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  • Un fauteuil sur la Seine d’Amin Maalouf…

    Un fauteuil sur la Seine d’Amin Maalouf…

    En est-il des livres comme des rouleaux de la Tora dans l’arche sainte ? A savoir que c’est le hasard, le sort, qui détermine, comme un jeu de dés, lequel va être utilisé pour l’office religieux du jour dit ? C’est la question que je me suis posé en reprenant la lecture de ce passionnant ouvrage, interrompue, le temps pour moi d’achever la rédaction d’un ouvrage philosophique… En reprenant la lecture d’Amin Maalouf, j’avais mené à bien, au préalable, l’étude attentive des Quatre lectures talmudiques d’Emmanuel Levinas. Et parmi elles se trouve une belle étude consacrée au Sanhédrin, ce tribunal suprême de Jérusalem, emprunté aux Grecs, mais que les talmudistes, dans un traité talmudique éponyme, considéraient comme le nombril de l’univers ! Or, dans la galerie d’académiciens ayant occupé ce fameux fauteuil 29, on trouve évidemment Ernest Renan lequel dit quelque part que l’Académie française est la cour suprême de l’esprit français… Je le crois bien. Et quand on scrute le sous-titre de ce beau livre, Quatre siècles d’histoire de France, on ne peut pas nier la centralité de cette Académie, fondée par le fameux cardinal de Richelieu qui, dans sa grande sagesse, avait compris que cette institution était promise à un brillant avenir…

    Il y a dans ce livre une sorte d’empathie universelle, oui une empathie avec autrui, sans réserve. L’auteur s’y révèle à la fois comme chroniqueur, mémorialiste, archiviste, psychologue, et aussi moraliste, sans jamais tomber dans les travers de chacune de ces fonctions. Même lorsqu’il retrace les grands moments d’une vie, en émettant des réserves sur la direction que telle ou telle existence a prise, il le fait sans acrimonie et toujours avec aménité. Il est aussi saisi par la fugacité de l’existence : décrire tant de sensibilités différentes, assises sur un même fauteuil (en bois, précise-t-il, ce qui ne doit pas être très confortable !), exigeait une ouverture d’esprit peu commune. Certaines déclarations laissent transpirer des préoccupations qui n’ont pas laissé l’auteur indifférent. Le grand historien autrichien de la littérature, Wilhelm Dilthey, est passé à la postérité avec son livre-phare, Das Erlebnis und die Literatur (L’événement vécu et la littérature) où il montre que dans une façon de voir se projette une façon d’être…

    L’Académie française a été et est encore dans une certaine mesure, le centre de notre vie culturelle, diplomatique, littéraire, philosophique, etc… comme le Sanhédrin, cour suprême, fut, selon la tradition, le nombril du monde. L’ordre fortuit de nos lectures explique parfois bien des choses qui ne nous apparaissent dans toute leur netteté que bien plus tard.

    L’auteur Amin Maalouf, élu par cette auguste Compagnie en 2011, nous offre dans ce fauteuil sur la Seine une vaste rétrospective de l’Académie qui commence avec les premiers pas faits sous la férule bienveillante du cardinal de France, jusqu’à l’élection de son propre prédécesseur. Mais il ne s’agit pas d’un travail rébarbatif au style universitaire pesant ; bien au contraire, la lecture en est très agréable, le sérieux de la documentation n’exclut nullement un sens de l’humour toujours présent. Que penser de cette note de Henry de Montherlant qui avale une capsule de cyanure et pour être sûr de bien se donner la mort, se tire une balle dans la gorge… Et ce n’est pas fini, avant d’en finir, il laisse un mot à l’intention de ceux qui découvrirons son corps… Il les prie de bien vérifier que le corps est bien sans vie avant de livrer à l’incinération ; voilà un homme très soigneux.

