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  • Sur L'erreur et l'orgueil de Roger Scruton

    Roger Scruton : L’erreur et l’orgueil / Penseurs de la gauche moderne. Editions L’artilleur, 2019

     

    En fait, cet important ouvrage écrit par un auteur qui a eu du mal à imposer ses idées allant à contre-courant du politiquement correct, se résume à une seule question à laquelle il répond de manière très tranchée par la négative : La gauche a t elle l’apanage exclusif de la vie intellectuelle ? Pourquoi toute idée ou personnalité de droite est automatiquement considérée comme un pestiféré ou un déviant condamnable ? D’ailleurs, ce volumineux ouvrage se clôt avec un long chapitre intitulé : Quest-ce que la droite ?

     

    C’est donc à une talentueuse déconstruction de ce système bâtie par la pensée politique de gauche que se livre Roger Scruton qui affirme lui-même, dans les pages introductives de son livre, avoir été la cible d’intimidations et de calomnies de la part de ses adversaires idéologiques. Il évoque même des pressions exercées sur son éditeur afin de torpiller ses propres publications, faute de quoi sa maison d’édition serait ostracisée…

     

    Il est vrai que sur près de cinq cents pages Scruton démolit patiemment et consciencieusement les la plupart des thèses des économistes, des sociologues et des philosophes de la gauche ; il n’épargne personne ni aux USA, ni au Royaume Uni, ni même en Italie et en France où Sartre et Foucault, sans oublier Deleuze , Lacan et Simonne de Beauvoir sont soumis à rude épreuve.

     

    Scruton commence par poser une question : Qu’est ce que la Gauche ? Voici une partie de sa réponse : … «la justice sociale» est un objectif d’une importance si prépondérante, si incontestablement supérieure aux intérêts établis qui vont à son encontre, qu’elle purifie toute action faite en son nom. (p 19). Deux thèmes majeurs sont à l’affiche : l’émancipation et la justice sociale qui ont été bureaucratisées par la gauche qui s’en sert pour séduire ses adeptes et réduire au silence ses adversaires. Et pour y parvenir, la gauche se sert de la novlangue qui organise une sorte de système binaire où la classe ouvrière qui n’a rien d’autre à offrir que sa capacité de travail est opposée à son irréductible ennemi, la bourgeoisie qui dispose du capital et qui affirme son hégémonie sur la société grâce à son contrôle des moyens de production… Elle sait aussi exercer une influence intéressée sur la superstructure en se servant de l’infrastructure. Et cette ruse met à mal la thèse marxiste du matérialisme historique puisque l’esprit, l’intellect agit victorieusement sur les choses qu’il détermine dans un sens qui lui est favorable.

     

    Scruton va reprocher à tous ces intellectuels de gauche qui ont lourdement pesé sur l’idéologie de notre temps, de tout contester, tout remettre en question afin de soumettre le réel à leur idéologie. Il va même jusqu’à citer la célèbre formule de Méphistophélès dans le Faust de Goethe : Je suis l’esprit qui toujours nie… Scruton parle de négativité fondamentale.

     

    Pourtant, on ne peut pas s’élever contre une telle distorsion de la réalité et de la vie, car les crimes commis par la gauche ne sont pas considérés comme tels et on trouve toujours de bonnes raisons de les excuser. Et de citer le cas emblématique de David Irving, le célèbre négationniste de la Shoah. C’est le marxisme qui se livre opportunément à l’invention du passé et qui ne parle jamais d’hommes ou de femmes, mais de forces, de classes et des ismes. La lutte des classes est presque devenue un dogme de la théologie marxiste : l’ouvrier doit voir en son employeur ou patron l’ennemi juré dont les intérêts sont radicalement opposés aux siens ; quant à l’intellectuel, il doit se ranger aux côtés de celui qui est exploité par le capital et marquer sa solidarité avec ses luttes pour démanteler l’économie capitaliste. C’est un douloureux tête à tête entre l’argent, d’une part, et les cerveaux, de l’autre.

