Éric Zemmour, réflexions sur un candidat non-déclaré…
Nous vivons un événement plutôt exceptionnel, où un simple journaliste politique, écrivain à succès, menace de tournebouler le paysage politique existant depuis plus de quatre ou cinq décennies. Je ne prétends pas mettre à nu le dispositif qui explique un tel engouement pour un homme qui ne fait pas partie du personnel politique habituel, mais je vise simplement à savoir si cet engouement va se transformer en adhésion, ou, plus crument, si les lecteurs vont se muer en électeurs. Je reconnais que le phénomène est vraiment nouveau, inédit à ce jour… Je faisais fausse route en rapprochant cet événement excitant du cas de Jean-Pierre Chevènement qui lors d’une élection présidentielle déjà ancienne avait avoisiné les quatorze pour cent des voix dans les sondages pour n’en réunir que moins de trois pour cent lors de l’expression effective du corps électoral… Il faut se rendre à l’évidence : aucun non-candidat n’a pu égaler ce que fait Éric Zemmour qui totalise entre 10 et 13% des voix depuis quelque temps déjà. Je veux dire que ce résultat a tendance à se cristalliser durablement, il ne traduit pas la montée en puissance d’un candidat au gré de ses apparitions médiatiques si fréquentes. En d’autres termes, la montée dans les sondages n’est pas corrélée à l’exposition médiatique qui est, reconnaissons le, très forte. Si tel avait été le cas, la baudruche se serait dégonflée et le phénomène aurait été une simple affaire médiatique. C’est loin d’être le cas : ce n’est pas vraiment granitique mais c’est loin d’être effet de mode qui va disparaitre aussi vite qu’il est apparu…
Éric Zemmour, réflexions sur un candidat non-déclaré…
Éric Zemmour a eu un lointain allié, un allié absolument imprévisible, un facteur qui a puissamment contribué à faciliter les affaires du non-encore-candidat : cette terrible pandémie qui a ravagé notre train-train quotidien. Et je pense surtout au grand confinement qui s’en est suivi et au cours duquel des millions de nos compatriotes se sont retrouvés enfermés chez eux, contraints de justifier le moindre déplacement, condamnés à subir les annonces quotidiennes du nombre de contaminés, d’hospitalisés et de décédés. Chaque citoyen a pu constater combien le pouvoir politique pouvait sombrer dans le désarroi, sans masques ni vaccin. Avouez que cela n’était pas de nature à rassurer les gens.
Cette pandémie a contribué à présenter l’arène politique comme un véritable champ de ruines. La crédibilité des gouvernants, déjà fortement ébranlée par le cynisme et l’absence de courage des politiques, prêts à toutes les compromissions pour se faire réélire, a permis à Éric Zemmour d’apparaître comme un oiseau rare, une voix originale, un trublion absolument inimaginable peu de temps avant son apparition. Le traumatisme provoqué par la pandémie et les hésitations si incroyables du pouvoir en place, ont fait le reste. Et j’ajoute qu’en France, l’histoire politique, depuis Jeanne d’Arc jusqu’à de Gaule, a toujours accueilli avec foi l’idée de l’homme providentiel. Il y a un peu de cela dans le succès d’Éric Zemmour qui, à ce jour, n’a pas présenté un seul programme socio-économique digne de ce nom. Il n’a fait que critiquer -avec raison- ce qui s’offre à son regard. Le constat qu’il dresse est ravageur mais fondé. Cet amour oblatif de la France semble être payant aux yeux des électeurs qui ne veulent même pas entendre parler des déboires judiciaires du non-candidat. Mieux encore : cela contribue à renforcer davantage leur défiance à l’égard de la justice et de celles et de ceux qui l’incarnent. Nous sommes en présence d’une crise profonde.
Je laisse à de plus compétents le soin d’analyser scientifiquement la terminologie électorale d’Éric Zemmour qui, au moment je prends la plume, semble plafonner durablement à 10% d’intentions de vote. A en croire les instituts de sondage, ce résultat serait remarquable et inégalé à ce jour.
Comment s’explique cette adéquation si rare entre un homme et l’opinion publique ? Et surtout, ira-t-il jusqu’au bout ? Les journalistes professionnels dont je ne suis pas observèrent qu’il y a une obligation de non-retour, ce qui signifie que Éric Zemmour serait condamné à faire acte de candidature, voire de se faire élire… Faute de quoi, on serait fondé à parler de déception, voire de trahison.
Selon toute vraisemblance, ce qui plaît au public chez cet homme, c’est la force des convictions et une certaine forme de désintéressement. Certes, certains esprits chagrins laissent transpirer leur envie et leur frustration en constatant l’norme succès remporté par les livres de cet homme qui a parfois une plume assez féroce. Cette qualité ou ce défaut est le résultat de plusieurs décennies de journalisme politique, à fréquenter des représentants de tout l’échiquier politique.
Il cultive aussi une certaine altérité quand il évoquer vaguement ses origines berbères putatives alors que son nom comporte le signe d’appartenance à la langue hébraïque. Il faut savoir que l’hébreu est une langue consonantique, les voyelles, la vocalisation ne sont venus que postérieurement. ZMR est une racine trilitère courante en hébreu et elle constitue le schéma morphogénétique qui a donné le mot psaume MIZMOR. En hébreu moderne parlé en Israël la racine a donné les termes chant, chanteur, orchestre, musique, etc… En araméen, langue sœur de l’hébreu, la même racine a donné le verbe moissonner, éradiquer. Pour dire l’extermination des tyrans il existe une expression idiomatique, zemir aritsim… Tout un programme.
La panique semble s’être emparée de caciques politiques de ce pays. Notre homme a vraiment tourneboulé le système. Mine de rien, E.Z. a dynamité la dernière digue qui empêchait la droite de refaire son unité et de reprendre le pouvoir en France. Depuis la période mitterrandienne, un redoutable piège s’était refermé sur la droite, condamnée à refuser toute alliance avec le Rassemblement National et à végéter dans l’opposition. Or, chacun sait que le non-candidat plaide en faveur de la réunification de toutes les droites. Parviendra t il à ses fins ? Il est trop tôt pour le dire. Mais il est certain que le paysage politique français ne sera plus comme avant. Et ce, quels que soient les résultats de l’élection présidentielle.
Maurice-Ruben HAYOUN