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Histoire - Page 5

  • Mémoire juiv et mémoire polonaise:mémoires croisées

     

        Il y eut, la semaine dernière, d'importantes et très émouvantes commémorations à Varsovie et à Cracovie, en présence, dans la capitale polonaise du Président israélien Shim'on Péres. Un récent éditorial du Figaro s'en faisait l'écho, en renseignant sur les timides tentatives de recréer une vie juive dans ce pays d'Europe qui abritait avant 1939 une population juive qui comptait pratiquement 10% de la population générale. A savoir entre trois millions et demi et trois millions neuf cents mille âmes… A la fin de la guerre il n'en restait plus que quelques milliers.

        Mais ce n'est pas tout, lorsque de rares survivants s'en revinrent dans leur pays natal, ils furent très mal accueillis. Certains polonais qui s'étaient appropriés les biens des Juifs leur dirent: Mais on nous avait dit que vous étiez tous morts… Le pire était à venir: peu d'années après la libération et la chute du régime hitlérien, il y eut des pogroms, suscités par des forces catholiques rétrogrades qui mirent en circulation des accusations de meurtre rituel auxquelles les paysans polonais, fortement pétris d'antisémitisme, crurent opportunément…

        Aujourd'hui, nous espérons avoir définitivement tourné le dos à cette mentalité; certes, il y a toujours cette radio nationaliste et réputée antiosémite qui diffuse des programmes d'un autre âge, mais les parties saines du corps social polonais prendront le dessus.

        Je saisis cette opportunité pour évoquer des mémoires d'un génie juif né au XVIIIe siècle en Pologne-Lithuanie, Salomon ben Josué Maîmon (1752-1800). Mémoires que j'ai traduites de l'allemand en 1983 et parues chez Berg International (129 Bd Saint-Michel 75005). Ses souvenris se lisent comme un roman picraresque mais l'auteur a tout de même commenté Maimonide et Kant; ce dernier échangea avec lui quelques correspondances et reconnut que de tous les lecteurs de ses Critiques, «Monsieur Maimon a le mieux compris mon criticisme.»

        Espérons que la Pologne rebrillera de mille feux car en s'amputant si bêtement de ses juifs, elle a rejeté la plus géniale partie de sa propre culture. 

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  • Charles ENDERLIN, Par le feu et par le sang : le combat clandestin pour l’indépendance d’Israël (1936-1948) Albin Michel, 2008

      Charles ENDERLIN, Par le feu et par le sang : le combat clandestin pour l’indépendance d’Israël (1936-1948) Albin Michel, 2008

        Voici un livre qui lève un coin de voile sur les dessous de la guerre d’indépendance menée par les différents groupes sionistes armés en Palestine mandataire. Il n’apporte aucune révélation fracassante mais réunit cependant une quantité de détails, de précisions et de rapports jamais publiés en un seul ouvrage auparavant.
        Nous n’avons pas été, durant notre lecture, confronté à je ne sais quel parti pris ou quel tropisme que d’aucuns s’ingénient à trouver chez ce journaliste, correspondant permanent d’Antenne 2 depuis près de vingt cinq ans en Israël… Le seul défaut que nous lui trouvons, mais qui tient probablement à sa nature même, c’est sa facture, une suite un peu décousue de petites histoires qui ne parviennent pas, même mises bout à bout, à en créer une grande, celle de la lutte clandestine de la Hagganah, de l’Irgoun et du groupe Stern.
        Au fond, cette lutte avec ses contradictions, son romantisme, son opposition entre les hommes, ses moyens pas toujours recommandables, ressemble à toutes les autres luttes menées en vue d’une libération nationale. Mais ces groupes avaient des droits indiscutables sur le pays de leurs ancêtres…
        Ce que j’en retiens, c’est surtout l’intelligence politique redoutable d’un David Ben Gourion qui, avec une formation intellectuelle peu prestigieuse, éclipse, par sa connaissance des hommes et son art d’exploiter les rapports de force, l’aura internationale d’un grand scientifique comme Chaïm Weizmann.
        Un livre à lire par morceaux mais qui apportera à chacun des informations parfois étonnantes.
       

