AlAIN JUPPE, Je ne mangerai plus de cerises en hiver… (Plon, 2009)
Tel est le titre évocateur que l’ancin premier ministre de Jacques Chirac a trouvé pour son livre-confessions, ou plutôt catharsis. Car c’en est une et elle est réussie. Frappée du sceau de l’autenthicité et en quelque sorte du repentir, de la confession des fautes et péchés commis, mais le ton est si sincère, l’ouverture du cœur si totale que le lecteur est conquis et dévore ce petit livre de la première à la dernière ligne. Pour reprendre un dicton de la sagesse orientale : les paroles qui sortent du cœur touchent le cœur.
AlAIN JUPPE, Je ne mangerai plus de cerises en hiver… (Plon, 2009)
Tel est le titre évocateur que l’ancin premier ministre de Jacques Chirac a trouvé pour son livre-confessions, ou plutôt catharsis. Car c’en est une et elle est réussie. Frappée du sceau de l’autenthicité et en quelque sorte du repentir, de la confession des fautes et péchés commis, mais le ton est si sincère, l’ouverture du cœur si totale que le lecteur est conquis et dévore ce petit livre de la première à la dernière ligne. Pour reprendre un dicton de la sagesse orientale : les paroles qui sortent du cœur touchent le cœur.
Et puisqu’il est question de cœur, évoquons les pages superbes, d’une émotion raffinée, presque calibrée, d’Isabelle Juppé, l’épouse aimante et dévouée qui partage depuis plus de vingt an la vie de l’ancien premier ministre et lui a donné, si j’ai bien lu, une petite fille. Madame Juppé écrit des pages assez inoubliables sur le procès de son mari. Une émotion, certes, forte, mais contenue, des sentiments vifs mais authentiques. C’est une plume. Une grande finesse d’écriture, mais rien d’artificiel : cette description par une femme aimante, de son mari (qu’elle ne voit que de dos) dans une salle d’audience, déshumanisée comme la justice elle-même (dixit l’ancien Premier Ministre).
Lorsque l’auteur reprend la plume qu’il avait, lors des premières pages, abandonné à son épouse, il évoque surtout, entre autres, sa mise en accusation et sa traduction en justice. Il ne m’appartient pas de porter une appréciation sur le contenu de l’affaire, sur le vrai coupables (on y reviendra) ou autres ; ce qu’on retiendra c’est l’exemplaire d’une vie humaine : un homme, brillant, issu d’un milieu plus que modeste, réussit les grands concours (et Dieu sait que notre pays en a et qu’il ne serait rien sans ces laminoirs de notre jeunesse), intègre l’ENA et sort inspecteur des finances. Il y eut ce bref passage à Janson de Sailly, d’autres petites expériences dans l’enseignement (ce qui le préparera à la traversée du désert dans une grand école du Québec) et puis cette rencontre en 1976 (je crois) avec celui qui deviendra son mentor en politique, son bienfaiteur mais aussi, hélas, la cause de bien des soucis à venir.
Alain Juppé n’esquive pas la question de ses relations avec l’ancien président français : on sent chez lui non point une fascination (il est trop intelligent pour cela) mais une admiration pour une sorte de père de substitution. Et c’est vrai que Jacques Chirac a toujours marqué les gens par ce curieux mélange de sincérité et de calcul savamment dissimulé. En bref, Juppé aime Chirac et lui demeure fidèle. D’autres lui ont dit que l’ancien président l’a usé jusqu'à la corde, lui a fait payer ses propres turpitudes, rien n’y fait : Juppé reconnaît qu’il doit beaucoup à Chirac. Au fond, c’est aussi vrai.
On ne peut pas ne pas parler de la mise en examen, de l’accusation, de la condamnation, du jugement en appel et de l’exil volontaire pensant toute une année où l’homme ne s’est pas retrouvé seul avec lui-même avec seul avec un autre lui-même, son épouse.
Le sommet de la catharsis se situe au Canada où Alain Juppé retrouve une certaine quiétude et a le temps de se refaire, de ressaisir, de sreconstruire, grâce à sa chère épouse.
Cette femme a un grand mérite, elle l’a profondément changé. Qui aurait imaginé que Juppé se mettrait à écrire de véritables odes à l’amour, dire d’un baiser mémorable qu’il eut la légèreté d’une plume ? Dire que l’amour c’est l’essentiel et la politique, l’accessoire. Est-ce l’âge qui avance et rend plus proches des échéances jadis lointaines ? Est-ce la perte des parents, si douloureusement ressentie à l’heure où le ciel judiciaire s’assombrissait au point de se boucher totalement ? Non point.
C’est l’évolution d’un homme qui a enfin pris le temps (il y fut contraint) de poser son baluchon, de s’asseoir au bord de la rivière alors qu’auparavant, il ne l’avait encore jamais fait. L’incident à l’aéroport de New York est incroyable : un ancien premier ministre de la France soumis à une telle humiliation que je n’ose même pas évoquer ici… Les méchants (et il y en a) diront qu’il fut à la mesure de son insondable arrogance. Tout de même ! Je dis, moi, que ce fut immérité. Et puis, ces magistrats qui semblent prendre des revanches alors qu’ils sont en train de rendre la justice au nom du peuple français.
Que faut-il retenir de ce livre ? D’abord, les belles pages d’une épouse aimante, souffrant de voir son mari meurtri. Ensuite, le cri du cœur d’un homme qui s’est acquitté de sa dette envers la société et dont les mérites doivent être reconnus. Il a servi la France avec dévouement, même si, jadis, sa raideur lui joua bien des tours. Enfin, un homme qui est à nouveau prêt à servir son pays.
Et qui crie encore son amour à celle qui partage sa vie. Pour parler avec le Faust de Goethe : wer strebend sich bemüht, den werden wir erlösen.