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Adèle van Réeth, Inconsolable. Gallimard, 2022.

Adèle van Réeth, Inconsolable. Gallimard, 2022.

Adèle van Réeth, Inconsolable. Gallimard, 2022.

 

Voici un ouvrage à la fois dur et envoutant. Et ce, en raison de sa  teneur, bien que le style de l’auteure soit toujours aussi sobre, élégant et fluide. Mais le thème omniprésent n’est autre que la mort. Pas la mort au moment elle fauche les vivants mais plutôt -et c’est bien ce qui est insupportable- la longue agonie de ceux qui souffrent de ce que l’on nomme par pudeur, une longue maladie. L’auteure est concernée au plus haut point puisque le malade sans la moindre ressource thérapeutique, n’st autre que son propre père. Elle le suit donc dans son agonie et exprime ce qu’elle ressent, ses souvenirs de cet homme qui lui a donné naissance, le  revoit grand et fort, éclatant de santé mais c’est une piètre consolation. D'où le titre de cet ouvrage, inconsolable...

 

Comme je le notais plus haut, cette lecture est à peine supportable car elle nous entraîne dans le sillage d’une jeune femme (trente-cinq ans) qui expose ce qu’elle ressent, l’atmosphère dans une famille qui sait qu’elle va perdre l’un de ses deux piliers, le père auquel généralement les filles sont très attachées. C’est le premier homme dont elles tombent fatalement amoureuses avant de s’en libérer par la suite  Mais cet amour là a lui aussi un goût de cendres. Dans un délai plus ou moins précis, on sait que cela va être la fin. Les souvenirs surgissent en même temps que des réflexions sur le temps présent. Un épisode douloureux à vivre, qu’on le veuille ou non puisque personne n’est jamais mort en bonne santé. La maladie est là, tapie dans l’ombre, prête à frapper au moment qu’elle est la seule  à choisir et à  connaitre.

 

Ce livre examine de très près  ce que tant de familles sont appelés à vivre ou ont déjà vécu. On est toujours désemparé  dans cette situation-là. J’ai été frappé par les échanges entre l’auteure  et les autres membres de la fratrie. La question se  pose de savoir s’il faut parler de l’enterrement avec le malade dont la disparition  peut intervenir à tout instant... L’échange est terrifiant : le lieu des obsèques mais aussi la possibilité pour l’agonisant de préférer la crémation et la dispersion des centres de l’urne funéraire sur le Mont Everest ou ailleurs. Terrible dilemme. Cela vous donne une idée de ce qui vous attend si vous décidez de lire ce livre.

 

Qu’est ce que la mort ? Existe-t-il  quelque chose après, une vie dans l’au-delà ? Autant de questions par rapport auxquelles on se sent tout petit. L’auteure décrit ce qu’on peut appeler le désarroi dans de telles situations car nous sommes confrontés à un verdict sans appel : la mort...

 

Je fais allusion à un échange entre la fille et sa mère qui revient de voyage puisque le père est hospitalisé à l’autre extrémité de l’Hexagone. Alors que la fille attend avec impatience des nouvelles de l’état de santé de son père, la mère s’infantilise en décrivant tout ce qu’elle a fait sans jamais dire un mot sur le sujet, à savoir comment va le malade ?  a-t-il le moral ? Est-il conscience de qui lui  est  arrivé ? La mère n’en démord pas, et continue à donner moult informations sur tout, excepté sur l’essentiel ; comment va le malade ? Son état s’est il détérioré ?

 

La phrase de Flaubert est juste mais je n’y crois pas personnellement : C’est de penser à soi qui rend malheureux... On pense comme cela quand on est déjà déprimé, et cela va généralement de pair avec l’insomnie et le tabagisme, deux choses évoquées non loi, dans le livre. Il est vrai que lorsqu’on se prépare à accepter la mort d’un être aussi cher, la dépression n’est plus très loin et elle est légitime.

 

Dans ce livre, si bien écrit, il ne fut pas s’attendre à des cris de joie. C’est le mal vivre qui donne le ton. Serait-ce la maladie des écrivains ou des intellectuels en général qui se taille ici la part du lion ? C’est toute la problématique de la consolation ou de son impossibilité ? Selon le tire, c’est perdu d’avance. On pourrait accuser de légèreté ou de superficialité ceux qui se contentent de survoler les problèmes posés par le simple fait de vivre. D’aucuns pensent que vivre, c’est perdre... C’est partiellement vrai car la vie n’est pas un perpétuel calvaire, les instants de bonheur voisinent avec les moments de grande difficulté, comme dans le cas présent : la survenue d’un deuil ! Mais, tout bien considéré, comme le dit l’Ecclésiaste, il est un temps pour tout. Mais la solution qu’il propose est d’essence religieuse, et cela devient compliqué à  un moment où l’on ne croit plus en rien.

 

Finalement, le père décade et, l’auteur le confesse sans manière, on se sent soulagé pour soi et pour lui. Cette attente d’un événement terrible car inéluctable, use les familles moralement. Non pas qu’elles  appellent de leurs vœux une rapide conclusion mais simplement ne raison de cette souffrance infligée tant au mourant qu’à sa famille qui attend...

 

Commence alors une autre situation, le constat du vide que le disparu laisse derrière lui. C’est au tour d’une épreuve d’une tout autre nature de prendre possession de l’affaire. On ne peut pas vivre d’un coup sans transition, dans une famille amputée d’un de ses membres fondateurs : perdre son père ou sa mère est différent de perdre un parent d’un autre niveau...

 

Peut on prendre un nouveau départ après un décès ? C’est la question qui se pose. Après tant d’autres, notamment quand on se demande si le défunt a eu l’impression d’être seul au moment où il rendit  l’âme ?

 

Que faire de ce livre, écrit par un espoir de la génération montante ? Si vous êtes déjà déprimé par ailleurs, alors n’ajoutez pas la peine à de le peine et rangez le dans un petit coin de votre bibliothèque. Mais si vous voulez avoir une idée de ce que ressent au fond de lui-même un fils ou une fille lors du grand départ de son père ? Ne partez pas, vous êtes à la bonne adresse...

 

Adèle van Reeth fait partie des jeunes écrivaines les plus prometteuses..

 

 

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