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  • Les cérémonies du soixante dizième anniversaire du Débarquement en Normandie et leur instrumentalisation politique et médiatique

    Que l’on me comprenne bien, et je souhaite d’emblée couper court à un éventuel malentendu : je m’incline respectueusement et avec gratitude devant le sacrifice suprême consenti par des milliers et des milliers de soldats alliés, qui sont venus de tous les pays du monde pour libérer la France de la botte nazie. Je salue aussi avec une émotion  non feinte l’hommage enfin rendu, après 70 ans d’attente, aux victimes civiles (plus de trois mille dès le premier jour, le 6 juin) dues aux bombardements massifs de la flotte et de l’aviation alliées sur la Normandie.

    Mais il faut savoir faire preuve de pudeur et de retenue : les seuls à devoir être mis en avant et à être l’objet de tous les égards sont les vétérans et non les hommes politiques, d’ici ou d’ailleurs, qui tentent d’instrumentaliser ces cérémonies pour se remettre en selle ou faire oublier leurs échecs. Certes, il faut accueillir les invités de marque, mais tout de même, quand on voit l’insistance mise à décrire l’aspect vestimentaire d’une grande dame, Sa Majesté la reine Elisabeth II, on se demande s’il s’agit d’un défilé de mode ou d’un hommage rendu à ceux et à celles qui y laissèrent leur vie ce jour là, il y a 70 ans ! Et je ne parle même pas de ce double dîner qui a fait les choux gras de la presse tant continentale qu’insulaire, voire transatlantique…

    Et ce matin, dès la première heure, tous les écrans de télévision sont occupés par ces commémorations et par rien d’autre. Une nouvelle fois, la presse mondiale fait le procès d’un travers bien français : la commémoration, les défilés pompeux, les exhibitions organisées, même dans d’autres milieux. En France, ce n’est pas que le président du moment qui affectionne de descendre les Champs Elysées en grand pompe, il y a aussi les footballeurs ou les rugbymen, et pire encore, même lorsqu’ils n’ont pas gagné mais sont parvenus en finale : ce sont les Français qui ont inventé la notion de vice champion du monde. Incroyable ! Ou on gagne ou on perd… Mais voilà, on vit sur le passé, sur la grandeur qui n’existe plus, voire même on l’entretient copieusement.

    Au fond, comme le faisait remarquer un historien avisé ce matin sur BFM télé, cette page n’est pas vraiment à la gloire de la France puisqu’elle fut battue et occupée et qu’il fallut un vaste coalition mondiale de libérateurs pour la remettre sur pied. La Résistance elle-même, malgré son dévouement remarquable et l’héroïsme de ses membres, n’y serait jamais parvenue toute seule..

    Ces remarques désabusées ne sont pas celles d’un rabat joie. C’est bien de rappeler à un peuple que sa liberté et son indépendance peuvent être en danger du jour au lendemain, c’est bien de former la jeunesse aux valeurs du patriotisme et de la bravoure qui sont aux antipodes du chauvinisme et du nationalisme.

    Je le répète, ce sont les survivants et les familles des victimes qui doivent faire les discours et relataient l’enfer qu’ils vécurent ces journées là. J’ai revu hier soir, pour la énième fois ce film remarquable Le jour le plus long : on y voit, grâce à cette superproduction US, le dévouement et l’esprit de sacrifice de ces soldats, jusqu’à ce bref mais poignant dialogue entre deux officiers alliés. L’un demande si l’on doit rappeler les bateaux afin de procéder à une évacuation générale des troupes, l’autre le reprend sèchement et dit qu’on ira jusqu’au bout, c’est-à-dire la victoire….

    Voilà une belle leçon de résistance et de courage, d’hommes qui se battent au péril de leur vie, et ne jouent pas à conserver le pouvoir ou à se refaire une popularité sur le dos des autres.

    La presse étrangère, surtout celle des pays dont les dirigeants sont présents ce jour à Ouistreham, ne se prive pas de se moquer de la France et de fustiger son goût immodéré pour cette gloriole qui accompagne toutes ces exhibitions. Et elle fait un rapprochement désagréable avec la vraie situation économique et sociale du pays. Certains ont même la malice de parler du score du FN aux dernières élections. Il y a donc un hiatus entre ce que nous vivons ce jour et la crise morale profonde que traverse le pays.

