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  • Uni face à l'épreuve, le peuple de France pleure sa cathédrale

    Uni dans la douleur, le peuple de France pleure sa cathédrale…

     

    L’idée de cet éditorial m’est venue presque par hasard. Comme tous nos concitoyens, je ne voulais pas y croire, la cathédrale Notre-Dame de Paris, en feu, ce n’était pas vraisemblable, tant ce majestueux monument fait partie de notre ville, de notre quotidien, de notre paysage. Un peu comme s’il s’agissait d’un édifice, outre sa vocations religieuse première, dont la présence, l’existence ne se remarquait même plus. En dépit des millions de visiteurs qui s’y pressent chaque année afin d’admirer un magnifique édifice médiéval.

     

    Un ami très cher, catholique pratiquant, auquel j’exprimais ma solidarité avec nos frères chrétiens frappés par un tel drame, me répondit aussitôt en ces termes :… en apprenant cette triste nouvelle j’ai pensé à la destruction du temple de Jérusalem… Ce rapprochement, quasi instinctif m’a frappé, d’où le présent papier qui lui doit sa publication.

     

    La cathédrale de Paris occupe une place à part dans la sacralité hiérarchisée des édifices religieux chrétiens. La comparaison n’est pas forcée, elle me semble adaptée à la situation. Inutile de revenir ici sur ce que représente la destruction du Temple de Jérusalem pour le peuple juif, le peuple d’Israël dans son ensemble. L’incendie du Temple et le sac de Jérusalem ont modifié la face du monde et le cours de l’Histoire mondiale. Certes, Notre-Dame sera rebâtie alors que le Temple ne l’est toujours pas, deux millénaires après les faits. Mais cela indique ou donne une idée de la place qu’occupait cette cathédrale dans l’esprit et le cœur des gens, sans même s’en rendre compte.

    Et ceci me conduit à traiter succinctement de la place de l’héritage judéo-chrétien dans notre culture et notre mémoire collective. La presse qui a presque abusé des éditions spéciales, répétant à satiété ce que l’on savait déjà, a au moins joué un rôle bénéfique : elle a donné la parole aussi à des gens, autochtones ou étrangers, qui, sans être croyants, ni catholiques n’ont pas caché leur vive émotion. Ce qui est arrivé à cette cathédrale les touchait de très près et ils participent à ce qu’il faut bien appeler un drame national. La ville semble mutilée, atteinte en son cœur même par une telle catastrophe.

     

    Ce drame permet aussi d’y voir plus clair, notamment dans les relations conflictuelles entre ce pays et le sentiment religieux en général. Qu’on me permette de citer une boutade d’un éminent collègue (protestant de naissance), le regretté professeur Bruno Etienne : la France est un pays… catho-laïque !

     

    Par cette formule à l’emporte-pièce, le célèbre universitaire a tout dit sur les ambigüités de la République, issue de la Révolution, à l’égard de la religion en tant que telle, et principalement le catholicisme ! Or, toute l’histoire de France est née dans le berceau de la religion et non dans celui de la laïcité… Pensons aux couronnements des rois de France qui se firent dans des basiliques, à l’instar des rois bibliques dont l’onction divine a fait naître la notion même de monarchie de droit divin. Souvenons nous du prophète Samuel qui oint le jeune David, fils de Jessé, roi d’Israël, après que le roi Saül était tombé en disgrâce… Les rois germaniques de l’an mil avaient fait graver sur leurs couronnes des scènes bibliques du roi David et de son fils le roi Salomon.

     

    Pourquoi ce large détour par la Bible et ses épisodes royaux ? C’est tout simplement pour rappeler que le sentiment, l’héritage religieux qui ont tant fleuri outre-Rhin, malgré la tragique guerre de trente ans, sont presque inexpugnables, sans toutefois leur permettre de peser dun poids indu dans la vie nationale… Il suffit de se souvenir des grands romantiques allemands du XIXe siècle comme Tieck ou Brentano, surtout le dernier qui mêlait très étroitement la religion à la littérature. Ce n’est pas exactement ce que j’envisage. Je plaide seulement en faveur des droits minimum pour un peu plus d’esprit.

