Ciotti-Pécresse, un tandem politique improbable…
Pour la candidate de LR à l’élection présidentielle du mois d’avril, les choses sérieuses commencent tout juste. Sans jouer les Cassandre ni ni convoquer Pétrarque et la Pythie de Delphes, on peut dire que pour toute candidature à droite les vrais problèmes ne font que commencer. Je ne m’appesantirai pas sur les tout premiers couacs concernant la reprise par la candidate de telle ou telle mesure préconisée par son concurrent d’hier. Il y en aura d’autres, pour la bonne raison que certaines propositions de l’une et de l’autre sont comme l’eau et le feu.
Ciotti-Pécresse, un tandem politique improbable…
Mais sans même entrer dans le vif du sujet, c’est-à-dire les mesures d’un programme commun officiel, il faut dire un mot de la personnalité et du caractère de l’heureuse candidate LR désignée il y a moins d’une semaine. Face à un Éric Ciotti qui a surpris tout le monde, les commentateurs patentés inclus, par le sérieux de son action (qu’on soit pour ou contre) et par sa capacité à traduire les choix d’une base militante très sévère, Madame Pécresse a dû se faire violence pour faire émerger une communauté de vues avec l’élu niçois… Elle fait penser à ces écologistes de la vingt-cinquième heure qui badigeonnent en vert ce qui ne l’était pas, peu de temps auparavant. Sans vouloir faire preuve d’injustice à son égard, cette dame n’est pas dans la ligne de la droite de type LR.
On ne voit pas très bien comment ces deux tendances contradictoires pourraient avancer d’un même pas en abordant l’élection la plus dangereuse et la plus risquée du calendrier politique de Ve République. Cette alliance de façade ne réussira pas à masquer les divergences et encore moins à les faire disparaître, dans une sorte d’Aufhebung hégélienne. En fait, quand elle critique ouvertement l’actuel président de la République, elle n’est guère convaincante. Et ceux qui la critiquent pour cette sévérité feinte à l’égard du bilan du président sortant, en tirent argument pour stigmatiser son absence d’authenticité, voire de sincérité.
Mais il ne faut pas faire preuve d’une excessive critique de la candidate LR : le score d’Éric Ciotti, sorti en tête du premier tour de la consultation, avec un score lors du second qui est loin d’être négligeable, prouve de manière irréfragable que le parti LR est profondément divisé, travaillé par des tendances centrifuges, creusant le fossé qui sépare les modérés, les colombes, des faucons. Ces derniers continuent de regarder en silence l’autre candidat de la droite dure et n’attendent qu’une occasion de se faire entendre, voire de se rebeller… Après tout, leur candidat n’a pas été battu à plate couture et l’heureuse élue ne rate pas une occasion de dire (pour être enfin crue et prise au sérieux) qu’ Éric Ciotti va jouer un rôle importante dans la campagne.
Les partisans de ce dernier n’oublient pas que leur héros a été défait à la suite d’une sainte alliance montée contre lui. Pour que Éric Ciotti soit mis à l’écart, il a fallu que tous ses petits camarades reportent leurs sur Madame Pécresse. Et ceci fait ressurgir un autre débat particulièrement grave : le fossé qui sépare les dirigeants nationaux à Paris des fédérations de la province. Un élément, plutôt un détail qui a son importance, a retenu toute leur attention : Madame Pécresse se présente volontiers comme une protégée de Nicolas Sarkozy et surtout de Jacques Chirac connue pour son peu d’empressement à tenir ses promesses… L’ancien président est connu pour ce fameux principe : les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent… Tout un programme.
Et puis, il y a le programme d’Éric Zemmour, brossé à grands traits lors de son meeting au Parc des expositions en Seine-Saint-Denis. Si Éric Ciotti maintient sa ligne, plus proche de l’ancien éditorialiste que de sa colistière, il y aura forcément des transfuges qui se considéreront mieux représentés par Reconquête que par LR. Il me semble qu’en désignant Madame Pécresse comme sa championne LR a cru éloigner les affres de la division et de l’implosion. Erice Zemmour a bâti toute sa stratégie autour de l’équation suivante : rapatrier de chez LR ceux qui se sentent mieux représentés par lui et Reconquête, (immigration, insécurité, pouvoir d’achat, etc…) d’une part, et attirer d’autres électeurs de RN, d’autre part.
La question est de savoir si cette vision de l’échiquier électoral est la bonne. L’avenir de l’auteur du Suicide français en dépend.
A plusieurs mois de l’élection proprement dite, il est difficile de s’avancer ; en revanche, on peut déjà tirer une enseignement de ce qui s’est passé dimanche 5 décembre au Parc des expositions : en raison des échauffourées et du désordre provoqué par la confrontation entre les partisans d’Éric Zemmour et quelques opposants, l’éditorialiste n’a pas rebondi dans les sondages publiés le lendemain,…Cela aurait dû être le cas à la suite de ce qui se voulait une démonstration de force En revanche, ses deux concurrentes Mesdames Le Pen et Pécresse se maintiennent assez bien.
Cette situation pose une véritable question de fond : est-ce à dire que dans notre pays, la France, certains ont le droit de s’exprimer et d’autres pas ? Est-ce à dire que chaque fois qu’Éric Zemmour prend la parole quelque part, une armée de policiers de d-gardes du corps doit le protéger ? Ce serait un mouvais signal à envoyer au reste du monde.
La démocratie française serait elle malade à ce point ?