Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Loris Chavanette,  Danton et Robespierre. Le choc de la Révolution. Passés / Composés

 

Loris Chavanette,  Danton et Robespierre. Le choc de la Révolution. Passés / Composés

 

Deux personnalités qui ont marqué la Révolution mais qui, si elles s’étaient entendues jusqu’au bout , en auraient transformé le visage ; et peut-être même changé le cours de l’Histoire. C’est  à un très beau voyage que nous nous convie un auteur qu maîtrise son sujet à la perfection et qui, ce qui ne gâte rien, dispose d’un réel talent littéraire, nécessaire pour mener cette passionnante lecture jusqu’à son terme. Il est vrai que les deux hommes, hautes figures de la Révolution, divisent encore aujourd’hui. L’incorruptible Robespierre face au politique corrompu Danton ? Il est vrai que le premier brille par son intransigeance doctrinale tandis que le second est plus arrangeant, plus malléable, moins granitique. On pourrait presque dire, plus humain, puisqu’il aura une famille alors que son double antithétique n’aura ni épouse, ni descendant, à l’instar de son propre frère et de sa sœur. Étrange famille…

 

Loris Chavanette,  Danton et Robespierre. Le choc de la Révolution. Passés / Composés

 

 

Dans les premiers chapitres de cet imposant ouvrage, on apprend bien des choses sur les origines de ces deux trentenaires qui allaient, par leur verve oratoire et leur enthousiasme révolutionnaire, ouvrir une page nouvelle dans l’histoire de la France et aussi de l’Europe… Tant Robespierre que Danton sont issus de la noblesse de robe, de la petite bourgeoisie provinciale ; ils se sont rencontrés (on n’en est pas certain) lors des états généraux et leur grande éloquence ainsi que leur convictions révolutionnaires les ont immédiatement rapprochés l’un de l’autre. Il faut aussi tenir compte de la sociologie et de la démographie du royaume à cette date- là.

 

Certes, la population avait fortement crû en peu d’années, en dépit d’un grave problème que certains ont nommé l’hécatombe des nourrissons… Mais le mécontentement commençait à se faire sentir. Les divisions en classes sociales quasi hermétiques étaient  de plus en plus difficiles à supporter. Une forte défiance de l’opinion publique contre l’octroi de privilèges à la noblesse  n’a pas suscité l’attention du monarque qui se tenait loin de son peuple à Versailles tandis que ce sang neuf des jeunes générations devenait bouillonnant. Bref, le changement était ardemment souhaité et l’auteur a raison d’insister sur la jeunesse des futurs leaders de la Révolution.  On assistait à une changement de génération, les nouveaux-venus entendaient prendre part à la définition de leur vie et de leur destin. Au besoin, en écartant violemment les obstacles qui se dressaient sur leur chemin. Tout le monde connait cet échange révélateur : C’est une révolte ? Non Sire, une révolution…

 

Nos deux héros avaient reçu une formation de juristes et piaffaient d’impatience, désireux d’exercer leur métier… Même si, on le lit bien dans cet ouvrage, Robespierre ne fut jamais vraiment la plus fine lame du barreau.  Enfin, ces deux hommes qui rongeaient leur frein étaient les fils du siècle des Lumières. L’ennemi des Lumières n’était autre que la notion même de tradition et du conservatisme social. La pensée devait se rénover, moderniser l’organisation sociale et certaines œuvres littéraires comme Les souffrances du jeune Werther touchaient profondément la jeunesse européenne qui, dans quelques cas isolés, provoquèrent des suicides. Goethe lui-même avait reconnu, dans son grand âge, qu’il avait joué avec l’idée d’en finir et que le suicide de son héros Werther avait une valeur symbolique le concernant.

 

On peut dire que cette analyse comparée de deux individus, appelés à jouer un rôle majeur dans une affaire de portée mondiale, c’est bien le statut  de la Révolution de 1789, ne laisse vraiment au hasard. On suit les deux élèves et ensuite adolescents dans leurs études, leurs scolarités, on apprend que l’Incorruptible reste fidèle à sa nature propre : tout doit être bien fait, rien ne doit se perdre, Robespierre collectionne les prix d’excellence au lycée Louis-le- Grand alors que Danton, moins bien classé et doté, se contente de notes passables. Tout est exploité, aussi bien les plaidoyers familiaux que les témoignages des anciens condisciples dans le prestigieux lycée cité plus haut.