     

    Je veux dire que ce qui vient de se passer dans cette belle cathédrale a réveillé dans l’esprit mais aussi dans le cœur de nos compatriotes, et par delà, dans le monde entier, un élan de solidarité à nul autre pareil… Et je ne fais pas seulement allusion aux don massifs et aux fund raising aux USA ou ailleurs. Je parle de gens simples, comme nous, qui intériorisent ce drame comme quelque chose de personnel… Comment et par quoi s’explique cette réaction ?

     

    Le christianisme ou plus précisément le judéo-christianisme, disons les deux, car ils sont historiquement inséparables, font partie de la culture de la France et de toute l’Europe. J’ai déjà eu l’occasion d’écrire ici même que si l’Union Européenne a une constitution politique depuis peu, elle avait une constitution spirituelle et religieuse (geistig-religiös), depuis des temps immémoriaux et c’est le Décalogue biblique. Même les droits de l’homme se fondent sur cette même généalogie spirituelle puisque la vie humaine et l’Etat de droit s’en inspirent étroitement.

     

    En conclusion, il faut savoir faire d’une épreuve une force. Et dans cette affaire de Notre-Dame le monde entier a les yeux fixés sur nous. Du coup, cela rend secondaires certaines revendications qui agitent nos fins de semaines depuis des mois… L’actuel président de la République a fait preuve d’une grande clairvoyance politique en remettant à plus tard les annonces qu’il devait faire pour calmer certaines revendications matérielles… Un peu plus de spiritualité ne peut pas faire de mal. Les célèbres sociologues américains du milieu du XXe siècle avaient dénoncé l’asservissement de l’homme au fétichisme consumériste. Certes, ils n’ont pas jugé bon de méditer sur les passages bibliques, notamment dans la littérature prophétique, qui remettent les idoles à leur place.

     

    Au fond, l’incendie de la cathédrale de Paris vient rendre à la spiritualité, religieuse ou non-religieuse, un peu de place dans nos vies.

  • Israël; les deux camps se font face à la veille de Pessah

    Israël : les deux camps qui se font face… à la veille de Pessah

     

    Samedi après le coucher du soleil, vers 19h30 : la ville qui semblait assoupie durant le repos sabbatique émerge de sa torpeur. Les véhicules circulent de nouveau, les enseignes lumineuses, éteintes peu auparavant, scintillent de mille feux et l’activité reprend de plus belle. Quel incroyable ballet ! Les supermarchés qui étaient fermés pendant le chabbat rouvrent leurs portes et demeureront ouverts jusque vers 22 heures. J’ai pu cette fois ci réaliser combien il pouvait être malaisé de ne pas préparer à l’avance les nécessités auxquelles on doit faire face en ce jour particulier.

     

    Prenons l’exemple suivant : vous atterrissez le vendredi vers 17 heures, le temps d’arriver chez vous en taxi ou en voiture il est déjà plus de 18h30. Une fois sur place et la trêve chabbatique commence pratiquement. SI vous n’avez pas de provisions dans votre domicile, vous vous mettez en quête d’un restaurant ou autre pour manger. C’est le parcours du combattant et le même scénario se reproduit à l’identique le lendemain… Que faire ?

     

    Depuis ce jour, j’ai mieux compris l’urgence et la virulence opposant les deux camps de la société israélienne : les religieux ou traditionnalistes qui jugent, à raison, que le repos et la solennité du chabbat sont l’épine dorsale du judaïsme rabbinique et qu’il est vital de les préserver, et les laïques qui, en toute bonne foi, dénoncent l’oppression religieuse (kefiya datit) et ont de leur week end une tout autre conception : aller au théâtre ou au restaurant, emprunter les transports publics ou aller à la plage, par exemple… comme à Tel Aviv

     

    Je préfère le dire de suite : entre les deux, mon cœur balance. Ayant été élevé dans un foyer juif plutôt conservative, je ne saurais renoncer à cette aura chabbatique tout en plaidant pour que chacun puisse mener sa vie comme il l’entend. Hélas, ce n’est pas si simple.

