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Vu de la place Victor-Hugo - Page 695

  • L'affaire Cahuzac, halte au feu

    L’affaire Cahuzac, halte au feu !

    C’est un scandale de très grande ampleur. La France entière ne parle que de cela, mais jusqu’où ira ce journal en ligne qui semble s’être fait une spécialité dans le journalisme d’investigation. Son patron ne semble pas vouloir s’arrêter en si bon chemin et réclame désormais la démission du  ministre des finances. Rien de moins !!

    Les révélations sur cette affaire tournent hélas à la crise de régime, ce n’est pas sain. De tous côtés, on exige une poursuite et un approfondissement de l’enquête, un peu comme si on réclamait la mise à mort d’une victime lors des jeux du stade… La justice, ce n’est pas cela, c’est tout autre chose : il faut de la sérénité, du temps et le temps judiciaire n’est pas celui des media.

    Devons nous nous féliciter de cette nouvelle presse d’investigation ? Je ne le pense pas. Certes, il faut moraliser la vie politique, veiller à l’intégrité morale des élus de la République et en gros faire passer l’intérêt général avant les intérêts privés. Mais il faut arrêter ce jeu de massacre.

    Aujourd’hui, on demande le départ (injustifié) d’un autre ministre, demain de qui encore réclamera t on la démission ? Aujourd’hui, ce journal en ligne croit aller ad astra, mais demain quand la tension aura baissé et que cette affaire sera oubliée, qui le lira ? Il faut être prudent et attentif.

    Mais par dessus tout il ne faut pas que cet exemple soit contagieux= imaginez toutes les rédactions se mettant à espionner, à traquer le moindre détail de la vie privée de nos élus…

    Après avoir envoyé à la guillotine nombre de leurs amis, Saint-Just et Robespierre ont fini  par les y rejoindre…

  • Un ressentiment antigermanique est injuste

    Un ressentiment antigermanique est injuste…

    La crise grecque, immédiatement suivie par la crise chypriote a, semble-t-il, donné naissance à un ressentiment qui avait pour cible l’Allemagne ou plus exactement le politique de la chancelière M. Angela Merkel. L’affaire a fait tant de bruit qu’un grand quotidien du soir en France lui a consacré sa une…

    Qu’est-ce à dire ? De quoi s’agit-il exactement ?

    Depuis des années, la République  Fédérale est le meilleur élève de la classe européenne. Depuis des années, ce puissant voisin de la France a pris conscience de la nécessité de faire des réformes, de juguler les déficits et d’imposer depuis au moins dix ans une série de mesures très fortes dont on sent aujourd’hui les retombées bénéfique. L’Allemagne a anticipé ce qui allait se passer.  A-t-on le droit de le lui reprocher ? Après tout, même un homme politique français aussi lucide que Pierre Mendès France avait dit : gouverner, c’est prévoir…

    Et voici que les Grecs et les Chypriotes, précédés par les pays de l’Europe du sud, ceux là mêmes que la chancelière a nommées avec quelque justesse les pays du club Med découvrent la vétusté de leurs finances et le délabrement de leur économie : l’Espagne, le Portugal, l’Italie, et peut-être demain… la France ?

    Lorsque Madame Merkel s’est rendue à Athènes on a vu apparaître des caricatures d’un autre âge et qui n’honorent ni leurs auteurs ni leurs inspirateurs.

    Cela ne fera pas plaisir de le dire, mais sans l’ Allemagne, l’Euro aurait connu une triste fin. Je ne veux pas me faire l’avocat d’un pays étranger, mais qui est et demeure un pays ami , un allié et un voisin avec lequel la France entretient de multiples relations dans d’innombrables domaines, mais je ne comprends pas le bien-fondé de ces attaques…

    Il faut savoir raison garder : certes, et je l’ai déjà dit, la mentalité germanique est différente de celle des pays du sud où l’on mange bien, boit bien, prend du bon temps, aime les jolies femmes et les vacances au soleil… Mais il ne faut pas vivre au-dessus de ses moyens tout le temps. On ne peut pas partir trois ou quatre fois en vacances par an et prétendre aussi à une retraite à taux plein…

