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Jim HOLT, Petite philosophie des blagues et autres facétie

Jim HOLT, Petite philosophie des blagues et autres facéties. Traduit de l’américain par François Laurent. Paris, 2009, collection 10 / 18.

Je vous recommande chaleureusement la lecture de ce sympathique petit ouvrage qui, contrairement aux apparences, est à la fois sérieux et très amusant. Sérieux car il s’agit d’une véritable recherche qui évite, toutefois, le style universitaire pesant et amusant car on y lit des blagues si hilarantes. J’y ai retrouvé tant de blagues juives, connues sous différentes variantes : c’est fou combien une même blague peut réapparaître sous différentes formes.

Le livre, dont mon ami M. François Laurent nous fait l’aubaine dans sa traduction à la fois savoureuse, élégante et sobre, se divise en deux parties de longueurs sensiblement égales : l’histoire et la philosophie.

Parlant (p 49) d’un grand spécialiste du folklore américain, Alan Dundes, Jim Holt écrit qu’il fut le plus assidu collectionneur d’histoires drôles de l’université, le digne héritier du Pogge, de Legman et de Schmulowitz. Je crois qu’avec ces trois noms, tout est dit. Surtout avec le Pogge ! Quel homme ! Pour un proche collaborateur de grands princes de l’Eglise catholique au XVe siècle, quelle carrière et quel sens de l’humour !

Je me suis toujours demandé quelle pouvait bien être l’ethnogenèse des blagues, comment elles naissaient. Un grand connaisseur comme Legman a dit que personne n’avait jamais formulé une blague pour la première fois : mais alors d’où viennent-elles ? Les invente-t-on ou les devons nous à des esprits facétieux, doués pour ce type de narration ? Je ne sais

J’écrivais supra que ce livre est aussi le résultat d’une recherche puisqu’on y cite Kant, Schopenhauer et évidemment Sigmund Freud dont l’ouvrage Le mot d’esprit et sa relation à l’inconscient a fait date. Pourquoi ce besoin de faire des blagues, de rire de certaines situations, de certaines catégories de gens [pour les Français les Belges, pour les Allemands les Ostfriesen (Frisons de l’est)] etc…

Peut-être cherche-t-on simplement à dénoncer l’absurdité de l’existence : tant de choses qui ne vont pas, tant de dysfonctionnements dont nous souffrons et contre lesquels nous ne pouvons rien… Alors, en rire nous défoule et permet d’évacuer les tensions.

Les origines juives du père de la psychanalyse, cette science censée explorer l’inconscient, ne sont pas passées inaperçues dans cet ouvrage. On trouve ici quelques blagues qui ne sont pas nécessairement amusantes et qui, pourtant, font rire par leur finesse et l’esprit affûté qu’elles présupposent. E.g. : un rabbin un peu fou court à travers les rues de son ghetto polonais en criant : j’ai la réponse… Mais qui a donc une question ? Soumise à Ernest Renan, l’auteur d’une belle Histoire d’Israël, le savant aurait pu faire le commentaire suivant : encore le sérieux judaïque, toujours prêt à se couper els cheveux en quatre ! Autre exemple cité dans le livre : j’ai pris un bain… Pourquoi il en manque un ? Au beau milieu de la frontière entre le mal être et le mal vivre… Et il est indéniable que les blagues juives renseignent très valablement sur l’essence du judaïsme et la psychologie de ses adeptes.

Mais la meilleure blague, selon moi, est celle de la grand mère qui voit son petit fils enlevé par une blague et qui prie Dieu de le lui rendre vivant, ce qui fut fait. Et voilà qu’elle s’écrie : mais il avait aussi un chapeau…

Je vous recommande chaleureusement ce livre. Vous ne vous ennuierez pas.

Maurice-Ruben HAYOUN

Tribune de Genève de ce matin (4.11.09) (mrhayoun.blog.tdg.ch)

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