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Le cardinal Etchegarray, Simone Veil et Günter Grass

 

  Comme nous l'annoncions précédemment, voici un compte-rendu de trois livres qui nous paraissent intéressants et dont la lecture s'est révélée enrichissante:

 

Une vie de Simone Veil (Stock): Une vie bien remplie. La jeune fille juive déporteé avec les siens, devint magistrat, ministre, et pour finir, membre du Conseil constitutionnel. Nous découvrons une femme sensible, au caractère trempé par un séjour éprouvant dans les camps de concentration, une mère de famille heureuse (même si il y a quelques années elle perdit un fils médecin), une ministre déterminée qui relate sa longue lutte pour imposer la loi sur l'IVG à une majorité de droite conservatrice…  Ce qui m'a frappé dans ce livre, c'est le caractère de Madame Veil qui nous apparaît comme une femme au témpérament presque masculin mais dotée d'une très grande sensibilité féminine. Une femme comblée, une mère et une grand mère heureuse. On trouve aussi quelques révélations, notamment sur Raymond Barre et une déclaration un peu risquée sur un prétendu lobby juif; les déclarations de Jacques Chirac, alors premier ministre sur les «affaires de bonne femme» etc… Giscrad d'Estaing s'en tire plutôt bien ainsi que son bras droit Michel Poniatowski mais Charles Pasqua est traité avec rudesse. Ce sont probablement deux tempéraments qui ne s'accordent guère: d'un côté le premier flic de France, de l'autre un magistrat habitué à d'autres pratiques. Mais ce n'est pas tout, Madame Veil donne de précieuses indications sur sa façon à elle d'être juive, sur les réactions de son père face aux croyances ancestrales, sur sa relation à l'Etat d'Israël où son dernier fils s'était rendu, alors qu'elle était ministre dans le gouvernement Balladur.  Bref, un livre captivant, on en oublierait presque la passion.

 Roger Cadinal Etchegarray, J'ai senti battu le cœur du monde (Fayard) Dialogues avec Bernard Lecomte (Fayard): quand on a achevé la lecture de ce beau volume, si riche, si documenté et si informé, on se demande comment un tel homme n'est pas, lui-même, devenu pape! C'est une véritable mine que ce livre avec ses innombrables références, ses rendez vous datés, ses conversations rapportées avec les grands de ce monde, même les méchants comme Saddam Hussein ou Fidel Castro…  Mais il y a aussi l'essentiel que ce globe-trotter ne perd jamais de vue, Dieu et l'Eglise. Quelle carrière époustouflante: prêtre, vicaire général, secrétaire de tant d'instances ecclésiastiques, évêque, archevêque, cardinal, membre de la curie romaine, émissaire ou envoyé spécial des papes Jean-Paul II et Benoît XVI. Tout cela, ce Basque à la fois intelligent et madré l'a fait avec le sourire. Et ce ne fut pas toujours facile: il suffit de lire le chapitre sur l'Afgrique (le Rwanda notamment) pour s'en convaincre! Il y eut les rencontres avec les communistes chinois, avec les Sovéitiques, avec les Israéliens, bref tout l'univers défile sous nos yeux. Ce cardinal est absolument incroyable. J'ajoute ici une anecdote personnelle: en qualité de Vice-Président de la Fraternité d'Abraham je fus invité à rencontrer le pape Jean-Paul II en février 2000 et à passer trois nuits à l'hôtel des cardinaux, Santa martha, au Vatican. Je prenais mes déjeuners chez le Cardinal Etchegarray qui se montra un hôte très agréable. Au café, il me demandait ce que j'avais fait durant la matinée et je lui répondais que j'avais été reçu dans un grand nombre de dicastères. Le cardinal se montra satisfait mais je lui demandais l'autorisation de poser une question. Pourquoi, lui demandais-je, m'a-t-on montré les dicastères des non croyantes, des musulmans, des autres communautés chrétiennes et pourquoi n'ai-je pas vu de dicastère consacré aux juifs? Le cardinal me fit avec un large sourire la réponse suivante: Professeur, il n'y a pas de dicastère pour la… famille!! Depuis, je ne cesse de méditer cette boutade si pleine de sens et qui résume bien le drame judéo-chrétien…

 

Günter Grass, Pelures d'oignon (Seuil). C'est le prix Nobel de littérature qui rappelle dans ce livre émouvant comment il s'engagea dès l'âge de 16 ans dans les SS afin, dit-il, de voir du pays et d'échapper à un père tyrannique, à un environnement nul et à un avenir désepérant. Il avait voulu rejoindre la Krigesmarine, mais en 1944, cette arme était réduite à néant ou presque. Pourquoi ce titre? Parce que ce légume se compose de fines lamelles étroitement serrées les unes contre les autres et que chaque lamelle en évoque une autre. C'est tout le processus de la mémoire où un événement en rappelle un autre. Le livre commence en 1939 et s'achève dans les années d'après-guerre, à Paris, où l'auteur devient une valeur consacrée. On y sent une certaine émotion, contenue mais palpable. Particulièrement émouvantes sont les pages qui sauivent la blessure aux combats, l'évacuation avec les autres camardes blessés ou mourants, les séjours dans des camps de prisonniers, la mort qui rôde, la faim qui vous tenaille et les ruines, partout, des ruines. Les ruines de Hambourg, écrit-il, ressemblent à celles de Hambourg… Pourquoi avoir rejoint les SS? Au fond, l'auteur ne répond pas vraiment à la question.

 

La prochaine rubrique littéraire portea sur le livre de Assia Djebbar, Nulle part dans la maison de mon père (Fayard)
 

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