    Otto von Bismarck, le chancelier de fer, le vrai père de l’unité allemande autour de la Prusse au XIXe siècle, avait bien dit : Der Mensch ist nicht auf Erden, um glücklich zu sein, sondern um seine Pflicht zut un (l’homme n’est pas sur terre pour être heureux mais pour accomplir son devoir…).  Et à l’époque du Reich wilhelmien on avait placardé cette phrase dans toutes les salles de classes…

    Nos amis grecs, chypriotes, et autres, qui en sont très loin, croient au mythe du Paradies auf Erden (paradis sur terre) et c’est un très beau mythe fondateur, mais il faut se retrousser les manches si l’on veut que cela dure…

    Cela dit en toute amitié…

  • Le film sur le cardinal Lustiger, diffusé par la télévision française

    Le film sur le cardinal Aaron (Jean-Marie) Lustiger diffusé la semaine dernière par la télévision française…

     

    Vous avez été nombreux l’autre soir à jeter votre dévolu sur le film, largement romancé, qui entendait retracer la vie d’Aaron Lustiger et la naissance de sa vocation. Celle-ci lui permit de se faire prêtre et de devenir le cardinal archevêque de Paris Le film est certes critiquable au regard de l’exactitude historique mais il s’agissait d’attirer et  surtout de retenir l’attention des téléspectateurs qui auraient décroché si l’on avait respecté à la lettre les méandres et les mystères d’une personnalité si complexe, si calculée et si sincère à la fois. Je dis cela sans mauvais esprit et je rappelle qu’à l’annonce de la mort du cardinal, je lui ai moi-même rendu hommage dans les colonnes du Figaro sous le titre : Un guetteur de lumière… Et vous savez bien que les lecteurs du Figaro ne sont pas  des gauchistes radicaux…

     

    Qu’avons nous pu visualiser dans ce film ? Le portrait d’un jeune enfant juif, perdu dans une Europe en crise, menacée par une seconde guerre mondiale, avec un Reich hitlérien autrement plus dangereux que le Reich wilhelmien, et ne sachant, c’est le cas de le dire, à quel saint se vouer. Guidé par certains, il se rend compte que l’église, à l’affût d’âmes en peine, lui tend les bras et à quatorze ans, un an tout juste après la bar-mitzwa, il franchit le pas. Beaucoup de zones d’ombre subsistent : comment, par exemple, peut-on convertir un enfant qui n’a pas encore atteint sa majorité ? Le droit canon le permet-il ? Je sais qu’au cours du Moyen Age, on se livrait à de telles pratiques allant jusqu’à dire (comme ce sera le cas pour les enfants Finaly) qu’une fois baptisés, des enfants ne pouvaient plus jamais revenir à leur religion de naissance. Heureusement, les temps ont changé, et l’Eglise s’abstient de ce que le grand rabbin Jacob Kaplan, membre de l’Institut appelait ; le pillage des âmes… Mais dans le cas de J-M. Lustiger les choses se présentaient autrement.

     

    Cette conversion émanait du tréfonds de son âme car, en temps normal, un être qui se convertirait pour avoir la paix et jouir d’un certaine sécurité (la chasse aux juifs des Nazis), ne poursuivrait pas dans cette voie, il ne prononcerait ses vœux ni n’irait aussi loin dans la haute hiérarchie catholique.

     

    J’en viens à ce qui constitue le cœur du film, et laisse volontairement de côté la tristesse abyssale d’un père voyant son propre fils, le fruit de ses entrailles, s’éloigner de la religion de ses pères. Je ne sous-estime pas la gravité de cette insondable douleur mais considère que le problème est plus large, plus global. Et il tient en une phrase :

     

    Le christianisme es-il vraiment la vérité du judaïsme ? Cet homme  a dit jusqu’à la fin de ses jours, jusqu’aux derniers mois, alors qu’il se savait en sursis, qu’il restait juif après s’être fait chrétien. Il lui semblait ne pas avoir changé d’ecclésia mais d’avoir simplement franchi un pas, d’être allé plus loin. Je dois dire que sans inciter quiconque à imiter cet exemple, l’homme, doté d’une si forte sensibilité religieuse, n’avait pas entièrement tort, de son point de vue. Comme le foyer dont il était issu était absolument vierge en matière de culture religieuse juive, il a découvert sa religion de naissance à travers le prisme chrétien qui ne rejette pas vraiment le judaïsme mais prétend l’avoir dépassé, ou, à tout le moins, s’être éloigné de ses interprétations rabbiniques.

