La Syrie, la France et la Turquie
On le relève peu, et pourtant c’est l’un des rares effets positifs de la crise syrienne : elle a permis un net rapprochement entre la France et la Turquie, ce pays qui avait osé critiquer violemment la politique française à la suite de l’adoption d’une loi condamnant le génocide arménien. Il est vrai que le conseil constitutionnel avait émis un avis défavorable Mais les Turcs avaient réagi avec l’outrance qu’on leur connaît, dictée par leur sourcilleux nationalisme.
Aujourd’hui, cette affaire de brouille entre les deux pays est oubliée, les mesures anti-françaises imprudemment prises ont été annulées. Il ne pouvait pas en être autrement, depuis que la Turquie se trouve confrontée à un grave problème avec son voisin syrien ! Une frontière d’un peu moins de 1000 km, avec des hostilités qui s’en rapprochent toujours un peu plus, et même un avion patrouilleur, probablement un avion espion, abattu par la défense sol air du régime d’El Assad.
Eu égard à la réaction énergique de la France au sujet de cette crise, la Turquie ne pouvait plus faire preuve d’indifférence à l’égard de Paris. Le rapprochement fut à la mesure des défis. Paris et Ankara veulent le départ de Bachar. La France a mis à la disposition des rebelles des moyens de communications plutôt sophistiqués afin de leur permettre de mieux coordonner leurs actions. Quant à la Turquie, elle accueille sur son territoire des centaines, voire de soldats déserteurs, et depuis peu des escouades de généraux et de colonels qui font défection, écœurés par les exactions dont sont victimes les insurgés et aussi les populations civiles.
La réunion qui se tient ce jour à Paris sou l’égide de la France et de la Turquie, rassemble plus de cent pays. Certes, des membres aussi importants que la Chine et la Russie seront absents, mais le ministre Laurent Fabius a trouvé les arguments qui vont leur donner à réfléchir. Si ces deux puissances veulent conserver leur influence en Syrie, elles devront changer d’attitude à l’égard d’un peuple martyrisé. Faute de quoi, lorsque celui-ci se sera débarrassé de son tyran, il ne voudra plus entendre parler de pays qui ont largement concouru à ses souffrances…
La voix de la raison sera-t-elle enfin entendue par ces grands animaux au sang froid ? Il faut l’espérer. Quand ce ne serait que pour abréger les souffrances de tout un peuple.