    Mais la doxa marxiste semble être restée la même depuis le XIXe siècle livrant l’image d’un entrepreneur impitoyable, obnubilé par son seul profit et soumettant le salarié qui ne peut pas refuser ce qu’on lui impose. Scruton épingle même des sommités comme Galbraith et Dworkin qui ont favorisé en Amérique l’émergence d’un «establishment de gauche belliqueux.». Voici la conclusion de ce chapitre sur les USA et le Royaume Uni : Malgré toute leur ingéniosité, ils ont laissé, là où ils les ont trouvées, les questions intellectuelles véritables, ce qui est tout de même un jugement par trop tranché…

     

    Le chapitre suivant consacré à Sartre et à Foucault n’est guère plus tendre. En page 171, l’auteur rappelle que Sartre avait légitimé en quelque sorte le meurtre des sportifs israéliens à Munich en 1972, ce qui n’avait pas manqué de troubler nombre de ses lecteurs ou adeptes. En 1982, un volume intitulé Le testament de Sartre fut publié, reprenant de tels débordements de l’auteur. Scruton parle d’orgueil lorsque Sartre décida de refuser le Prix Nobel qui lui fut décerné. Mais en dépit de toutes ces critiques, Scruton reconnaît les mérites de ce grand penseur du XXe siècle.

     

    La transition menant vers Michel Foucault était toute trouvée. Scruton le place en tête de la génération suivante : philosophe social et historien des idées qui reprit le flambeau de la rhétorique antibourgeoise de Sartre et en fit un élément fondamental des programmes scolaires, d’abord en France, puis dans le reste du monde, notamment en Amérique. (p 178)

     

    Foucault a marqué aussi son temps par cette question cruciale qui a contribué à lui gagner bien des lecteurs et des adeptes : D’où parles tu ? C’est la phrase qui est à la racine de sa quête des structures secrètes du pouvoir. A ses yeux, un même principe directeur régit les structures de la vie sociale : … Quoi d’étonnant si la prison ressemble aux usines, aux écoles, aux casernes, aux hôpitaux, qui tous ressemblent aux prisons. Derrière toutes ces institutions, Foucault recherche ce noyau de pouvoir caché… (p 193) Mais Scruton n’accepte pas de voir la réalité subordonnée à la pensée. C’est un peu sa ligne directrice dans ce livre intitulé L’erreur et l’orgueil. Foucault subodore dans le moindre acte de nature sociale la marque de la domination bourgeoise.

     

    Les penseurs à la mode outre-Rhin ne sont pas oubliés, notamment Théodore Wiesengrund Adorno et Jürgen Habermas. Adorno tente de comprendre l’utopie par l’art et il critique aussi vertement la culture de masse qui contribue à l’asservissement de l’individu. Cette lutte contre les idoles modernes prend sa source, selon Scruton, dans la Torah qui commande de bannir toutes sortes d’idoles. Mais Scruton précise bien que le philosophe (d’origine juive) ne s’est jamais donné la peine d’étudier les documents révélés du judaïsme.

     

    En ce qui concerne Habermas et quelques autres, abordés un peu plus loin, Scruton dénonce un langage prisonnier d’un jargon dénué de sens. C’est peut-être un peu dur, voire même injuste mais cela arrive souvent : le panorama exploré dans ce chapitre nous a permis d’assister à un remarquable travail d’annihilation (p 269).

     

    Des auteurs à la mode ne comprennent probablement pas eux-mêmes ce qu’ils font lire aux autres… Et ils les enferment dans un concept à usage multiple, la bourgeoisie, qui fait figure d’ennemi social sempiternel.

     

    Le chapitre suivant augure bien de son contenu : Non-sens à Paris : Althusser, Lacan et Deleuze. Pour l’auteur, tous ces intellectuels brillent par une production idéologique en faveur des ouvriers au moment même où cette classe sociale est en train de disparaître. Inutile de revenir sur le rôle majeur et par la suite la fin tragique d’Althusser dont l’idée majeure était que le but ultime de toute entreprise intellectuelle était la révolution.. Scruton a beau jeu de produire certaines citations de tous ces intellectuels de gauche qui ne voulaient absolument rien dire et qui sont même incompréhensibles pour des esprits normalement constitués. Le meilleur exemple nous est livré par Staline en personne, qui, il est vrai, n’était pas vraiment un intellectuel : Les théories de Marx sont vraies parce qu’elles sont exactes… (p 345) Pour dénoncer de telles escroqueries intellectuelles, Scruton parle de machine à non sens.

     

    L’auteur reconnaît que ce travail de dénonciation est très vaste et qu’il ne peut l’entreprendre que dans une mesure très limitée. Tant l’emprise sur les esprits est forte et bien enracinée.

     

    Dans ce livre, l’auteur veut montrer que la gauche a lancé une véritable OPA sur l’esprit des intellectuels occidentaux au point qu’aucun d’entre eux ne pouvait se défaire de cette emprise sans risquer de perdre son statut de philosophe ou de penseur. Cette gauche a pris possession de la culture, excluant quiconque osait contester ses valeurs issues d’une certaine interprétation (biaisée) de l’Histoire.

