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  • La France et la crise actuelle

    La France et la crise actuelle

    Il ne faut pas confondre alarmisme et vigilance. Mais les derniers développements concernant notamment la mise en examen du président Sarkozy sont nettement inquiétants : des irresponsables ont fait parvenir au juge bordelais et à ses assesseurs un courrier très menaçant, renouant avec des pratiques absolument condamnables et que l’on croyait révolues. Ce n’est hélas pas la première fois dans l’histoire récente de ce pays que des juges, des journalistes, des hommes politiques ou des industriels reçoivent de telles menaces. Raison de plus pour sévir sans faiblesse contre de telles pratiques.

    Mais il ne s’agit là que de la partie visible de l’iceberg, il faut aussi considérer la partie immergée. Et celle-ci est des plus inquiétantes. Il est temps que le président de la République, M. François Hollande, fasse entendre sa voix dans le sens du rassemblement et de l’union nationale. Trop de projets de réforme ont heurté de larges secteurs de l’opinion : le mariage gay, la réforme de l’école, la fiscalité, la laïcité et, dernier mais non moindre, cette maladresse qui a consisté à mettre en examen un homme qui continue de compter aux yeux de l’opinion, laquelle s’est sentie bafouée et méprisée. D’où ce déchainement de violence verbale dont il faut empêcher par tous les moyens la traduction en violente physique..

    Un mot sur la relation entre le corps judicaire et la nation. Depuis l’époque de la Bible jusqu’à nos jours, la justice a été la baromètre des sociétés libres et démocratiques. Aucun état de droit n’est ce qu’il veut être sans justice.  J’écoutais hier la télévision Al-Jaziera parler de l’indépendance des juges en Egypte (hourriyat al-Qada), face au pouvoir du président islamiste Morsi.

    Mais il convient d’exercer la justice et de dire le droit avec beaucoup de finesse et d’intelligence. Les magistrats qu’il faut respecter sont des hommes et des femmes comme les autres, ils ont des opinions, des convictions, des phobies, des attirances, bref ils sont comme tout le monde. Et ils ne supportent pas toujours la critique, surtout quand on leur explique qu’ils ne sont pas seuls au monde, que leurs décisions ont nécessairement un impact sur la société dans son ensemble. Et qu’il serait fatal de ne pas en tenir compte. Nous ne sommes pas pour une justice qui détruit les fondements de la société. Cela vaudrait pour la justice de Dieu et encore, puisqu’on nous parle toujours de sa miséricorde qui œuvre à la mitigation des peines… Faute de quoi, nous dit le Talmud, le monde aurait déjà été maintes fois détruit…

    Si un juge de province ou de Paris met en examen un homme politique de premier plan, notamment pour un chef aussi grave, il faut vraiment être très naïf pour croire que cela ne fera pas de vagues. Certes, il faut le dire, certaines réactions ont été excessives et quelques propos tenus ont dû dépasser la pensée de leurs auteurs. Mais le corporatisme existe aussi chez tout le monde. Il faut respecter les juges car ils incarnent l’institution judiciaire mais devons nous être réduits au silence lorsqu’ils rendent leurs verdicts ? Que dire de toutes ces graves erreurs judiciaires commises ces dix dernières années ? Ou alors faut-il parler de l’infaillibilité judiciaire comme on a jadis parlé d’un dogme de l’Eglise catholique ?

    Il faut vite se ressaisir et retrouver un peu de sang froid. Le rôle du président est de rassembler, il doit être à l’écoute de la nation et sortir par le haut, comme on dit. Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, ce n’est pas de réformer la société car cela peut attendre. Ce qu’il nous faut aujourd’hui, c’est prendre la mesure du changement d’époque : car il ne s’agit pas de crise, les crises sont passagères, or ce que nous vivons depuis des années ne passe pas. C’est un signe.

    Ce dont nous avons besoin –et qui ne tombera pas du Ciel- ce sont l’amélioration de l’emploi et de notre niveau de vie. Le reste est important mais peut attendre.