     

    J’ai été étonné, je dis bien étonné par la vivacité de ce sentiment religieus diffus, présent même dans des milieux apparemment peu marqués religieusement. Dans ces fameux supermarchés que j’ai visités samedi soir, des employées russes lavaient, frottaient et récuraient les meubles et les vitrines de tous les rayons. Certes, il y va de la survie et de la réputation de ces mêmes commerces : car, si vous dîtes que votre établissement répond aux normes de la cacherout de Pessah (autrement plus contraignantes que celles des temps normaux) alors que ce n’est pas le cas, cela est considéré comme une tromperie sur la marchandise, avec toutes les conséquences qu’une telle chose peut avoir.

     

    J’ai été frappé de voir que des dames, pas du tout habillées comme des religieuses, prenaient soin de demander aux employés si tel ou tel gâteau était bien cacher la Pessah… Preuve, s’il en est, que les frontières ne sont pas tracées avec netteté entre les deux camps. Mais cela montre aussi l’attachement à des pratiques héritées de milieux plus orthodoxes, même si ce terme ne signifie pas grand chose dans la tradition juive. Cette dernière met surtout l’accent sur l’orthopraxie C’est là la racine de la controverse entre le judaïsme rabbinique naissant et l’antinomisme de Saint Paul qui ne voulait plus entendre parler de pratique des mitswot alors qu’à la même époque, un sage comme rabbi Akiba disait que le peuple d’Israël ne pouvait pas vivre sans les mitswot tout comme le poisson ne peut pas subsister hors de l’eau…

     

    Mais revenons aux rues et venelles de la bonne ville de Natanya où prospère une grande population francophone, aux côtés d’une non moins nombreuse communauté russophone, réputée être plus distante à l’égard de la pratique religieuse traditionnelle. J’ai vu de mes yeux les magasins se vider de leurs produits fermentés (en hébreu haméts) pour laisser place aux produits qui sont cachers la pessah… Et ceci touche tous les commerces, sauf ceux qui sont ouverts le samedi, ce qui est assez logique.

     

    Je dois bien reconnaître que la même chose se constate à Tel Aviv mais la sociologie religieuse de la capitale économique du pays diffère, comparée à des villes moyennes comme celle d’où j’écris.

     

    La question qui se pose et qui a animé aussi un peu la campagne électorale est la suivante : quelle philosophie politique adopter ? Quelle place octroyer à la pratique religieuse (respect du chabbat, de la cacherout, mariage civil ou religieus…) ? Faut il autoriser, aussi, les transports en commun le chabbat ? Et plus délicat encore que tout ce qui précède : faut il enrôler les étudiants en religion dans l’armée ?

     

    Aucun gouvernement, je fis bien aucun, ne pourra répondre par oui ou par non à ces questions … A l’instar des gouvernements d’Israël, qui ont tous été de coalition, donc l’union des contraires, les uns et les autres devront s’accommoder des pratiques ou des demandes des uns et des autres.

     

    Vous voyez comment on passe du nettoyage de Pâque, comme du nettoyage de printemps à l’essence profonde d’une religion, savoir où elle place l’acte religieux et où elle se contente de promouvoir une simple fidélité doctrinale… Il semblerait que les vénérables Sages du Talmud ont compris que leurs coreligionnaires n’étaient pas tous des philosophes aguerris et que la substance de l’être n’en reste pas moins l’acte (Paul Valéry).

     

    On a coutume d’entendre dire que le peuple d’Israël, le judaïsme en tant que tel, n’ont dû leur survie qu’à leur empreinte profonde dans le réel, en d’autres termes, que l’esprit du judaïsme n’aurait pas pu, à lui seul, traverser les siècles sans encombre. J’accepte cette idée mais j’ajoute ceci : on a survécu, certes, mais dans quel état ! D’innombrables réseaux d’interdits, de restrictions, de limitations, dans le seul but d’être et de rester juif. Ceci me fait penser au titre du recueil qui fit connaître Levinas à la fin des années soixante : Difficile liberté… Difficile d’être vraiment libre quand on est juif…

     

    J’en reviens à une idée obsédante : A quoi aurait ressemblé le judaïsme si le temple n’avait pas été détruit en l’an 67 et si la population de Judée n’avait pas été déportée et exilée aux quatre coins du globe ? Nous n’aurions sûrement pas eu cette immense littérature talmudique, ces innombrables responsa et tous ces ouvrages religieux.

     

    Pourtant, comme l’expliquait Rosenzweig dans son Etoile de la rédemption (Kokhav ha guéoula) et dans son Nouveau Penser (Das neue Denken) ; il faut instiller un peu de théologie dans la spéculation philosophique.

