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Vu de la place Victor-Hugo - Page 80

  •       Proust et le judaïsme. , (Suite et fin)

      

                                                            Proust et le judaïsme. , (Suite et fin)

     

    On a vu dans un précédent article qu’il y avait un problème à résoudre concernant la judéité réelle ou supposée de Proust. Je résume succinctement le chapitre fort intéressant intitulé le style du rabbin dans ce livre du professeur Antoine Compagnon. C’est vrai, les règles herméneutiques  de l’exégèse rabbinique de la Tora, remontent à l’antiquité talmudique : les sept premières règles, élargies aux treize de rabbi Ishmhel  qui en dérivent ne suivent pas toujours un enchainement propre aux Analytiques premiers d’Aristote, mais elles ne tournent pas non plus le dos entièrement à la logique universelle. Les commentateurs qui croient déceler dans la syntaxe proustienne une imitation consciente ou inconsciente des discisions talmudiques entendent pousser l’herbe. La même appréciation peut être portée sur une hypothétique connaissance des textes classiques de la mystique juive, par Proust. Certes, le professeur Adolphe Franck a étudié à l’époque de larges pans de cette littérature ésotérique et Jean de Pauly (qui peut bien se cacher derrière ce patronyme ?) a donné du Zohar une belle traduction qui ne respecte pas toujours les règles philologiqes. Il a sacrifié la fidélité au texte à des  considérations relevant de l’esthétique. En fait, IL faut vraiment aller chercher très loin une quelconque influence sur celui qu’on considère comme le meilleur romancier français de notre temps, comparable à Stendhal  et à Balzac…

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  • Antoine Compagnon, Proust du côté juif. Gallimard. (I)

      

    Antoine Compagnon, Proust du côté juif. Gallimard. (I)

     

    Il s’agit ici d’une recherche effectuée par un professeur honoraire au Collège de France. Le sujet n’est pas nouveau mais cette fois-ci il est traité de manière sérieuse et pratiquement exhaustive, sans toutefois parvenir à des résultats irréfragables. .

     

    Je dois dire en tout premier lieu que la qualité technique de l’ouvrage est remarquable et ne laisse guère à désirer. Quand vous avez ce beau livre entre les mains, en dehors de son poids, rien ne vous pousse à le reposer sur le bureau pour le lire. En second lieu, il faut rendre hommage à l’examen méticuleux de ces ultima verb de Proust a d’où tout est parti, si j’ose dire.

     

    Proust dont la mère était juive (Jeanne Weil) écrivit  un ami resté anonyme pour lui dire, entre autres, que malade, cloué au lit, il ne peut plus se rendre au cimetière juif où repose son grand père bien-aimé Baruch-Weill… Pourquoi regrette-t-il cette impossibilité de se déplacer ? Pare que plus personne ne se rend au cimetière pour déposer quelques petites  pierres sur la tombe de ce cher grand père disparu. Il précise que ce dernier s’acquittait de ce devoir mémoriel régulièrement, sans jamais en avoir compris le sens ni élucidé les origines.

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  • Ingrid von  Oelhafen et Tim Tate, Les enfants oubliés d’Hitler.. Au cœur du programme Lebensborn. Fayard

    Ingrid von  Oelhafen et Tim Tate, Les enfants oubliés d’Hitler.. Au cœur du programme Lebensborn. Fayard.

     

    Il s’agit d’un récit poignant d’une femme qui fut enlevée à ses vrais parents  à un âge très tendre, en raison de son incarnation parfaite de l’homme nouveau, tel que se le représentaient les idéologues et les doctrinaires  nazis de la race.  «Grand blond ou grande blonde aux yeux bleus»… A l’exclusion de tout ce qui pourrait évoquer le «type juif…»» Dans les pays occupés par l’armée nazie, on convoquait des parents et leurs jeunes enfants sous des motifs futiles. Pendant que les parents attendaient qu’on leur rende leur progéniture dans la cour, les sélectionneurs de la race étaient à l’œuvre et répartissaient les enfants selon les critères mentionnés. Les enfants retenus, parfois des nourrissons de juste quelques mois, étaient confiés à des infirmières de la Croix-Rouge allemande qui les conduisaient dans des cliniques où ils étaient cultivés, produits comme du cheptel, des êtres humains, au même titre que l’on sélectionnait un type précis de mammifères… C’était la fonction dévolue à une sinistre institution ou programme dont le nom fait froid dans le dos : le Lebensborn, littéralement en allemand, la fontaine  de vie. On invitait les hommes et les femmes ayant satisfait à tous les critères requis à s’unir pour donner naissance à une humanité nouvelle, une race de seigneurs (Herrenrasse), le nouvel homme national-socialiste. Une sorte de fabrique de l’ÜBermensch, le surhomme dont rêvaient des malades mentaux comme Hitler ou Himmler, suivis de leurs sbires.