    Il faut rendre hommage à ceux qui ont donné leur vie pour que la France et l’Europe soient enfin débarrassées de la peste brune. Quand je pense que dès le lendemain du Débarquement les Nazis ont fusillé près de 100 résistants à la prison de Caen. Quand je pense que cette ville a été rasée au deux tiers et que les Britanniques ont mis six semaines à la libérer tant la résistance des occupants fut forte.

    Cette commémoration, mieux ajustée, doit aussi nous aider à comprendre la nécessité vitale d’une entente parfaite entre la France et l’Allemagne. Hélas, la parité entre ces deux pays n’existe plus et des termes comme le moteur ou le couple franco-allemand appartiennent à un passé révolu.

    La France doit se livrer à un examen de conscience, elle doit faire un retour sur soi. La philosophie allemande appelle cela eine Selbstbesinnung, une sorte de héshbone ha-néfésh.

    Enfin, de tels événements doivent être le fruit d’une collaboration étroite entre les forces vives de la Nation et les pouvoirs publiques. Tous les régimes, tous les gouvernements doivent en tenir compte.

  • La France est elle devenue un pays à la dérive?

     

    La France est elle devenue un pays à la dérive ?

    C’est bien la question que tout le monde se pose, ici comme ailleurs, depuis qu’on a constaté la décomposition de l’UMP à laquelle le PS, au pouvoir, n’a rien à envier. Depuis qu’il a perdu l’élection présidentielle et qu’il n’a plus de chef, l’UMP est paralysée et le désamour dont souffre le pouvoir socialiste ne lui profite guère et va en bloc au Front National. Quant au PS, la chute de François Hollande dans les sondages et le peu d’espoir de voir survenir une embellie économique ont parachevé d’en faire une coque vide. Par ailleurs, son groupe parlementaire à l’Assemblée est au bord de l’éclatement.. c’est donc un paysage apocalyptique !

    La France traverse donc une crise profonde ; cela a commencé par une crise économique et cela se poursuit par une crise morale. Plus personne ne croit à la politique ni aux politiciens. Jamais un président de la Ve république n’avait atteint de tels abîmes d’impopularité comme l’actuel locateur de l’Elysée. Même les journaux réputés de sensibilité de gauche comme Libération et Le Monde se distancient du gouvernement et de sa politique.. Mais un malheur n’arrive jamais seul, voilà que l’ancien président semble avoir décidé de hâter, d’accélérer son retour, ce qui ne va pas manquer de faire l’effet d’un coup de pied dans la fourmilière..

    C’est trop tôt et dans l’UMP l’écurie des présidentiables piaffe d’impatience, une impatience qui va se transformer en hostilité s’ils se sentent talonnés par leur ancien chef auquel ils ne souhaitent vraiment pas bonne chance. Pour le moment, les intentions de l’ancien chef de l’Etat ne sont pas claires : veut il la présidence de l’UMP pour en faire sa machine de guerre en vue d e reconquérir le pouvoir ou cherche t il simplement à se dispenser d’une primaire pour 2017 ?

    Dans les deux cas de figure, cela va provoquer une véritable panique à l’UMP. Car NS peut très bien faire un constat de déliquescence et signer l’acte de décès de l’UMP. IL créera un autre parti avec les militants qui lui seront restés fidèles..

    Au Ps prévalent au moins autant sujets d’inquiétude ! Les sondages disent que seuls 3% des électeurs souhaitent que Fr Hollande se représente en 2017. D’autres signalent que le PS ne sera pas présent au second tour. D’autres vont même jusqu’à dire que ni Fr Hollande ni N S ne seront présents en 2017 : ce serait Manuel Valls pour le PS et Alain Juppé pour l’UMP…

    On le constate, c’est un vrai tremblement de terre qui risque de profiter aux extrêmes. Le problème est que ceux qui ont en charge la conduite des affaires ne se rendent pas compte de l’état du pays. Le moral n’a jamais été aussi bas et la côte de popularité du chef de l’Etat ne remonte guère.. Il n y a toujours pas de croissance, le chômage ne baisse même plus et le système est bloqué : la résistance des institutions est aussi leur paralysie : trois ans sans que rien ne bouge : est ce que le peuple va le supporter ?

    Que Dieu protège la France.

  • Les prisons, école du radicalisme islamiste?