     

    Au fond, par delà le récurage des marmites et l’éloignement de tout levain, c’est l’apprentissage de la liberté que nous apporte Pessah. Il est symptomatique que les grands penseurs judéo-allemands de ce XXe siècle ne se soient pas plus inspirés de la Tora pour dénoncer l’asservissement au fétichisme de la marchandise et des biens de consommation courante. Après tout ce sont les dioles des temps modernes et la Bible nous met en garde contre toute forme d’idolâtrie.

     

    Il y a aussi (et Martin Buber nous l’a rappelé dans son livre Moïse) Pessah est la transmutation, l’élévation, voire la spiritualisation de simples agricoles par des membres du courant charismatique qui ont fait d’une fête de bergers à l’orée du printemps l’éveil de tout un peuple à la liberté et à un nouveau destin national.

  • Billet d'Israël post élections

      

    Billet d’Israël post élections…

     

    Vendredi 12 avril vers 17 heures, heure israélienne : le boing 777 de la compagnie El Al vient de toucher le sol. Une salve d’applaudissements salue l’atterrissage et surtout les vœux du commandant de bord qui dit chabbat chalom et Pessah naim. Je dois reconnaître que c’est toujours la même émotion qui m’étreint quand je l’entends en hébreu dans l’Etat des Juifs où le judaïsme est la norme, où les fêtes juives sont les fêtes du pays tout entier. Je pense alors qu’en dépit de toutes les critiques méritées par El Al, et Dieu sait qu’elles sont intarissables, quand on entend les instructions dans la langue de la Bible, on se sent déjà en Israël….

     

    Mais mes pensées étaient ailleurs. Car j’ai suivi assidument les débats autour des élections sur ma chaîne préférée I24News et il me tardait de retrouver un pays apaisé, une fois l’écho de cette campagne folle et affolante estompé. Je craignais de retrouver un pays fracassé, fragmenté et bref , en guerre avec lui-même.

     

    J’ai de la philosophie politique une certaine conception qui voit dans les querelles partisanes un mal nécessaire car on n’a pas encore trouvé un autre mode de désignation du corps législatif ou de l’exécutif. Pour moi, il est concevable de voter pour des gens qui ne me semblent pas irréprochables (et qui le serait ?) à tout point de vue…

     

    J’ai de la considération pour les adversaires de Benjamin Netanyahou et leurs électeurs mais je ne puis passer sous silence les achèvements du nouveau Premier Ministre qui va entamer sa nouvelle direction, la cinquième, du pays. Si les déclarations de l’ancien chef d’état major m’ont paru modérée et de pas trop mauvais aloi, celles, sottement offensantes et mal élevées de son colistier occasionnel ou temporaire m’ont choqué.

     

    Mais passons par dessus les aléas de la nature humaine (l’amertume des perdants) et concentrons nous sur l’essentiel, et l’essentiel c’est la façon dont le nouveau pouvoir va relever les défi qui l’attendent.

     

    Dans cette campagne si personnalitée ( pour ou contre Netanyahou), aucun débat de fond n’a eu lieu, et surtout personne, à part un petit parti d’extrême gauche, n’a évoqué de manière substantielle la question palestinienne et la publication du deal du siècle, si tant est que ce ne soit pas l’arlésienne… Existe t il vraiment ce plan dont personne n’a encore eu la moindre idée, même si d’aucuns prétendent que ce sera pour Donal Trump l’occasion de présenter la note de tous ses bienfaits (reconnaissance du Golan, Jérusalem capitale d’Israël, transfert de l’ambassade US, etc…) à B. Netanyahou. Mais nous verrons bien.