     

    Le présent ouvrage raconte, à la première personne, le calvaire  traumatisant d’une enfant, enlevé à ses parents biologiques, à un âge très tendre. Elle fut donc élevée dans une famille aristocratique qui n’ était pas la sienne, au seul motif qu’elle était un bel enfant blond aux yeux bleus. On assiste donc à des manipulations génétiques dictées par un comportement idéologique qui réifie l’homme. Ce qui introduit la notion de Untermensch, sous-homme, envoyé  dès lors dans les camps d’extermination.

     

    Ce qui est intéressant dans cette histoire, c’est qu’elle comporte aussi un drame très personnel. Cet enfant, ravi à ses parents alors qu’elle n’avait que neuf mois va rechercher ses vraies origines. Le drame  politique se double d’un drame personnel. On peut lire les lettres que l’enfant devenue jeune fille adresse à une femme qu’elle croit être sa mère alors qu’elle n’a été durant tout ce temps qu’une génitrice putative.. On devine le déchirement qui s’ensuit lorsque les masques tombent et qu’à la faveur d’une visite médicale, la jeune fille découvre que son nom d’assurée sociale n’est pas le même que celui qui l’accompagne et qui est censé être son père.

     

    Par un jeu de circonstances pratiquement imprévisible, et surtout avec une volonté de fer, la femme en question, la fameuse Ingrid découvre qu’elle est un produit du fameux Lebensborn. Insoutenable vérité ! Elle découvre aussi que le dirigeant le plus honni du IIIe Reich, Heinrich Himmler a porté une attention spéciale à cette étrange institution destinée à protéger et à promouvoir ce mythe fou, la préservation de la supériorité du sang aryen … A presque soixante ans, la dame découvre qu’elle est un produit du Lebensborn, que ses parents étaient originaires de Slovénie.

     

    C’est une véritable enquête policière où l’on passe du désespoir le plus noir à un timide rayon de lumière, où les différentes bureaucraties européennes impliquées dans l’affaire ne répondent pas à vos lettres ou prennent un temps fou à le faire. Mais tous ces détails étaient pourtant à portée de main, cachés dans un petit carton dans une chambre où nul n’avait songé en inspecter le contenu. La mère putative, celle qui se distinguait par sa froideur à l’égard de cette enfant qui n’était pas sa fille biologique, avait ses raisons, connues d’elle seule et de personne d’autre. L’enfant devenue une adulte se demande : mais pourquoi ne m’a-t-on rien dit sur mes origines ? Elle découvre aussi que celui qu’elle considérait comme son frère avait été lui aussi adopté ou recueilli à la demande des autorités.

     

    On comprend mieux le titre… La logique délirante du IIIe Reich, cette mythologie du sang a fait des ravages à la fois physiques et psychologiques. Comment reconstituer son identité en emboitant toutes les pièces du puzzle … La dame se rendit deux fois en Slovénie, procéda à des tests d’ADN avec de supposés membres de sa famille. On ne parvenait jamais à des résultats tranchants.

     

    La lecture de ce récit est très poignante. Je reviens sur les lettres de la petite fille, envoyée dans un foyer, sans raison apparente. Cela vrille le cœur car  on ne comprend pas ce qui motive la décision de placer cette enfant. Après, on comprend mieux, mais cela n’enlève rien à la prière d’un enfant qui réclame sa mère. Sans être vraiment entendue.