Gaëlle Obglylgy, Sans valeur
Gaëlle Obglylgy, Sans valeur
Page 29 : Cela n’a de valeur que pour moi. C’est sana valeur donc Sans valeur pour la société.
C’est la phrase-clé du livre qui insiste sur l’isolement de l’individu dans certains choix ou périodes d’une vie. Il existe toutes sortes de valeurs qui s’imposent plus ou moins à nous, mais il en existe une, sui nous est très proche, c’est la valeur sentimentale.
Écrit dans un style à la fois élégant et sobre, ce récit nous entraine dans l’observation des événements qui font l’ordinaire de notre vie, tout en en révélant les aspects les plus inattendus. Cela commence par le récit d’un quotidien qui ne diffère d’aucun autre. La banalité de la vie quotidienne d’une personne tout en en soulignant le caractère unique. C'est le détail d’une simple observation qui capte soudain toute notre attention, et ce dès les premières pages.
Mais les détails décrits ici renseignent aussi sur les vicissitudes que l’individu subit dans la vie de tous les jours : une perte d’emploi, la difficulté de se loger et de trouver un appartement mais correspondant à ses moyens financiers, bref une simple précarité de l’existence qui ne dit pas vraiment son nom, en dépit de son omniprésence. Des mutations, des changements, le plus souvent imposés et subis plutôt que choisis librement, qui font penser à la phrase de Baudelaire, Le cœur des villes change plus vite que le cœur des hommes...
L’auteur en parle lorsqu’il évoque le destin d’un site occupé jadis par une miroiterie dont le propriétaire doit se séparer, en raison de son départ à la retraite et suite au refus de ses héritiers de prendre la suite. Appris quelques erreurs de navigation, le terrain de l’usine désafectée échoue entre les mains d’un promoteur immobilier qui cassez tout l’édifice pour en faire un hôtel de luxe.
Ce choix a l’air banal, pourtant il signe les drames vécus par des familles, des enfants surtout, contraints de changer de quartier et donc de vie... En décrivant ce qui se passe sous ses yeux, l’auteure reste impavide, calme et froide, ce qui renforce d’autant le sentiment d’injustice et de désespoir. C’est la lutte du pot de fer contre le pot de verre.
Il y a là aussi une certaine dose de cynisme, mais qui n’est jamais total ni absolu. Notamment lorsque l’auteur distingue entre les voleurs riches et les voleurs pauvres. C’est une sorte de philosophie de la kleptomanie qu’on nous propose ici. Mais ce qui est choquant, c’est la suite où il est question de se séparer de quelque chose de bien plus grave. Une partie de soi-même.
Le petit tas d’ordures (sic) du début peut se révéler être d’une très grande valeur. Qu’on en juge par la toute dernière phrase de l’auteur :
J’ai fini par faire vérifier le billet de PMU. La buraliste l’a passé dans une machine.il y eut un petit bruit aussi parlant que la moue de la commerçante et sur l’écran de la machine le verdict s’est affiché : sans valeur.
A quel type de littérature avons-nous affaire ? S’agit-il d’un roman, d’un essai ou d’un récit autobiographique ? Certains indices donnent à penser qu’il s’agit bien d’une autobiographie. Et qui traite d’un thème crucial : que faut il garder, que faut il jeter de nos expériences vécues ? Un petit tas d’ordures peut se révéler d’une importance capitale, surtout s’il s’y trouve, entre autres, un billet du PMU. En cas de gain, cela peut transformer une vie, vous ouvrir des perspectives à peine imaginables...
Je ne sais pas si tous les lecteurs potentiels vont aimer ce parcours mais il faut bien reconnaître qu’il est original...