Oui, voilà un mot bien galvaudé, moqué même et pourtant si indispensable. Au début, quand nous étions enfants, dire de quelqu’un qu’il était gentil équivalait à un compliment sincère et bienvenu. Aujourd’hui, dire de quelqu’un qu’il est gentil revient à dire qu’il est naïf, bref que c’est un benêt, pour ne pas dire plus.
Comment en sommes nous arrivés là ? Tout simplement à cause des tensions sans cesse croissantes au sein de nos sociétés mues par l’individualisme et la volonté de réussir à tout prix, coûte que coûte, même si nous devons marcher sur les autres
Je pense à ceux qui ont dit que la gentillesse, c’est de la bienveillance or cette qualité est celle qui est censée avoir guidé le Créateur lors de la genèse de l’univers. Un monde sans bienveillance, sans héséd, sans gratia, ne saurait subsister.
Le philosophe français Emmanuel Lévinas expliquait que mon moi ce sont les autres. Quel altruisme, presque inimaginable aujourd’hui où tout un chacun cherche à préserver son pré carré, au détriment des autres. Mais il y a plus encore : Lévinas a parlé des traits du visage de l’Autre, de notre frère humain, dont le regard doit nous ralentir dans notre joyeuse prise de possession du monde.
Que de regards tristes et impuissants, que de mines déçues et empreintes de regrets et de frustrations chez notre prochain lorsque nos succès l’écrasent ou les siens nous mettent mal à l’aise.
La gentillesse est censée nous aider à surmonter cet individualisme forcené qui voit dans l’Autre un obstacle, un frein, une pierre d’achoppement… Mais hélas, comment faire pour y parvenir. Voyez simplement le monde politique où les candidats feraient tout pour se faire élire ou réélire.
Pourtant, il y a des victoires qui déshonorent ceux qui les remportent et des défaites qui grandissent moralement ceux qui les subissent.