intérieur… Leur héritage biblique mis en commun les a beaucoup rapprochés. Et je relève cette phrase du grand historien Théodore Reinach sur Jacques Basnage de Beauval : … un ministre protestant, Basnage, est le premier historien impartial du judaïsme moderne.

                                                       II

Dans un tel livre parlant de la présence ou de l’absence du juif dans les écrits d’histoire, on ne pouvait pas éviter une référence à Jules Michelet, un personnage dont mon ancien professeur d’histoire m’a dit qu’en parcourant son Histoire de France, on en apprenait plus sur Michelet lui-même que sur la… France. Voici une brève citation de cet article : La position de Michelet doit avant tout, comme toujours chez lui, être interprétée à la lumière de la projection que fait l’historien de son propre moi à travers ses écrits. En l’occurrence, le traitement réservé aux juifs doit non seulement être compris comme l’un des révélateurs du grand dessein… mais aussi de l’installation de l’historien comme le prophète du passé et du futur…

J’ai bien apprécié la note d’André Kaspi sur Jules Isaac, brève mais percutante. C’est la présentation du personnage qui m’a plu. On va droit au but sans se perdre dans d’interminables circonlocutions. Jules Isaac était juif sans l’être tout en l’étant… Comme le Dieu de Hegel ! Mais la tradition juive lui doit une fière chandelle : c’est lui qui, au plus haut niveau, a convaincu la hiérarchie de l’Eglise d’en finir avec l’antisémitisme, ce qui a considérablement facilité notre existence en milieu chrétien.

Le cas de Marc Bloch est à part ; j’ai fait récemment une conférence sur Marc Bloch et Simone Veil : face au kaddish. On connaît la demande de l’ancienne ministre qui voulait des obsèques avec la récitation du kaddish alors que Bloch a opté pour la non récitation. Il a même expliqué que son propre père avait demandé des obsèques religieuses, mais lui n’en voulait pas. Il ajouta dans son testament qu’il n’avait jamais caché son ascendance juive et qu’il s’est toujours opposé à des déclarations antisémites…

Ce recueil contient aussi l’un des passages les plus intéressants sur le sujet qui nous occupe, un dialogue entre Emmanuel Leroy-Ladurie et Pierre Nora, deux éminents historiens et membres de l’institut. Nora distingue quatre grands moments au cours desquels les juifs ont adhéré (et même plus) à la France. Ce qui me réjouit, c’est qu’il s’est gaussé du sous titre une tache aveugle pour dire une tache aveuglante

Il y eut d’abord la Révolution française et l’Emancipation qui s’ensuivit. Ensuite il y eut l’affaire Dreyfus qui confronta les juifs en France à une triste réalité. En troisième lieu il y eut la défaite de 1940 et les lois scélérates de Vichy, et pour finir le quatrième élément qui a tout chamboulé, c’est l’indépendance algérienne et l’exode massif des juifs vers la France (français par le décret Crémieux) qui transformèrent en profondeur la physionomie du judaïsme français. En arrière-fond, l’Etat d’Israël qui attira tant de monde à partir de la guerre des-six- jours.

J’ai tout de même l’impression en lisant attentivement l’échange entre Pierre Nora et Emmanuel Leroy-Ladurie que les juifs ne sont pas le cendre du monde. Mais j’ai trouvé très intéressantes les remarques de Pierre Nora sur ce qu’il voulait ou aurait dû faire. Avec tout le respect que je lui dois (et je lui dois beaucoup, par ailleurs), il me fait penser à toutes ces générations de grands savants juifs qui ont tout étudié, exception faite du judaïsme, de sa culture, de sa philosophie et de pratique religieuse… Mais c’est ainsi.

Comment s’y prendre pour que l’histoire et la philosophie juives, au sens le plus large, figurent dans l’enseignement universitaire français ? C’est une longue histoire qu’il ne faut pas appréhendé exclusivement sous l’angle historique proprement dit ; Il faudrait, en fait, des chaires dans les départements de philosophie et d’études germaniques, et pas seulement d’histoire. Il conviendrait aussi, de cette façon, de désenclaver de telles études. Certains diraient même décommunautariser ce champ d’études. Enfin, il y a un obstacle majeur à une telle diffusion des études hébraïques et juives, c’est l’ostracisme dont est victime l’Etat d’Israël depuis sa naissance. Comme le disait Georges Vajda, de tels instituts ne sont ni une annexe de la synagogue ni un baston d’Israël. Mais réjouissons nous, car les choses sont en train de changer. Au cours du XIXe siècle français, les rabbins locaux chérissaient plus Eschyle et Sophocle que les folios talmudiques…

Comment palier tous ces manques et ces insuffisances ? Il faudrait éviter de confondre les études sur le judaïsme avec l’histoire de l’antisémitisme. C’est un peu l’arbre qui cache la forêt. D’un autre point de vue, il faut aider les historiens à sortir de leur ghetto où ils se sont retrouvés enfermés contre leur gré. Enfin, il faudrait en finir avec cette haine de soi, cette honte de lancer des investigations sur ses propres racines intellectuelles et spirituelles, j’évite sciemment le terme religieuses…

Voici une anecdote véridique qui illustre bien un certain état d’esprit : une étudiante juive en germanistique se rend chez le directeur de l’institut, lui-même d’origine juive et spécialiste de Franz Kafka dont il a revu l’édition des œuvres complètes dans La Pléiade. Elle veut faire un travail de recherche sur les sources juives dans l’œuvre de Kafka. En résumé, voici ce qui lui dit l’éminent kafkalogue : je ne connais que deux personnes qui mêlent Kafka et le judaïsme, Max Brod et vous !! Tout ceci se passe de commentaire…

Ce volume contient d’autres contributions d’excellente tenue mais que je puis intégrer à ma critique. Je signale, cependant, une lacune que je n’m’explique pas, l’absence d’Ernest Renan dont le rapport au judaïsme et aux juifs fait l’objet de recherches très récentes évoquées plus haut.

Au fond, l’objet de toutes ces recherches est de se demander si un jour prochain, le juif sera enfin considéré comme les autres êtres humains. Ce qui n’a pas toujours été le cas ; quel euphémisme !

Pour finir, je citerai le cas du rabbin Katzelbogen, le rival de Jacob Emden dont j’avais traduit l’autobiographie (Meguillat séfer) pour les éditions du Cerf. Tous deux officiaient dans le cadre des trois communautés de l’Allemagne du nord : Hambourg-Wandsbeck-Altona. Katznelbohen a exprimé dans un de ses commentaires le vœu que les juifs soient enfin considérés comme tous les autres, et avec tous les autres. Il a utilisé deux verbes hébraïques, très difficiles à traduire tout en évitant les contresens : nivla (‘avalé) et me’orav (mêlé). Assurément, il ne prônait ni l’assimilation ni les mariages mixtes. Il visait l’arrêt de statut de paria. En gros, que les hommes, nés juifs dans quelque endroit du globe que ce soit, fussent considérés comme des êtres humains à part entière.

Les humanistes allemands des XVI-XVIIe siècles avaient, pour cela, frappé une belle formule littéraire, alles, was Menschenantlitz trägt.

 

 

 

 

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