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Jean-Clément Martin, La Révolution n’est pas terminée.  Interventions (1981-2021) Passés / Composé

Jean-Clément Martin, La Révolution n’est pas terminée.  Interventions (1981-2021) Passés / Composés

 

Dana ce recueil nous avons affaire à d’intéressantes mises au point concernant l’autorité, la singularité, voire l’exemplarité de la Révolution française. Bien de gens confondent tant de choses et peu savent ce que nous commémorons chaque 14 juillet que Dieu fait… Est-ce qu’on cherche à se prévaloir des rivières de sang des années dites de la terreur ou est-ce que nous nous référons au massacre des Vendéens ou encore à toutes ces charrettes de condamnés sans procès ni possibilité d’appel ?

Jean-Clément Martin, La Révolution n’est pas terminée.  Interventions (1981-2021) Passés / Composés

Citerions  nous en exemple le cas de Robespierre qui envoya son collègue Danton à la mort avant de l’y rejoindre peu de temps après ?

 

Ce qu’il faut aussi retenir de ce petit ouvrage qui se lit si agréablement, c’est que l’histoire de France ne commence pas avec 1789. La Révolution n’est pas tout ; certes, elle marque un tournant assez unique dans cette histoire mais il y eut des choses avant et il y aura des choses après. Lorsqu’on  commémore le bicentenaire de la Révolution on vise certains de ses aspects et pas tous. Par exemple : c’est la monarchie et le christianisme qui ont mis la France au monde et ces deux institutions ou corps sociaux furent mis à mal lors de la Révolution : Louis XVI fut décapité et les prêtres réfractaires sévèrement châtiés… Et quand on célèbre la Révolution qui a aboli les privilèges, on n’avalise pas nécessairement l’exécution du roi.

 

Il faut donc dissocier certains aspects les plus sanglants et les moins recommandables de é événement historique unique en son genre puisqu’il changea la face du monde entier. Reprenons le terme de terreur qui a donné le terme tristement célèbre terroriste, aucune personne  sensée ne pourrait s’en prévaloir ni louer les exploits sanglants commis en son nom en 1794.

 

Quand on commémore un événement fondateur, cela signifie qu’on en a retenu quelque chose dont on souhaite s’inspirer et le porter au pinacle et non au pilori. Le problème de la Révolution est que personne ou presque ne peut chercher à se prévaloir du legs de la terreur… Faut-il opérer un tri, et si oui, dans quelle mesure et dans quel sens ? Reprendre ce qui correspond à la situation politique présente et arracher ainsi des faits à leur environnement historique. Un exemple simple : fallait-il vraiment supplicier le haut responsable qui régnait sur la Bastille, un monument, une institution,  qui symbolisait le mieux un régime honni, la monarchie désormais déchue. On pourrait étendre ce raisonnement ou cette interrogation au cas du monarque lui-même qui, jusque sur l’échafaud clamait son innocence. Fallait-il vraiment guillotiner Louis XVI ?

 

Pour certains, dont je rappelle en substance le slogan, il faut que le roi meure pour que la République vive. Redoutable système binaire qui a favorisé le fanatisme  et la cruauté. Je crois que toute la problématique tourne autour d’une seule idée : faut-il recommander le recours à la violence en politique ? La fin justifie-t-elle les moyens ? On pourrait rappeler le cas du tsar et de l’ensemble de sa famille : fallait-il les tuer ? On connait la réponse.

 

Mais revenons au cas suffisamment complexe, à lui seul, de la Révolution : certains préconisent de tout reprendre en bloc (Georges Clémenceau), ne pas distinguer entre ce qui est admissible et ce qui ne l’est pas. C’est la moins imparfaite des solutions mais elle est largement critiquable…

 

Prenons aussi le cas de ceux qui se sont distingués par des actes sanglants et des dénis de justice, en l’occurrence Robespierre, exemple parfait de la Révolution qui dévore ses enfants… Faut il, après tous ces massacres, ses exécutions sommaires, immortaliser sa mémoire ? Doit-on donner son nom à une rue, une place, un lycée, un jardin ? Je ne le crois pas mais je sais que des gens spécialistes et compétents (ce que je ne suis pas) répondraient par l’affirmative… Je pense à un exemple tiré d’une autre sphère, celle de l’histoire de la philosophie et de la religion. Faut-il baptiser une avenue ou une simple petite rue Spinoza en Israël ? Pour le moment, cela n’est pas arrivé ni n’arrivera pas avant très longtemps. On reproche à l’auteur de l’Éthique l’image désastreuse qu’il a donnée du judaïsme et dont des auteurs aussi importants que Hegel, Fichte et même Kant, se sont inspirés pour émettre leur appréciation du judaïsme rabbinique. Même David Ben Gourion, premier Premier ministre d’Israël, n’a pas réussi à faire fléchir le grand rabbinat qui s’est opposé à instruire un nouveau procès qui aurait permis au polisseur de verres d’Amsterdam d’échapper à l’anathème qui le poursuit depuis des siècles. Je rappelle pour mémoire qu’un penseur aussi réfléchi qu’Emmanuel Levinas se livrait à un terrible jeu de mots : non pas Benedictus mais maledictus

 

Et lorsque j’ai publié mon manuel La philosophie juive aux éditions Armand Colin, dans la collection U, j’ai sans hésiter fait place à Spinoza au sein de la philosophie juive, ce qui en a surpris plus d’un…

 

Quiconque justifie, sans autre forme de procès, tout ce qu’a fait la Révolution court le risque de justifier l’injustifiable. Je rappelle que certains n’ont pas hésité à comparer le massacre des Vendéens à un génocide ! Faut-il leur emboîter le pas ? On est écartelé entre les changements bénéfiques de la Révolution et la barbarie des moyens mis en œuvre. On ne peut pas juger des agissements d’une époque révolue avec les critères du temps présent. Et je n’évoque même pas la phrase du sang impur qui abreuve nos sillons. Et pourtant, j’avoue tenir à la Marseillaise historique telle que chantée par les révolutionnaires.

 

Nous sommes face à une aporie, l’impossibilité de surmonter d’innombrables contradictions internes. Se réclamer de la Révolution, de toute la Révolution et d’une simple partie de celle-ci, celle qui nous arrange ou nous convient le plus.

 

L’auteur de ce sympathique recueil n’a pas tort, la Révolution n’est pas terminée…

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