    Je ne vais pas résumer ici le parcours de l’Académie mais je dois dire qu’elle n’était nullement assurée, à l’origine, de cette belle longévité. Elle a traversé bien des époques, subi bien des avanies et tant de fois changé de physionomie. Aujourd’hui, on nie avec force l’existence de fauteuils réservés, notamment à des prélats. C’est peut-être vrai mais cela ne l’a pas toujours été. Les cardinaux et les princes de l’église ont toujours été très bien représentés jusqu’à une date récente. Au fond, c’st le clergé qui avait entre les mains l’éducation (religieuse) des citoyens et qui façonnait donc la culture française. Il était normal que ces présupposés servissent de matrice à la socio-culture française dont l’élément chrétien ou judéo-chrétien a toujours été prépondérant.

    Les présentations des académiciens sont très chaleureuses, certaines m’ont vivement touché, notamment celle d’Ernest Renan qui m’a toujours intéressé et celle de Claude Bernard dont la vie privée fut un long calvaire. D’autres ont vécu des drames qu’ils eurent la pudeur de dérober au regard d’autrui. Et puis il y a des expressions que tous utilisent sans savoir quels en furent les auteurs. Exemple frappant : plaisir d’amour ne dure qu’un moment, chagrin d’amour dure toute une vie… (Florian)

    Celui qui m’a le plus impressionné et dont je n’avais pas la moindre idée n’est autre que François de Callières, l’auteur d’un traité remarquable qui a connu des renaissances aussi nombreuses qu’inattendues, De la manière de négocier avec les souverains. A. Maalouf oppose sa méthode, ne recourir à la force qu’en dernier ressort, à celle du génie de la guerre Clausewitz pour lequel la guerre n’est que la poursuite de la politique par d’autres moyens. Ce qui est franchement étonnant, c’est que ce traité a été maintes fois réédité et traduit dans tant de langues. Certains ont même voulu voir en lui l’initiateur de la soft power, remise à l’honneur par l’ancienne secrétaire d’Etat Hilary Clinton… Ce qui n’est pas peu dire.

    L’Académie est peut-être peuplé d’immortels, sans être des éternels, elle n’en pas moins, elle aussi, sa petite histoire. Témoin ce sobriquet dont on affublait le cardinal de Fleury qui accéda à l’Académie et qui conserva la confiance de son roi à un âge plus que canonique : en sa présence, nous dit l’auteur, on lui donnait du Son Eminence, mais en son absence on préférait dire Son éternité… j’ai été frappé par la disparité du maintien en vie, certains conservant leur fauteuil près d’un demi siècle, d’autres le rendant après une occupation de très brève durée…

    Dans cette galerie de portraits, il y a aussi des choix cocasses ou des refus incompréhensibles de l’Académie. Comment avoir admis des candidats en lieu et place de personnalités comme Voltaire et Victor Hugo ? Certaines célébrités ont été battues à maintes reprises alors qu’elles sont les parures les plus nobles de notre histoire littéraire ou culturelle.

    Pour ce qui est de Ernest Renan, l’auteur a mis le doigt sur un aspect fondamentale de sa pensée, ses relations avec la Prusse et la culture germanique. L’enfant terrible de Tréguier écrivait dans ses inoubliables Souvenirs d’enfance et de jeunesse ceci qui pesa sur son destin : j’appris l’hébreu, j’appris l’allemand, et cela changea tout ! Il ne croyait pas si bien dire, Renan le philologue a tué la foi de Renan le séminariste. Grâce à on apport, nous avons reconquis une partie du retard enregistré à la suite de la saisie du livre de l’Oratorien Richard Simon, Histoire critique du vieux Testament, à la demande d’un certain évêque de Meaux, le sieur Bossuet, qui mandate le lieutenant de police Monsieur de la Reynerie qui détruisit les exemplaires existants. Un rare exemplaire fut sauvé qui permet la réédition de Rotterdam.

    Je recommande aussi la lecture attentive des pages consacrées à Claude Lévi-Strauss et à sa joute oratoire avec Roger Caillois, le directeur de la revue Diogène de l’UNESCO.