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  • Il y a deux siècles, Napoléon créait le franco-judaïsme

     

    Article paru dans la Tribune de Genève le samedi 19 avril (rubrique L'invité) 

     

    La naissance du franco-judaïsme…          
    Il y a deux siècles exactement, au printemps de 1808, l’Empereur Napoléon Bonaparte intégrait les juifs de France, mais aussi d’Europe, à la socio-culture de l’époque. Non seulement il les arrachait à leur statut de parias, mais il fondait, par cet acte courageux et lucide, le franco-judaïsme, c’est-à-dire les institutions juives de France et d’Europe,
    En d’autres termes, il créait un espace commun où pouvaient se développer dans le cadre de la loi, l’identité juive et la culture européenne. Lors de la campagne d’Italie, le chef militaire Bonaparte est révolté par la triste existence des habitants du ghetto de Venise. En traversant l’Alsace, il est interpellé par le conflit qui oppose les juifs locaux à leurs débiteurs, des paysans lourdement endettés, qui les accusent de pratiquer des taux usuraires. Le futur Empereur choisit la solution la plus intelligente, celle d’une intégration juste et généreuse. Dans ce cas, on s’inspirait à la fois des idéaux de la Révolution et du siècle des Lumières ; le philosophe juif de Berlin, Moïse Mendelssohn (1729-1786) avait chargé le haut fonctionnaire prussien Christian Wilhelm von Dohm de réfléchir à l’Emancipation des juifs
    Le juriste prussien voulait montrer que les lois juives s’accordaient avec une citoyenneté pleine et entière ; il refusait de faire appel à la pitié ; selon lui, l’entendement sain, les sentiments humanitaires et les intérêts bien compris des Etats et des sociétés civiles requéraient un meilleur traitement des juifs. Dohm admettait que le port de la barbe, la pratique de la circoncision et un culte divin spécifique séparaient, certes, les juifs des autres habitants du pays où ils résidaient ; mais aussi longtemps qu’il n’aura pas été prouvé que ces règles sont asociales ou s’opposent à l’équité ou à l’amour du prochain, on ne saurait  refuser aux juifs l’égalité des droits…
    La démarche napoléonienne s’inspirait pleinement de ces arguments. Napoléon chargea quelques auditeurs du Conseil d’Etat de poser des questions à la délégation juive, conduite par le grand rabbin David Sintzheim (1738-1812) : les juifs étaient-ils les ennemis des chrétiens ? Feraient-ils de bons soldats, en dépit des règles rituelles du samedi ? Défendraient-ils leur patrie ?  Prêteraient-ils serment devant des juridictions civiles ? Un mariage contracté avec une partie non-juive était-il valable à leurs yeux ? Les réponses de Sintzheim furent jugées satisfaisantes, même si parfois le vieux rabbin maniait volontiers l’humour… Napoléon Bonaparte demanda que toutes ces réponses, véritable charte du franco-judaïsme, fussenrt proclamées solennellement en l’Hôtel de ville de ville par le Grand Sanhédrin qu’il convoqua à cet effet.
    Les consistoires furent donc créés en 1808 et continuent de fonctionner vaille que vaille. Il y eut le Consistoire de Paris qui regroupe aujourd’hui encore les congrégations religieuses qui se reconnaissent dans son idéologie. Ensuite, on assista à la naissance du Consistoire Central de France qui regroupe tous les autres consistoires disséminés sur le territoire national. On peut donc dire que Napoléon a non seulement émancipé le juif en tant que tel mais qu’il a aussi accordé un droit de cité au judaïsme en tant que religion.
     La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si des institutions hyper-centralisées, financièrement exsangues et en perte de vitesse, sont encore d’actualité. On le constate nettement en scrutant cette vaste crise du leadership actuel.
    L’action de Bonaparte fut, certes, bénéfique à l’époque, mais ne doit –elle pas être entièrement rénovée pour épouser enfin son au temps ?

                            Maurice-Ruben Hayoun
                        Professeur à l’Université de Genève
    Dernier livre paru :
    Renan, la Bible et les Juifs (Paris, Arléa, avril 2008)

     

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