     

    Dans les dernières pages de l’ouvrage ici présenté, l’auteur résume ce qu’il a développé tout au long de son enquête. Redonnons lui la parole : Nous ne savons rien de l’avenir socliaste, si ce n’est qu’il est à la fois nécessaire et attrayant. Notre préoccupation première est l’argumentation «convaincante» contre le présent, qui nous amène à détruire ce que nous ne pouvons remplacer, par méconnaissance. (p 465).

     

    Scruton n’admet pas la négativité de la gauche intellectuelle mais que devrait faire la droite pour agir contre ce pessimisme de la culture, même si la période historique envisagée n’est pas la même… La réponse est : il faut sauver le langage de la politique, faire barrage à la novlangue. Mais bien au-delà de cela, le cœur du débat est de savoir comment ériger une société sans classes, contrairement au communisme qui prétend libérer la classe ouvrière en l’asservissant au régime du parti unique qui confond allégrement l’Etat et la société civile, bafoue les règles du droit et ne tolère aucun opposition. Mais n’est ce pas une utopie que de vouloir créer une telle société idéale ? Voici une citation de Kenneth Minogue : le ver de la domination réside au cœur de la nature humaine et la conclusion qui s’impose à nous est que toute tentative de renverser la domination… est une tentative de détruire l’humanité. (P 470)

     

    Toute l’histoire de la philosophie politique a consisté à remplacer le prix des chose par la valeur des choses.. Et cet itinéraire passe par la religion, l’art et la culture. Il faut aussi sauvegarder la démocratie représentative et le droit, deux principes que la gauche extrême ne préserve pas dans les démocraties dites populaire.

     

    Comment conclure ? Ce livre nous a beaucoup appris, il se soucie comme d’une guigne du politiquement correct. Il conteste légitimement une sorte de terrorisme intellectuel dont une certaine gauche, pas toute la gauche, s’est fait une spécialité…

     

     

  • Le deal du siècle: peut on régler un conflit par des mesures économiques?

    Le deal du siècle ou le traitement économique du problème palestinien…

     

    J’ignore vraiment si ce type de solution convient absolument au plus vieux conflit de notre monde mais je veux reconnaître au Président Donald Trump l’art de faire monter les enchères et de se faire désirer. On a presque fini par croire qu’il s’agissait de l’arlésienne tant la publication de ce deal du siècle (expression qui met hors de lui l’actuel président palestinien Mahmoud Abbas) se fait attendre et fut maintes fois repoussée au vu de motifs parfois inattendus : les élections législatives en Israël, le jeûne du mois de ramadan chez les musulmans. Mais désormais, dès la fin du jeûne, on devrait découvrir ce que le président Trump et son administration ont concocté…

     

    Mais ce président US et son gendre-conseiller ne perdent pas leur temps puisqu’ils ont organisé des fuites savamment distillées qui entretiennent le suspense.

     

    Les grandes lignes sont connues et si tel est bien le cas, il faut noter un changement total de perspectives : au lieu de se laisser embourber par d’improbables échanges de territoires, de négociations sur le statut des villes les plus contestées (Trump considère que Jérusalem a quitté la table des négociations et reste la capitale de l’Etat d’Israël) et autres, le plan US prend le conflit par un tout autre aspect : l’économie. Cette approche n’a jamais été tentée de manière massive.

     

    Le plan US ne parle pas des enjeux réellement politiques (Etat palestinien, statut des réfugiés, démantèlement des implantations, etc…) il entend modifier en profondeur la vision des choses. Et notamment en mettant au tout premier plan ceci : l’amélioration des conditions matérielles des Palestiniens, tant à Ramallah qu’à Gaza…

     

    Comment donc ? En injectant massivement des milliards de dollars dans les villes palestiniennes et la bande côtière. La deuxième nouveauté du plan US consiste à noyer le conflit entre les Palestiniens et Israël dans une solution régionale, puisqu’aujourd’hui le monde n’est plus ce qu’il était il y a cinq, dix ou quinze ans. C’est l’Iran des Mollahs qui a révolutionné la donne.