     

    Les prisons, école du radicalisme islamiste ?

    L’administration pénitentiaire le savait depuis bien longtemps et l’avait signalé en bonne et due forme aux autorités qui avaient temporisé et comme d’habitude, fini par ne rien faire. Aujourd’hui, le drame sanglant de Bruxelles nous met tous devant nos responsabilités : il faut agir contre ce fléau, on ne peut plus attendre.

    Les témoignages d’anciens détenus sont éloquents, on a pu les suivre ce matin  sur I-Télé : les appels à la prière, les emprunts de livres séditieux dans les bibliothèques carcérales, sans même parler des cybercafés où l’on peut consulter des sites exhibant des décapitations ou donnant les recettes pour fabriquer une bombe et commettre des attentats.

    On se souvient que le sinistre Mohammed Mera avait soulevé l’indignation d’une mère musulmane de Toulouse au motif qu’il avait contraint son enfant à visionner avec lui des scènes atroces sur internet. Le jeune garçon s’en était plaint à sa mère qui avait adressé maintes mises en garde à Mera…

    Que faire ? Faut il interdire les prières collectives ? Faut il mettre à l’isolement les meneurs ? Faut il donner plus d’instructions aux aumôniers musulmans des prisons ?

    Un député de l’UMP, ancien directeur adjoint du ministère  de l’intérieur du temps de Nicolas Sarkozy a déposé un projet de loi pour lutter contre ce fléau qui représente un danger réel. Il prévoit le blocage d’accès à de tels sites. Sera-ce suffisant ? Il est permis d’en douter. C’est toute une politique qu’il faut revoir et s’attacher à ce seul point nodal dont tout le mal découle : pourquoi ces jeunes musulmans qui basculent dans la délinquance croient ils trouver en ce terrorisme islamique la panacée, la réponse à tous leurs problèmes ? Pourquoi se détournent ils si entièrement de la socio-culture française qui leur a tout donné sur le sol de France ?

    J’en ai personnellement une petite idée mais il semble que les postulats des pouvoirs publics s’enracinent dans des approches qui ne sont pas en adéquation avec le mal dont souffre le pays. Certes, une large portion de la population française est encore animée par des clichés et des préjugés. Et trois fois hélas, cette attitude ne facilite pas les choses. Il y a ce quasi confinement dans des banlieues reculées, éloignées de tout où le seul moyen de gagner  sa vie est l’économie souterraine qui parvient à attirer même des enfants de moins de 15 ans !

    Cette absence d’intégration favorise l’apparition d’une quantité de phantasmes puisque les seules institutions de la République avec lesquelles ces gens sont en contact sont soit les bureaux de pôle emploi soit l’administration pénitentiaire et la justice. Quand vous vous trouvez dans une telle situation, vous devenez une proie facile pour le premier prédicateur venu qui n’a aucun mal à vous convaincre que vous êtes victime d’une injustice criante, que le salut ne viendra que de Dieu, etc…, du djihad et ainsi de suite.

    L’Etat français tente de combattre ces dérives par des instruments juridiques car nous sommes un Etat de droit. C’est juste et c’est bien, mais il faut aussi aller sur le terrain religieux, théologique et philosophique. Il faut s’en référer à l’islam des Lumières au Moyen Age, avec al-Farabi, Avicenne et Averroès. Il faut faire connaître l’œuvre d’ibn Tufayl qui fut, je le rappelle, le premier, au milieu du XIIe siècle, à avoir fait la critique philosophe des religions révélées. C’est remarquable.

    Mais nous ne devons pas occulter le fait que ces grands philosophes, sincèrement attachés à leurs traditions religieuses, tenaient aussi à la Raison. Mais ils n’eurent plus d’héritiers ni de continuateurs de leur ligne de pensée. Selon le grand islamologue Bernard Lewis, le Moyen Age a fait irruption dans cette culture après les Lumières… En d’autres termes, il y eut un renversement de tendance qui explique en partie la situation actuelle.

    C’est ce défi qu’il convient de relever et malheureusement on n’en prend pas le chemin avec des mesurettes. Pour y parvenir, il faut un consensus national car c’est une affaire qui touche tout le pays.

    Si on ne le fait pas, on se prépare des lendemains difficiles.

    Maurice-Ruben HAYOUN

    In Tribune de Genève du 4 juin 2014