     

    Mais la proximité de la fête de Pessah, mythe fondateur de l’Histoire du peuple d’Israël, et premier événement national de ce peuple en tant que tel, me conduit à un autre type de spéculations car, après tout, la politique est un mal nécessaire et même Hegel a montré qu’on ne pouvait pas en faire l’économie, ni totalement ni durablement. C’est une tradition qui remonte à très loin, puisque la pensée grecque (Socrate, Platon, Aristote) y souscrivaient déjà…

     

    Je voudrais m’attarder un peu sur l’essence de tradition juive et sa tendance historiographique, en d’autres termes, comment notre tradition conçoit la relation ou le témoignage historique. Et je voudrais faire état d’une critique «subtilissime » faite à ce type de récit, comme la sortie d’Egypte, la traversée du désert, la remise des Tables de la Loi, etc…

     

    C’est une petite histoire, une véritable blague qui met en présence un jeune lycéen et ses parents, personnes éduquées et cultivées, ayant un bagage académique, juifs israéliens pratiquement laïques mais ouverts, c’est-à-dire non ennemis de la religion. Ces parents savent que l’élément religieux est inséparable de l’essence de l’histoire d’Israël, faute de quoi le peuple juif n’aurait aucun droit sur cette terre, cette patrie ancestrale, qui lui est de toutes manières éternellement contestée. Et ce, en tout état de cause.

     

    Ces parents hypothétiques demandent à leur fils collégien ou lycéen ce que les professeurs d’histoire juive lui enseignent au sujet de Pessah. Et voici, grosso modo, ce que leur fils espiègle leur raconte : il y avait des Juifs en Egypte il y a très longtemps et au début tout se passait bien, quand soudain tout changea. Le colonel Pharaon a commencé à les persécuter. Tsahal eut vent de l’affaire et mit au point une vaste opération aéroportée destinée à évacuer ces Juifs perdus d’Egypte et à les ramener en Eréts Israël…

     

    Les parents qui écoutaient leur fils avec attention sont médusés et posent tout de même une question à leur fils : Est ce bien là ce que vous enseignent vos maîtres d’histoire juive au lycée ?

     

    Le fils éclate de rire et leur répondit ceci : Ah mes chers parents si je vous disais ce qu’ils nous disent vraiment vous n’en croirez pas un seul mot. CQFD…

     

    Voilà la plus subtile mise en cause de la tradition historiographique juive, controversée au sein de ses propres tenants. Quel est le sens profond de ce midrash moderniste ? Il veut attirer l’attention sur le caractère fabuleux, à peine croyable, du récit que donne la Haggada de Pessah. Et cette Haggada est une véritable Aggada, une légende, mais une légende en laquelle nous croyons et qui constitue l’une de nos plus belles soirées de fêtes familiales, au cours desquelles nous sommes tous attablés, ensemble, dans la joie et l’harmonie.

     

    Le dialogue symptomatique entre les parents et leur fils vise à montrer du doigt le décalage entre le mythe et la réalité. Certes, la réalité historique, nul ne la connaîtra jamais car nous n’y étions pas. Mais selon la critique biblique, le récit de cette sortie d’Egypte est une lecture théologique de l’Histoire. Ce n’est pas le reflet fidèle ou vérifiable de ce qui s’est réellement passé. Les hypothèses de la haute critique évoquent un mouvement de transfert de populations qui s’est déroulé sur plus d’un siècle, où des tribus sémitiques ont franchi le Jourdain et se sont mêlées à d’autres tribus de même origine. Cette théorie fait de l’émergence du peuple d’Israël le résultat d’une simple évolution démographique. Et elle réduit à zéro l’influence du courant charismatique qui fait de Dieu le factor primus de toute l’Histoire juive : Dieu a jeté son dévolu sur ce peuple sans lui demander son avis. Et toute l’histoire du peuple d’Israël se réduirait à ce constat.

     

    D’autres critiques bibliques se sont inscrits en faux contre cette approche : derrière cette théorie une certaine théologie protestante est à l’œuvre et qui cherche à discréditer la fiabilité du récit biblique, car, ne l’oublions pas, un certain antisémitisme se cache là-derrière, même s’il ne veut pas dire son nom.

     

    En fait, toutes les nations, tous les peuples, toutes les religions, y compris le judaïsme, sont batis sur des mythes fondateurs car le mythe est une forme d’histoire populaire. La sortie d’Egypte demeure l’épine dorsale du judaïsme puisque la Haggada constitue le premier midrash du livre biblique de l’Exode. Les Sages ont su s’adresser à la conscience populaire juive en choisissant les arguments qui lui parlent. C’est comme le récit de l’œuvre de la création, ma’assé béréchut. Et le talmud ne s’y est pas trompé qui souligne que ce premier chapitre de la Genèse a résumé de son mieux des choses compliquées car, révéler le secret de la création à des êtres de chair et de sang est chose impossible

     

    Je propose d’étendre cela au récit de la sortie d’Egypte qui représente et représentera pour l’éternité l’Odyssée du peuple d’Israël. C’est notre plus belle fête familiale. Et n’oublions pas que les auteurs de cette Haggada recommandent d’approfondir le momentum de ce récit. Le faire est digne d’éloge : haré zé meshubbah.

