PIERRE RAZOUX, TSAHAL. NOUVELLE HISTOIRE DE L’ARMEE ISRAELIENNE. PERRIN, 2008.
Pierre Razoux fait partie de ces spécialistes qui nous font aimer l’histoire militaire. Il ne s’agit pas d’une énumération de faits, d’un déferlement de statistiques, mais d’une relation de mouvements, d’actions et de manœuvres comme si le lecteur se trouvait sur le champ de bataille. J’ai lu ce livre avec la palpitation que l’on peut imaginer, moi qui aime les films de guerre et d’espionnage, même si je n’aime pas les effusions de sang.
Chacun sait que sans Tsahal, Israël n’existerait pas. Mais certains sont allées jusqu’à penser que dans le cas israélien, on peut affirmer ceci : Israël n’est pas un Etat qui a une armée, mais Tsahal est une armée qui a un Etat. C’est dire en d’autres termes que l’Etat d’Israël est une nation «soldatique».
L’auteur remonte aux antécédents bibliques de l’armée d’Israël et il a raison de relever que le terrain est resté le même, et comme ce sont toujours les mêmes milieux hostiles qui campent alentour, il n’est pas rare que les généraux d’aujourd’hui donnent à leurs opérations des noms de code bibliques (opération Joab, par exemple). Un long chapitre est consacré à la mise sur pied de l’auto-défense contre les Arabes de Palestine avec le rappel de la hagganah, du groupe Stern et du Léhi (Lohamé Hérut Israël). On n’oublie pas la formation au profit des Anglais d’une légion juive dont les instructeurs et les officiers mettront leur savoir faire au service de la cause sioniste.
Toutes les campagnes de Tsahal sont couvertes, tous les coups d’éclat (Entebbe, Tunis, etc ) sont décrits par le menu. Après la campagne de 1956, alors qu’ils sont encadrés et aidés par les anglo-français, les Israéliens tirent les leçons du coup de force de Nasser: ils leur faut une armée forte, in dépendante de ses fournisseurs, en somme une armée dotée d’une industrie militaire nationale, à l’abri de toute pression.
Mais ce qui retient le lecteur et rend sa respiration haletante, c’est la guerre des six jours où les premiers combats, notamment aériens, sont relatés comme le seront les combats de chars, plus tard en 1973, lorsque, dans le plus grand secret, près de 100.000 fantassins égyptiens franchissent le canal et débordent sans ménagement la fameuse Bar-Lev. Mais même là, la stratégie militaire d’un Ariel Sharon fera la différence : repérant un défaut de jonction entre les 2e et 3e armées égyptiennes, Sharon attaque par le flanc, effectue une percée qu’il transforme en tête de pont, parvient avec les autres divisions à faire refluer sur l’autre rive les troupes d’invasion et réussit à prendre dans la nasse toute la 2e armée. Même si Ismailiya résiste, les troupes israéliennes parviennent à ce fameux kilomètre 101 (du Caire). Les Arabes ont perdu la guerre. Aux diplomates des deux camps de prendre le relais.
Mais l’effet de surprise fut encore plus dur sur le Golan où les Syriens engagèrent plus de 850 chars de combat dont les Israéliens, après un moment de désarroi, en neutraliseront près des deux tiers ! –Même les appels au secours du président Hafez el Assad, voyant sa propre capitale menacée par l’artillerie israélienne à longue portée, n’y changeront rien car le président Sadate commettra une erreur en engageant une contre offensive, ratée mais coûteuse en hommes et en matériels… L’idée était de forcer les Israéliens à se battre sur deux fronts à la fois. Les stratèges de Tsahal s’y attendaient et engagèrent alors deux bonnes divisions fraîches et performantes qui taillèrent en pièces les vagues d’assaut. Pour faire payer au Syrien son action, l’armée de l’air de Tsahal s’acharna sur le potentiel économique et industriel de ce pays, détruisant absolument tout… Le message fut apparemment compris, même si les Syriens manifestèrent par quelques duels d’artillerie leurs velléités de reconquête. Depuis, le front syrien est calme.
Un épisode moins connu sur le déclenchement de la guerre des six jours par Israël : peu de temps auparavant, des migs égyptiens avaient survolé à très haute altitude le site nucléaire de Dimona, faisant redouter à l’Etat-Major de Tsahal une opération d’envergure contre leur secret le mieux gardé… On connaît la suite ; dès le 5 juin, c’est la tornade : l’armée de l’air égyptienne n’existe plus, clouée au sol par les Israéliens.
On lira aussi l’intéressante analyse de la guerre du Liban suivie de celle livrée contre le Hezbollah…
Un livre solide, impartial bien documenté sur la guerre mais qui montre combien c’est la paix qui compte. Le bien le plus cher de l’humanité.