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Josselin  Guilois, Le cœur d’un père. Amsterdam, 1656. Maison de Rembrandt et Titus. Le Seuil

Josselin  Guilois, Le cœur d’un père. Amsterdam, 1656. Maison de Rembrandt et Titus. Le Seuil

 

Il s’agit d’un roman , sensible et parfois même attendrissant, qui retrace de manière romancée l’existence du grand peintre, une histoire racontée par son propre fils qui assiste, aux premières loges, pour ainsi dire, à la grandeur et aux petitesses de son génial père. Son récit oscille entre une grande distance critique vis-à-vis du père -qui est loin d’être un modèle- et des marques de tendresse, jusqu’à se poser des questions sur d’éventuelles ressemblances entre le fils narrateur et son géniteur. Il parle, par exemple, de la bouche de son père, évoque le souvenir de sa défunte mère qui a dû aimer ces lèvres, cette mère, morte en couches après tant de privations et de maternités successives.

  

Josselin  Guilois, Le cœur d’un père. Amsterdam, 1656. Maison de Rembrandt et Titus. Le Seuil

 

 

Et curieusement, dans ce cas précis, le fils n’adresse aucun reproche à son père ; en revanche, il dénonce sa délinquance financière puisqu’il passe le plus clair de son temps à tenter d’échapper aux haussiers de créanciers désireux de récupérer leur mise pour des commandes de portraits mal exécutés ou qui tardent à être livrés… La menace brandie par les juges est soit de confisquer les biens du mauvais payeur, soit de lui retirer la garde de son fils qui serait alors confié à un orphelinat. Cette perspective menace d’ébranler gravement l’équilibre du grand artiste qu’on nous présente généralement vu de dos, tant il se consacre, notamment la nuit, à la peinture. Il y a ici un symbole : on voit le père de dos, absent, désintéressé, entièrement acquis à son œuvre.

 

On lira aussi l’échange entre le magistrat qui juge cette affaire et le fils qui se rend à la convocation du tribunal car son père n’a pas daigné y répondre. Il est assez étrange de se faire remplacer par un fils, encore jeune, dans une affaire de tromperie sur la marchandise… Mais ce récit va connaître un rebondissement absolument inattendu.

 

On frappe à la porte du domicile ; le fils descend les escaliers pour ouvrir, car il suspecte la présence d’un huissier de justice porteur d’un commandement. Il s’agit de tout autre chose : en dépit de ses inconduites    répétées, de son expulsion de la guilde des peintres, le visiteur vient proposer l’affaire du siècle : une commande mirobolante, cinq mille florins à la clé. Une toile gigantesque, le sommet de la carrière du peintre maudit. C’est le rêve, l’apothéose, l’éclatante revanche d’un mal aimé, d’un réprouvé, de l’infréquentable. Mais il y a une condition fixée par les donneurs d’ordre officiels (il s’agit d’une commande venant d’un organisme d’État) : pour réaliser cette commande l’artiste ne dispose que d’une semaine. Délai de rigueur. Le moindre retard dans le délai de livraison entrainerait la caducité du contrat…

 

La toile de fond de ce roman est fournie par le douloureux tête-à-tête entre le père et le fils. Visiblement, il y a là une rivalité entre la création artistique et les égards qu’un père témoigne généralement à son fils. Mais ce dernier n’est pas assuré d’occuper la première place dans le cœur de son père. Alors, il le lui dit d’une manière très claire et insistante. Voici le passage :

 

Si tu avais le choix de laisser après toi, un enfant contrefait et mal né ou une œuvre insincère et inepte, tu choisirais le premier malheur plutôt que l’autre, hein ? DIS-LE, DIS-LE !

 

Quel cri du cœur ! Il me semble que tout est dit, que cela résume bien le point nodal du roman : un fils qui veut que son père soit moins accaparé par son œuvre et lui accorde un peu de son temps, de son intérêt, de son amour… Ce qui est frappant c’est que ce problème de rivalité caractérise plus les rapports mère / fille que Père / fils.

 

L’enfant se plaint que la peinture accapare entièrement con père qui préfère être peintre que père. Il ne m’a dit-il, jamais élevé, il a préféré son atelier et ses toiles… Mais derrière ces reproches, on sent une tendresse d’un genre particulier, une compréhension pour ce Rembrandt fils de meunier comme l’enfant est fils de peintre. Évidemment, c’est plus contraignant mais on sent qu’il compte les jours, la fameuse semaine au terme de laquelle il doit avoir achevé son grand’ œuvre.

 

Le jeune homme qui a seize ans vit avec son père. A intervalles réguliers, on découvre ses premiers éveils à une vie sexuelle normale. Des souvenirs de la mère morte en couche surgissent et aussi une découverte : le tableau de femme qu’il a installée dans sa chambre n’est autre que sa propre mère que le peinture a réalisée en souvenir de celle-ci.

 

Ce roman constitue un début, un début annonciateur de grandes choses. Au fond, le thème majeur dans ce second roman, c’est la quête d’amour d’un fils à l’égard de son père. Dans quelle mesure peut on accepter des privations d’ordre affectif dans le seul but de permettre à un génie de parachever son œuvre ? Il faut un certain talent pour bien exprimer cela. Souhaitons à ce deuxième roman le succès qu’il mérite.

 

On comprend mieux le sens du titre ; la conquête d’un cœur paternel par un fils. Un fils qui a le droit de réclamer son dû. L’œuvre d’une vie doit il tout sacrifier à la vocation de l’artiste ? Quelle est la place du génie dans la société humaine ?

 

Il ne faut pas sé décourager ; Raymond Barre disait ceci : pour durer, il faut endurer…

 

 

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