     

     

     

     

     

     

    Billet d’Israël post élections…

     

    Vendredi 12 avril vers 17 heures, heure israélienne : le boing 777 de la compagnie El Al vient de toucher le sol. Une salve d’applaudissements salue l’atterrissage et surtout les vœux du commandant de bord qui dit chabbat chalom et Pessah naim. Je dois reconnaître que c’est toujours la même émotion qui m’étreint quand je l’entends en hébreu dans l’Etat des Juifs où le judaïsme est la norme, où les fêtes juives sont les fêtes du pays tout entier. Je pense alors qu’en dépit de toutes les critiques méritées par El Al, et Dieu sait qu’elles sont intarissables, quand on entend les instructions dans la langue de la Bible, on se sent déjà en Israël….

     

    Mais mes pensées étaient ailleurs. Car j’ai suivi assidument les débats autour des élections sur ma chaîne préférée I24News et il me tardait de retrouver un pays apaisé, une fois l’écho de cette campagne folle et affolante estompé. Je craignais de retrouver un pays fracassé, fragmenté et bref , en guerre avec lui-même.

     

    J’ai de la philosophie politique une certaine conception qui voit dans les querelles partisanes un mal nécessaire car on n’a pas encore trouvé un autre mode de désignation du corps législatif ou de l’exécutif. Pour moi, il est concevable de voter pour des gens qui ne me semblent pas irréprochables (et qui le serait ?) à tout point de vue…

     

    J’ai de la considération pour les adversaires de Benjamin Netanyahou et leurs électeurs mais je ne puis passer sous silence les achèvements du nouveau Premier Ministre qui va entamer sa nouvelle direction, la cinquième, du pays. Si les déclarations de l’ancien chef d’état major m’ont paru modérée et de pas trop mauvais aloi, celles, sottement offensantes et mal élevées de son colistier occasionnel ou temporaire m’ont choqué.

     

    Mais passons par dessus les aléas de la nature humaine (l’amertume des perdants) et concentrons nous sur l’essentiel, et l’essentiel c’est la façon dont le nouveau pouvoir va relever les défi qui l’attendent.

     

    Dans cette campagne si personnalitée ( pour ou contre Netanyahou), aucun débat de fond n’a eu lieu, et surtout personne, à part un petit parti d’extrême gauche, n’a évoqué de manière substantielle la question palestinienne et la publication du deal du siècle, si tant est que ce ne soit pas l’arlésienne… Existe t il vraiment ce plan dont personne n’a encore eu la moindre idée, même si d’aucuns prétendent que ce sera pour Donal Trump l’occasion de présenter la note de tous ses bienfaits (reconnaissance du Golan, Jérusalem capitale d’Israël, transfert de l’ambassade US, etc…) à B. Netanyahou. Mais nous verrons bien.

     

    Mais la proximité de la fête de Pessah, mythe fondateur de l’Histoire du peuple d’Israël, et premier événement national de ce peuple en tant que tel, me conduit à un autre type de spéculations car, après tout, la politique est un mal nécessaire et même Hegel a montré qu’on ne pouvait pas en faire l’économie, ni totalement ni durablement. C’est une tradition qui remonte à très loin, puisque la pensée grecque (Socrate, Platon, Aristote) y souscrivaient déjà…

     

    Je voudrais m’attarder un peu sur l’essence de tradition juive et sa tendance historiographique, en d’autres termes, comment notre tradition conçoit la relation ou le témoignage historique. Et je voudrais faire état d’une critique «subtilissime » faite à ce type de récit, comme la sortie d’Egypte, la traversée du désert, la remise des Tables de la Loi, etc…

     

    C’est une petite histoire, une véritable blague qui met en présence un jeune lycéen et ses parents, personnes éduquées et cultivées, ayant un bagage académique, juifs israéliens pratiquement laïques mais ouverts, c’est-à-dire non ennemis de la religion. Ces parents savent que l’élément religieux est inséparable de l’essence de l’histoire d’Israël, faute de quoi le peuple juif n’aurait aucun droit sur cette terre, cette patrie ancestrale, qui lui est de toutes manières éternellement contestée. Et ce, en tout état de cause.