  • L'attaque du train de Grigny le 16 mars

    L’attaque du train de Grigny le 16 mars 2013

    Ce samedi soir là, une trentaine de jeunes cagoulés et armés de bombes à gaz lacrymogène ont attaqué un train de banlieue ( c’est le cas de la dire, comme dans les attaques de diligences dans les westerns), rudoyant les passagers et les dépouillant de leurs objets de valeur. La nouvelle ne fut connue que quelques jours plus tard afin de ne pas affoler la population mais aussi pour permettre à la police de faire efficacement son travail. Depuis ce matin très tôt, c’est chose faite : les policiers ont investi une cité et ont  arrêté un certain nombre d’individus connus des services de police ou d’autres, identifiés grâce aux caméras et aux systèmes de surveillance.

    Heureusement que les forces de l’ordre ont fini par réagir, on se souvient qu’une histoire assez semblable était intervenue dans un TGV dans les Bouches du Rhône. Certes, les intrus n’avaient pas réussi à pénétrer dans les compartiments des voyageurs mais le train avait été stoppé.…

    L’intégration de ces jeunes venus d’ailleurs et qui n’ont toujours pas trouvé leur place au sein de la communauté nationale suggère une comparaison avec le traitement du chômage : on a tout essayé, en vain ! C’est un peu la même chose : on ne compte plus les politiques de la ville, rien n’y fit. Comment réagir ? Je l’ignore. Sinon en veillant à ne plus laisser entrer dans le territoire national ceux qui n’ont rien à y faire..

    On parle un peu du dernier livre d’un journaliste devenu très connu par ses interventions musclées sur les ondes et ses interventions bruyantes sur la place publique. Le regard qu’il jette sur la situation du pays est inquiétant, voire alarmiste : si cela continue, prophétise-t-il en substance, la France ressemblera à Marseille où les règlements de compte sanglants ne se comptent plus et où des quartiers entiers sont devenus des zones de non)droit… D’autres ajoutent l’Oise, l’Essonne et la Seine Saint-Denis.

    Il faut réagir, sinon les gens iront vers le FN qui a enregistré un très haut score lors de la dernière élection législative partielle dans ces mêmes départements limitrophes de la capitale.

  • La fête de Pessah, la Pâque juive

    La fête de Pessah, la Pâque juive.

    Depuis hier soir, au crépuscule, les juifs du monde entier célèbrent Pessah, la Pâque juive, censée commémorer la sortie d’Egypte. Le terme hébraïque Pessah provient, selon l’étymologie fournie par la Bible elle-même, du verbe PSH qui signifie enjamber, sauter par dessus quelque chose. En l’occurrence, il s’agit ici de Dieu qui épargne en les enjambant les demeures des fils d’Israël lors de son élimination des premiers-nés des  Egyptiens, coupables de retenir son peuple Israël en esclavage. Là-dessus est venue se greffer la tradition de l’agneau pascal dont le sang devait maculer les linteaux des demeures d’Israël en Egypte afin que Dieu puisse épargner les siens. Il s’agit  ici assurément d’une représentation populaire d’un mythe fondateur voulant accréditer la présence protectrice de Dieu dans l’Histoire, et notamment dans celle d’un peuple qu’il s’est choisi et qu’il a élu. Ce sont là les racines de l’élection d’Israël, même si selon les philosophes modernes les plus profonds, Martin Buber et Emmanuel Levinas, la notion d’élection doit être prise dans le sens d’une mission. Non pas «missionarisme» comme le faisait à une certaine époque l’église catholique mais une charge consistant à se faire l’apôtre du Dieu unique auprès du reste de l’humanité.

    Nos frères chrétiens ont changé entièrement la symbolique de cette fête qui renvoie dans la Bible à la sortie d’Egypte, conçue comme le premier événement national du peuple d’Israël en tant que peuple et non plus en tant qu’agrégat de bandes d’anciens esclaves en rupture avec tout le monde. C’est à une personnalité hors du commun qu’incomba la tâche redoutable d’unifier ces hordes rebelles sans foi ni loi mais que Dieu avait choisies pour en faire son peuple : Moïse, fils d’Amram et de Yochébéd.