    Un dernier mot pour finir : l’auteur. Amin Maalouf est l’illustration parfaite de la filiation spirituelle entre la France et celles et ceux qui, dans le monde, adhèrent à sa culture. Ce sont eux qui illustrent le mieux la valeur universelle de notre vie intellectuelle.

    Et Amin Maalouf figure ici au tout premier rang.

    Maurice-Ruben HAYOUN

  • Les attentats en Allemagne: l’erreur irréparable d’Angela Merkel

    Les attentats en Allemagne: l’erreur irréparable d’Angela Merkel

    Ce qui devait arriver a fini par se produire. Madame Merkel a commis une erreur irréparable. Les Allemands habitués à la discipline, au respect de la loi et à l’ordre, sont confrontés à du jamais vu, de l’inouï, même si les souvenirs de Rote Armee Fraktion ne sont pas si loin. Mais des années de calme, de prospérité et d’ordre leur ont succédé. Et aujourd’hui, l’Allemagne est confrontée à un terrorisme d’un type nouveau, aveugle, sanguinaire, voulant faire le plus de victimes possible, choisies à l’aveuglette.

    Il est évident que la population et donc les électeurs vont le faire payer très cher à la chancelière. Cette dernière est partie d’un postulat simple mais erroné : on peut aider les réfugiés du monde entier à venir en Allemagne, à s’assimiler et à devenir de bons petits Allemands. Erreur ! Si les choses étaient aussi simples, cela se saurait et le conflit du Proche Orient aurait été réglé depuis longtemps. Ces réfugiés ne sont pas dans leur majorité des réfugiés comme les autres. Leur engagement auprès de Daesh aurait dû être pris au sérieux. Or, les frontières ont été ouvertes sans discernement, les infiltrés de Daesh sont nombreux et vont frapper, hélas, tant en Allemagne que dans le reste de l’Europe, dès que la centrale de Mossoul et de Rakka le leur ordonnera.

    Que va t il se passer à présent ? L’Allemagne devrait jeter son dévolu sur des populations issues d’Europe centrale et orientale et non pas sur des gens à la culture si différente de la sienne. Si les attentats ne cessent pas, il faudra prendre des mesures. Les Allemands détestent le désordre, or les terroristes se mettent à tirer indistinctement dans la foule, ils s’introduisent en cette période estivale dans des concerts, le tout pour faire le plus de victimes possible. Les Allemands, esprits solides et rationnels, ne comprennent pas qu’on les remercie ainsi, en les tuant, alors qu’ils veulent intégrer les autres.

    Nous nous répétons : Madame Merkel a commis une gigantesque erreur, elle s’est laissée séduire par la facilité, elle s’est dit que l’industrie allemande avait besoin d e bras et que cet afflux était providentiel. Mais voilà, le ver est dans le fruit. Il va falloir changer de politique. Doit-on renvoyer les réfugiés chez eux ? Je l’ignore, mais il faudra examiner à la loupe les demandes d’asile politique. Et on ne comprend pas que les pays du Golfe n’accueillent pas leurs frères arabes, menacés par la guerre.

    Madame Merkel s’est mise en danger. Elle n’a pas suivi la voie prudente de la France qui reçoit à peine trente mille âmes alors que l’Allemagne a opté pour près d’un million…

    Espérons que la situation se calmera et qu’il n y aura plus de victimes. Là, la presse a un rôle à jouer. Il faut éviter l’effet d’héroïsation, d’idéalisation des terroristes. C’est un fait crucial.

