Nicolas Sarkozy mis en examen…
La nouvelle continue de faire des vagues et l’expression est bien faible par rapport aux questions qu’elle soulève et à l’émotion qu’elle suscite. Je n’entrerai pas dans les détails même si depuis hier, les langues se délient et les fuites se font de plus en plus précises et substantielles. Que reproche le juge à l’ancien Président de la République ? Deux choses : de ne pas avoir dit la vérité sur le nombre exact de ses visites chez les Bettencourt et d’avoir (je le dis sous toutes réserves, car cela reste à prouver) commis un «abus de faiblesse» à l’encontre de Madame Bettencourt, le tout en vue de financer sa campagne électorale . Cela paraît assez incroyable, mais tels sont les chefs d’accusation qui, selon le juge, rendaient nécessaire et justifiaient une telle mise en examen.
L’analyse qu’on va lire n’est pas tendancieuse ni orientée. Je n’ai pas pour Nicolas Sarkozy une affection particulière même si j’ai assez bien connu son entourage élyséen immédiat et quant au juge Gentil je ne sais de lui que ce que j’ai lu dans les journaux…
A mes yeux, plusieurs questions se posent :
A) fallait-il confier à ce juge dont je ne me mets nullement en cause le professionnalisme un tel dossier alors qu’on savait que les deux hommes, le juge et le justiciable, avaient été opposés sur bien des points, notamment la suppression du juge d’instruction qui devait devenir le juge de l’instruction ?
B) Pourquoi ne pas avoir dit à Nicolas Sarkozy qu’il serait confronté durant de longues heures non pas à un ni à deux mais à quatre anciens membres du personnel de Me Bettencourt ?
C) Où sont les preuves tangibles et irréfutables justifiant cette mise en examen qui, rappelons le, reste en France singulièrement infâmante, même si l’on sait de la bouche même de certains anciens gardes des sceaux que 80% des mises en examen se soldent par des non lieux ? Et je parle même pas de la présomption d’innocence.
D) Le juge dont la probité n’est à ce jour nullement remise en question par des fais matériels précis n’a t il pas été instrumentalisé (je ne dis pas manipulé) par certains milieux politiques désireux de neutraliser définitivement un adversaire politique en 2017 ?
E) Enfin, certains analystes chevronnés établissent un parallèle entre le sort de l’ancien ministre du budget et celui de l’ancien président de la République, précisant qu’un tel contre feu a pris de court l’opposition et lui a infligé un camouflet bien plus sérieux ?
Après les interrogations viennent les réflexions qui ne sont toujours pas permises dans ce grand pays qu’est la France où des mythes comme la laïcité intransigeante, la justice impartiale et égale pour tous etc… continuent à être arborés à chaque occasion.
Ma question est : un ancien président de la République est-il dans les FAITS, un justiciable comme un autre ? La réponse est évidemment négative. En dépit de l’adage latin : fiat justicia pereat mundus : que la justice soit, le monde dût-il en périr… Au fond, pourquoi parle t on tant de cela alors que les tribunaux, dans leur travail quotidien procèdent à des mises en examen qui ne font pas le moindre bruit ? Mais parce que c’est un ancien président de la République !! On confond toujours sur les bords de Seine égalité et égalitarisme…
Avons nous oublié d’autres points ? Je ne veux pas croire que le juge en question ait cherché à faire un coup médiatique, ce serait trop gros et ne correspondrait pas à ce que mon ami Maître Lef Forster vient de dire à son sujet sur BFM Tv…
J’émettrai un vœu en conclusion : depuis Platon jusqu’à Heidegger, on s’en tient à la ligne suivante : la société veut et doit assurer le bonheur de l’homme. La justice, qui est un pilier essentiel de l’Etat (un Etat de droit), doit prendre garde à ne pas menacer cet équilibre. Que s’est-il passé véritablement à Bordeaux avant hier ?
Prions pour que la chambre de l’instruction qui doit être saisie lundi par l’avocat de NS Maître Herzog, rétablisse les choses et ramène la sérénité.
Souvenez vous du premier verset du livre des Juges. On y parle de l’époque «du jugement des juges» ? Deux exégèses de ce verset sont possibles :
a) l’époque de la judicature où des hommes et non des rois, jugeaient le peuple.
b) Mais la seconde exégèse est plus inquiétante : l’époque où l’on devait juger les juges, les faire comparaître devant les tribunaux…
Prudence !!
Maurice-Ruben HAYOUN
In Tribune de Genève du 23 mars 2013