     

    Les rabbins, parlons en : la première fois que j’ai pu m’entretenir avec ce cardinal d’origine juive, j’avais l’impression d’avoir à faire à un rabbin, avec ce regard, cette démarche, cette vivacité intellectuelle,  ce dynamisme, ce bonheur d’exister que je ne retrouve pas toujours (révérence gardée) chez d’autres prélats que je connais bien…

     

    Jean-Marie Lustiger était en fait un juif avec Jésus. Cela paraît inconcevable, cela peut même paraître condamnable mais cela reste envisageable. Et j’espère que nul ne se méprendra sur le fond de ma pensée.

     

    Le débat entre les juifs et les chrétiens sur ce que l’on nomme le Verus Israël (qui est le vrai Israël ?) est en fait, pour nous juifs, un débat entre nous et nous-mêmes. Les chrétiens sont d’autres nous-mêmes. Toute l’église primitive, en tout cas celle de Jérusalem sous la conduire de Jacques (le frère de Jésus), n’a pas constaté qu’en croyant en Jésus, elle s’éloignait de la synagogue ou de sa communauté religieuse d’origine.

     

    Cet exemple de Jean-Marie (Aaron) Lustiger incarne ce débat vieux de deux mille ans. Un penseur, un philosophe aussi profond que Martin Buber (1878-1965) s’est penché sa vie durant sur cette dualité judaïsme / .christianisme (comme le fit avant lui Franz Rosenzweig dans son Etoile de la rédemption)  et a écrit en 1950 un important ouvrage intitulé Deux types de foi (Zwei Glaubensarten, Cerf, 2007). Il charge saint Paul de tous les péchés d’Israël et lui reproche d’avoir, lui, le juif hellénisé, assimilé à la culture païenne, confondu l’émouna juive avec la pistis grecque… Pire, d’avoir fait croire dans ses épîtres, notamment aux Romains, que telle fut bien la foi de Jésus. Buber reproche donc à Paul d’avoir édulcoré le message de Jésus. Le philosophe juif entend même (ce sont ses propres mots) : défendre Jésus contre l’Eglise !! Programme à la fois vaste et risqué.

     

    Toutes ces remarques, toutes ces analyses contradictoires, toutes ces controverses autour d’une telle personnalité trahissent son exceptionnelle richesse. Ce qu’il faut ajouter pour être plus complet ou plus objectif ce sont les  chapitre 9 à 11 de cette fameuse épître aux Romains où l’on sent l’âme de Paul tiraillée, écartelée entre sa propre vision de l’avenir tel qu’il se le figure et la fidélité à son peuple dont il est issu. Souvenez vous de la parole d’Ernest Renan qui disait de Paul qu’il était un juif de race… Mieux dit : un juif. De naissance. Après tout, Paul souligne dans ce chapitre 9 que l’élection d’Israël par Dieu est irrévocable et que les païens qui ont désormais la majorité au sein de l’église feraient mieux de ne pas l’oublier…

     

    Imaginez ce qui a dû se passer dans l’âme d’une jeune garçon de 14 ans ! Une telle précocité pour un acte aussi lourd de conséquences. On a senti dans le film l’âme du cardinal Lustiger vibrer lorsqu’il s’est agi d’éloigner les Carmélites du périmètre d’Auschwitz et la haine multiséculaire de quelques Polonais à l’égard des juifs. En revanche, la complicité, proche de la familiarité du cardinal et du pape Jean-Paul II, (deux Polonais !) ne laisse pas d’être étonnante.

     

    Que croire ? Qui croire ? Le Psalmiste affirme que le Seigneur sonde les reins et les cœurs. A lui de sonder le cœur d’un cardinal resté juif au plus profond de lui-même.