    Maurice-Ruben HAYOUN in Tribune de Genève du 25 juillet 2016

  • Les contradictions flagrantes de l’Occident: le cas de l’Arabie saoudite

    Les contradictions flagrantes de l’Occident: le cas de l’Arabie saoudite

    Les récents attentats qui se multiplient un peu partout en Europe et dans le monde judéo-chrétien en général attirent l’attention sur les contradictions de la diplomatie de ces mêmes pays européens. Ne pas oublier, non plus, et cela a peut-être un lien avec les attentats, l’étau se resserre autour de l’Etat Islamique, qui va perdre ses deux places fortes, Mossoul en Irak et Rakka en Syrie. Certains avancent l’idée que la nébuleuse terroriste se sentirait gravement menacée dans ses deux bastions et préparerait déjà une nouvelle forme d’action, absolument imparable parce que asymétrique : le terrorisme mondial perpétré par des musulmans radicalisés où qu’ils se trouvent et qui sont indétectables tant qu’ils ne sont pas passés à l’acte. On parle de terroristes qui donnent tellement le change au point de vivre en contradiction avec les règles musulmanes : consommation de viande de porc, d’alcool, vie dissolue aux côtés de femmes aux mœurs légères, etc… C’est ce qu’on a appris après le terrible attentat de Nice, véritable merveille de la côte d’Azur que cet acte innommable vient d’ensanglanter.

    Donc, les états européens ont décidé, sous la férule des USA, d’intensifier la lutte, d’envoyer même des forces spéciales au sol et d’en finir au plus vite avec Daesh. Cependant, cette attitude, tardive mais salutaire, n’explique pas les contradictions flagrantes de cette lutte contre Daesh. Pourquoi ? Parce que l’Arabie saoudite, prétendument alliée aux Occidentaux, tient pour le même système d’inspiration wahabite de l’ennemi public numéro 1, Daesh. On se demande pourquoi l’Arabie, qui a plus d’avions de combat que la France, se concentre sur le Yémen au lieu de déclencher un déluge de feu sur les positions toutes proches de Daesh. Pourquoi attendons nous encore ces contingents arabes, chargés de donner l’assaut avec des forces terrestres ?

    Le plus triste, c’est que les chancelleries occidentales le savent bien mais s’abstiennent de lui faire des remontrances car l’Arabie «nous achète tant d’armes qu’elle paye rubis sur l’ongle et est notre alliée (sic)». On cite souvent dans les milieux informés cette phrase d’un ancien chef du Bureau central des cultes, place Beauvau : j’ai dit aux autorités de fermer des mosquées de djihadistes et d’en expulser les prédicateurs radicalisés aux prêches enflammés… On m’a répondu ; vous n’y pensez pas ! Ce sont nos alliés et on leur vend des armes, c’est crucial pour l’emploi en France…

    En effet, l’Arabie ne pilonne pas les positions de Daesh qu’elle a financée et bien aidé auparavant. Ces deux là adhèrent au même type d’islam. IL suffit de voir ce que Ryad finance en Afrique noire…C’est seulement depuis peu que les choses commencent à changer. On peut diagnostiquer les mêmes ambiguïtés chez les Turcs. C’est seulement depuis que Poutine et Obama ont sermonné, preuves à l’appui, les gouvernants turcs que ces derniers ont rompu avec Daesh. Pourtant, la Turquie a fermé les yeux sur un juteux trafic d’hydrocarbures à sa frontière, épargnant les ressources financières de Daesh. On dit que des proches d’Erdogan seraient compromis, Poutine a même livré des photos de satellites sur ce sujet.

    En conclusion, l’Occident va devoir choisir ses vrais amis. Les mois à venir vont connaître la disparation de l’assise territoriale de Daesh qui va entrer en clandestinité pour développer le terrorisme : on ne compte plus les radicalisés par l’internet. Comment lutter contre le net ?

    Encore un détail : la France veut envoyer en Irak de l’artillerie lourde. C’est bien et il nous faut rendre coup pour coup : 84 morts le soir du 16 juillet, c’est horrible.

    Rendez vous compte : l’Arabie voisine regorge de systèmes d’armes high-tech. Pourquoi ne pas se servir dans l’armurerie la plus proche ? Ce serait en plus l’occasion de prouver de quel côté elle se situe. Une ambiguïté de plus.

    Souvenons nous de cette phrase de Lénine : Vous verrez, les capitalistes finiront par nous vendre même la corde pour les pendre…