    Mais voilà, depuis des siècles, la critique biblique a sérieusement remis en question la nature de la mission de Moïse, voire même carrément douté de son existence historique. D’autres comme Ernst Sellin ( 1867-1948) n’ont pas douté mais émis la thèse de l’assassinat de Moïse dans le désert par ce peuple que lui-même qualifiait de peuple à la nuque raide  Au moins deux versets bibliques lui mirent la puce à l’oreille : Moïse lui-même qui se sent menacé et qui dit textuellement au sujet de ses opposants : Encore un peu et ils me lapidaient… (‘od me’at u-sékalouni) et un passage d’Osée, un prophète de le seconde moitié du VIIIe siècle avant Jésus, qui y fait une allusion transparente… Freud s’est, comme chacun sait, emparé de cette idée qui lui a permis de douter l’origine israélite de Moïse et d’en faire le fils illégitime d’une princesse égyptienne laquelle aurait, pour expliquer la naissance de cet enfant issu d’amours inavouables, inventé une nouvelle version : j’ai trouvé cet enfant, abandonné dans une corbeille flottant sur le Nil…

    Yossef Hayyim Yeruschalmi a longuement et talentueusement pointé les faiblesses du raisonnement de Freud dans son ouvrage Le Moïse de Freud dont nous avons longuement rendu compte ici-même dans la Tribune de Genève… Mais l’hypothèse reste séduisante. Toutefois, si elle s’avérait, elle ruinerait les bases de la religion d’Israël, ainsi que celles autres religions monothéistes.

    Mais Moïse, qu’il ait ou non existé, qu’il fût un Israélite ou un prince Egyptien, n’était pas pour autant sorti du creuset de la critique : même ceux qui admettent son existence historique jettent un regard soupçonneux sur la réalité de la théophanie qui lui fut accordée aux pieds du Mont Sinaï. On prête à son beau-père Jéthro, le grand prêtre de Madian, la paternité de la religion d’Israël. Moïse réfugié en pays madianite où il a trouvé une épouse Sepjora, aurait repris la divinité de son beau-père dont la Bible elle-même reconnaît que ce dernier offrit des sacrifices à Dieu et qu’il conseilla à son gendre comment introduire une réforme judiciaire au sein du peuple. C’est dire l’influence que cet homme dont la mont Sinaï faisait partie du territoire a pu exercer sur Moïse, le grand prophète-législateur d’Israël. Cette thèse ou plutôt cette hypothèse s’appelle l’hypothèse kénite et ferait de la religion, voir du Dieu d’Israël un sous produit de la divinité et du culte de Jéthro… Le problème est que ce Dieu là, devenu le Dieu d’Israël, était celui de la tribu kénite, les descendants de Caïn…

    Dans son excellent ouvrage intitulé Moïse (Jérusalem, 1944 ; traduction française aux PUF en 1957, repris en 1986 dans quadrige), Martin Buber tente de s’en prendre à cette hypothèse madiano-kénite selon laquelle le Dieu du Sinaï ne serait plus celui des patriarches au motif qu’il scelle une alliance avec les enfants d’Israël. S’il les connaissait déjà, une alliance ne s’imposait plus… Buber répond qu’il ne faut pas confondre conversion et simple identification. Et qu’un homme qui croit en une divinité, lorsqu’il est témoin d’un prodige ou d’un miracle, en l’admettant en sa créance, a naturellement tendance à l’attribuer au Dieu en lequel il croit. D’où le phénomène de fusion ou d’identification.

    On le voit, les questions soulevées par la Bible sont très nombreuses et le plus souvent insolubles. Pourtant, la foi des croyants a su se frayer un chemin et se maintenir au cours des siècles, voire des millénaires. Or, la foi, la croyance authentique crée, génère son objet.

    Les chrétiens voient dans la Pâque le miracle de la résurrection qu’ils attendaient ardemment tandis que leurs frères juifs conservent le souvenir de la libération du joug de l’esclavage.

    Difficile de rapprocher les deux points de vues en dépit d’un dialogue sincère et d’une amitié retrouvée. Il faudrait qu’un jour l’amour des hommes et la Grâce divine infligent un démenti salvifique à la phrase belle mais assez désabusée de Martin, aucune religion n’est un morceau de paradis tombé sur terre…