     

    Ces parents hypothétiques demandent à leur fils collégien ou lycéen ce que les professeurs d’histoire juive lui enseignent au sujet de Pessah. Et voici, grosso modo, ce que leur fils espiègle leur raconte : il y avait des Juifs en Egypte il y a très longtemps et au début tout se passait bien, quand soudain tout changea. Le colonel Pharaon a commencé à les persécuter. Tsahal eut vent de l’affaire et mit au point une vaste opération aéroportée destinée à évacuer ces Juifs perdus d’Egypte et à les ramener en Eréts Israël…

     

    Les parents qui écoutaient leur fils avec attention sont médusés et posent tout de même une question à leur fils : Est ce bien là ce que vous enseignent vos maîtres d’histoire juive au lycée ?

     

    Le fils éclate de rire et leur répondit ceci : Ah mes chers parents si je vous disais ce qu’ils nous disent vraiment vous n’en croirez pas un seul mot. CQFD…

     

    Voilà la plus subtile mise en cause de la tradition historiographique juive, controversée au sein de ses propres tenants. Quel est le sens profond de ce midrash moderniste ? Il veut attirer l’attention sur le caractère fabuleux, à peine croyable, du récit que donne la Haggada de Pessah. Et cette Haggada est une véritable Aggada, une légende, mais une légende en laquelle nous croyons et qui constitue l’une de nos plus belles soirées de fêtes familiales, au cours desquelles nous sommes tous attablés, ensemble, dans la joie et l’harmonie.

     

    Le dialogue symptomatique entre les parents et leur fils vise à montrer du doigt le décalage entre le mythe et la réalité. Certes, la réalité historique, nul ne la connaîtra jamais car nous n’y étions pas. Mais selon la critique biblique, le récit de cette sortie d’Egypte est une lecture théologique de l’Histoire. Ce n’est pas le reflet fidèle ou vérifiable de ce qui s’est réellement passé. Les hypothèses de la haute critique évoquent un mouvement de transfert de populations qui s’est déroulé sur plus d’un siècle, où des tribus sémitiques ont franchi le Jourdain et se sont mêlées à d’autres tribus de même origine. Cette théorie fait de l’émergence du peuple d’Israël le résultat d’une simple évolution démographique. Et elle réduit à zéro l’influence du courant charismatique qui fait de Dieu le factor primus de toute l’Histoire juive : Dieu a jeté son dévolu sur ce peuple sans lui demander son avis. Et toute l’histoire du peuple d’Israël se réduirait à ce constat.

     

    D’autres critiques bibliques se sont inscrits en faux contre cette approche : derrière cette théorie une certaine théologie protestante est à l’œuvre et qui cherche à discréditer la fiabilité du récit biblique, car, ne l’oublions pas, un certain antisémitisme se cache là-derrière, même s’il ne veut pas dire son nom.

     

    En fait, toutes les nations, tous les peuples, toutes les religions, y compris le judaïsme, sont batis sur des mythes fondateurs car le mythe est une forme d’histoire populaire. La sortie d’Egypte demeure l’épine dorsale du judaïsme puisque la Haggada constitue le premier midrash du livre biblique de l’Exode. Les Sages ont su s’adresser à la conscience populaire juive en choisissant les arguments qui lui parlent. C’est comme le récit de l’œuvre de la création, ma’assé béréchut. Et le talmud ne s’y est pas trompé qui souligne que ce premier chapitre de la Genèse a résumé de son mieux des choses compliquées car, révéler le secret de la création à des êtres de chair et de sang est chose impossible

     

    Je propose d’étendre cela au récit de la sortie d’Egypte qui représente et représentera pour l’éternité l’Odyssée du peuple d’Israël. C’est notre plus belle fête familiale. Et n’oublions pas que les auteurs de cette Haggada recommandent d’approfondir le momentum de ce récit. Le faire est digne d’éloge : haré zé meshubbah.