Iran: les raisins amers d’une politique extérieure aventureuse
Sans faire preuve d’une immodestie qui ne serait pas de mise ici, il faut bien reconnaître qu’on a été le premier ou parmi les tout premiers à parler des troubles en Iran et de leur lourde signification pour le régime actuel. Mais j’avais omis, par ignorance, le rôle joué par l’importante colonie iranienne des USA qui sont en contact constant avec leurs proches restés au pays. C’est mon ami, Monsieur Xavier MUSCA qui a amicalement attiré mon attention sur ce point crucial… En effet, grâce à ces citoyens US d’origine iranienne, on ne dépend plus d’une information exclusive du régime, qui est nécessairement biaisée.
Pourquoi revenir sur des événements qu’on a déjà traités ? Pour la bonne raison que la contestation prend des formes multiples et que le pouvoir lui-même, atteint dans son cœur, hésite sur les moyens à utiliser pour ramener le calme. La preuve en est les longues journées mises à profit avant que l’autorité suprême de ce pays ne réagisse. Et surtout, après plusieurs décennies d’une chape de plomb, les Iraniens, notamment les femmes, se soulèvent et ne veulent plus vivre sous la contrainte.
Comment accepter que l’on dépense des millions de dollars à Gaza pour le Hamas, au Liban pour le Hezbollah, en Syrie pour Bachar, alors qu’en Iran, les victimes du dernier tremblement de terre (plus de cinq cents morts et des milliers de sans abris) doivent se contenter des miettes que le régime, occupé ailleurs, veut bien leur accorder.
Il faut aussi revenir sur les catégories sociales qui protestent et qui n’ont cure ni d’Israël ni des USA, contrairement aux réactions ridicules des autorités iraniennes : les jeunes diplômés sont sans travail, la monnaie iranienne a énormément perdu de sa valeur, les femmes iraniennes, les moins fortunées, gagent leurs propres bijoux aux monts de piété, la corruption, doublée de la hausse des prix, a fait exploser le consensus iranien, cette vie secrète, cette double vie, qui servait à rassurer le régime tout en ménageant une soupape de sécurité.
Je me suis souvent interrogé sur ces grandes prières du vendredi où un vieillard enturbanné haranguait les foules politiquement au lieu de les édifier religieusement. Cela n’a duré qu’un temps, les gens ont fini par ouvrir les yeux sur la réalité et celle ci ne les fait pas rêver.
L’ancien président Ahmaninedjad porte une lourde responsabilité dans cette affaire ; c’est sous son règne que les sanctions de la communauté internationale ont atteint leur paroxysme. Et avec toute la bonne volonté de l’actuel président, on ne résoudra rien par un coup de baguette magique.
Je voudrais évoquer ici un reportage diffusé il y a au moins dix ans par une grande chaîne de télévision nationale, un samedi soir : le journaliste français interviewait à la fois un sexagénaire et un jeune étudiant. Ce dernier se plaignait ouvertement de l’isolement de son pays, des pénuries, de la mauvaise réputation de son pays, soutien du terrorisme, ect… Savez vous, voulez vous savoir quelle fut la réponse du sexagénaire ? Il répondit ceci : mais tu n’as rien compris, tu ne comprends pas que c’est Israël notre problème majeur, tout le mal vient de la… A quoi l’étudiant répliqua : qu’ai je affaire d’un pays se trouvant à des milliers de km de chez moi ? Ce ne sont pas nos affaires… charité bien ordonnée commence par soi-même. Selon toute vraisemblance, les Mollahs n’ont pas médité ce cas… Ils en récoltent aujourd’hui les fruits amers.
En anglais, un proverbe dit ceci= quand on habite une maison en verre on se garde de jeter la pierre à quelqu’un d’autre. En allemand, on dit : à trop se pencher penché à la fenêtre il a fini par tomber. C’est ce que les Mollahs de Téhéran feraient bien de méditer.
Depuis des lustres, ils menacent les USA et surtout Israël. On se demande pourquoi, eux qui, jusqu’à la révolution islamique, étaient très amis avec Israël qui entraînait même leur armée de l’air.
Personne ne pouvait imaginer que ce régime serait, sous nos yeux ébahis, contesté de l’intérieur. A la face du monde entier, le peuple d’Iran a montré par ses actions qu’il n’était plus à l’unisson avec son gouvernement qui, je le répète, poursuit une politique extérieure bien aventureuse.
Dernier point : un journaliste vedette de la télévision iranienne s’est publiquement interrogé sur ce qui se passe dans son pays et dont il doit rendre compte. Il faut bien comprendre le sens de sa démarche et s’en référer à la culture persanes. Chez eux, l’exégèse remplace le discours de la méthode de Descartes. On leur a appris à faire l’exégèse de tous les textes, au point de leur faire dire le contraire de ce qu’ils disent. Chez eux, tout se lit entre les lignes et les notes infra paginales sont souvent une sorte de matres lectionis. Les Arabes appellent cela Oum al kitab, la mère du livre… En hébreu aussi on dit ém ha-qeri’a.
Alors, quand le journaliste dit : j’ai des questions, cela signifie je vous demande rendre des comptes, ce que le gouvernement fait n’est pas convenable…
Que va t il se passer à présent ? Il n y aura pas d’effondrement immédiat du régime mais le ver est dans le fruit. Ses jours ou ses mois sont comptés, surtout si les troubles persistent et finissent par donner naissance à des guérillas urbaines.
Les noms du président Rouhani et du Guide ont été conspués par des foules considérables. Je ne vois pas comment on pourrait remédier à cette impopularité.
Dans ce contexte, la France devrait rester à l’écart et ne pas se mêler de ce qui va devenir le bourbier iranien.