 

La lecture, même en diagonale, du chapitre intitulé le corps, ce miroir, m’a laissé songeur. Je n’ignore pas que tout un pan de la psychologie statue une relation entre le physique et le mental, l’extérieur et l’intérieur d’un être, comme, par exemple chez le diacre zurichois Johann Kaspar Lavater, le traducteur de Charles Bonnet et l’antagoniste de Moïse Mendelssohn. Mais l’auteur de ce livre a peut-être voulu simplement donner un aperçu de ce qui a existé : des contemporains ou des portraitistes plus lointains ont décrit les traits du visage de Danton et de Robespierre, espérant en tirer quelques informations précieuses : et si les traits du visage et la plastique en général de l’un ou de l’autre pouvaient laisser prévoir ce qu’ils allaient faire ou ce dont ils étaient capables ? On pense aussi que l’origine du succès politique d’un homme (surtout aux yeux des femmes) se trouve dans sa physionomie. Et d’évoquer le torse bombé de cet athlète que fut Danton, un homme, dit-on, aux lèvres épaisses, aux joues grasses, respirant une sorte de force physique, et tant de virilité, générant une excessive confiance en soi. Et pour faire bonne mesure, un double antithétique, Robespierre qui ne dépassait pas les un mètre soixante… Est-ce que cela suffit pour déterminer précisément le rapport au monde, les contacts avec nos congénères, je me le demande. En revanche, on peut largement souffrir d’un corps difforme, qui nous rend transparent, insignifiant et les femmes parfaitement insensibles à notre égard..

Dans ce dernier point, cette théorie des vases communicants, vise juste : l’amour d’une femme, le désir éprouvé à son endroit change un homme, le rend plus humain, plus sensible. Mais  cela vaudrait  également pour les deux héros qui ont envoyé à la guillotine tant d’innocents avant de les rejoindre sur l’échafaud …

 

En France, il existe une loi non écrite qui s’impose  à tout grand esprit dans la quasi-totalité des domaines : quitter sa province natale pour monter déployer ses talents à Paris. Et nos deux héros ne font pas exception à la règle ; simplement, le Paris de l’un n’est pas du tout le Paris de l’autre. L’Incorruptible a passé de longues années reclus  à Louis -le-Grand  , sans jamais céder à la recherche des plaisirs  à profusion dans la capitale. Danton suivra un itinéraire inverse, s’immergeant dans la vie de la capitale, fondant une famille et ayant des enfants. Robespierre est à des années-lumière de ce bonheur typiquement bourgeois…

 

La conquête du pouvoir par nos deux hommes ne s’est pas faite sans heurts. Chacun à sa manière, Danton et Robespierre ont développé une stratégie  pour se hisser au sommet d’une Révolution qu’ils ont contribué à faire naître. Avec des méthodes et de approches assez différentes.

 

Mais c’est un événement extérieur, peu prévisible, qui a pesé sur le destin de ces deux hommes, la fuite de la famille royale et son arrestation à Varennes. Au fond, les choses auraient pu en rester là mais la radicalisation des députés élus, les membres des clubs et d’autres agitateurs ont scellé le destin du monarque désormais retenu prisonnier. Le roi a été maladroit et ne se rendait pas compte qu’il risquait sa vie dans cette affaire : sa fuite était considérée comme une haute trahison et la volonté de pactiser avec l’ennemi aux frontières. Pour que la patrie vive, disait-on, il faut que Louis meure…  Lorsqu’il gravit les marches de l’échafaud, le monarque clamera encore son innocence. Il était trop tard, la voie menant vers la République était toute tracée.. Même si c’était à l’insu des instigateurs de ce changement radical de régime.

 

On pourrait dire encore tant de choses car ce livre est d’une extrême richesse. Mais j’ai conscience d’avoir fait long, déjà.

 

Mais que dire d’une révolution qui dévore ses propres enfants ?

 

Pour finir, mais ce n’est pas une conclusion, je redonne la parole à l’auteur qui nous livre cette très intéressante réflexion :

 

Les deniers moments de leur chute à tous deux (Danton et Robespierre) appartiennent à ces rares épisodes que l ‘histoire n’a pas fini d’analyser, ni les romans de raconter, ni les peintres de colorer. Tant de récits les ont retracés, tant viendront encore que ce n’est pas sans vertige que l’on aborde ces deux naufrages.

 

 

Les commentaires sont fermés.