     

    Le président Trum, redoutable homme d’affaires qui a fait fortune dans l’immobilier, veut régler à tout prix le problème d’un Iran nucléarisé et que tous ses voisins, proches ou lointains, considèrent comme un danger de premier ordre. Paradoxalement, c’est l’Iran, ennemi juré de l’Etat juif, qui a œuvré à l’amélioration des relations entre l’Etat hébreu et les sunnites modérés. Trump a décidé de quérir l’aide et les moyens des riches Etats du Golfe arabo-persique pour financer généreusement ce plan. Parallèlement, il a décidé de serrer encore plus le carcan des sanctions qui mettent à mal l’économie iranienne, déjà chancelante et gangrénée par les Gardiens de la révolution qui brillent par leur incompétence et leur prévarication… C’est le Guide suprême en personne qui l’a laissé entendre : l’économie du pays va mal, les sanctions lui font mal et on n’a pas trouvé les bons spécialistes pour assainir la situation.

    La question qui se pose désormais est la viabilité et la possibilité d’existence d’un tel plan. Déjà le chef de Ramallah a signifié son rejet de ce plan car il exige un Etat palestinien, digne de ce nom, avec des prérogat ives reconnues par tous, y compris par Israël. Pour l’Etat juif, c’est très difficile d’accéder à une telle demande, et ce pour de multiples raisons qu’il serait fastidieux d’énumérer dans cet éditorial...

     

    Peut on traiter un grave conflit politique par des mesures strictement économiques ? Le Moyen Orient n’est pas l’Europe d’après-guerre, accédant à la paix et à la prospérité grâce au plan Marshall. Mais l’idée de fond est bonne : si les Palestiniens renouent avec un semblant d’économie de paix, avec une bonne agriculture, une bonne pêche, un nouveau système de santé et d’éducation, cela devrait changer leur vision des choses. Personnellement, je crois que cela est possible, mais seulement avec le temps, avec un nouveau leader et une nouvelle approche des choses…

     

    Est ce une utopie ? Je le crains fort. La ligue araben réunie à la demande du leader palestinien Abbas a déjà rejeté le plan, alors qu’il n’est pas encore publié. Je doute que l’Autorité Palestinienne en sache substantiellement plus que nous. Même au plan international, un ambassadeur français qui vient de quitter (bruyamment) ses fonction et craignant de tomber dans un oubli très mérité, a estimé à 1% les chances de vie ou de survie de ce plan. Ce n’est pas très généreux. Ni même simplement diplomatique…

     

    J’ai presque envie de dire ; mais donnez donc une chance à la paix ! Il y a quelques années, le Premier Ministre B. Netanyahou avait proposé un large éventail de discussions portant sur les conditions de vie des Palestiniens ; la proposition ne fut pas acceptée par les pays arabes.

     

    Que faire ? Que va t il se passer ? Un constat s’impose : la cause palestinienne n’est plus du tout au centre des préoccupations de la nation arabo-musulmane, et ce, pour deux raisons :

     

    La première, déjà citée, est l’Iran des Mollahs dont les rêves d’expansion et de domination de l’islam inquiètent grandement ses voisins, l’Arabie Saoudite, en tout premier lieu. La seconde raison est la révolte des populations arabo-musulmanes qui semblent vouloir rééditer le soi disant printemps arabe, en chassant du pouvoir l’Algérien et le Soudanais dans leurs pays respectifs. Et n’oublions pad dans quel état se trouvent la Libye, la Syrie, le Liban, l’Irak et le Yemen. Ajoutez y le danger du nucléaire iranien et vous aurez tout compris.

     

    J’avoue que la philosophie politique des grands penseurs allemands, tels Hegel, initiateurs de la philosophie de l’Histoire, ne suffit plus à penser les crises et les changements qui se succèdent sous nos yeux. Je pense alors aux prédictions des vieux prophètes hébreux qui accordent au facteur divin un rôle de tout premier plan. Souvenez vous des prédictions contre Babylone et ses potentats dont on prédisait la chute : Comment es tu tombé des cieux,toi bel astre du matin (Ekh nafalta hellél ben kokhav)

     

    Inimaginable, il y a seulement un an : Bouteflika renvoyé chez lui et El Béchir derrière les barreaux après un règne sans partage de plus de trois décennies…

     

    Le deal du siècle ou le traitement économique du problème palestinien…

     

    J’ignore vraiment si ce type de solution convient absolument au plus vieux conflit de notre monde mais je veux reconnaître au Président Donald Trump l’art de faire monter les enchères et de se faire désirer. On a presque fini par croire qu’il s’agissait de l’arlésienne tant la publication de ce deal du siècle (expression qui met hors de lui l’actuel président palestinien Mahmoud Abbas) se fait attendre et fut maintes fois repoussée au vu de motifs parfois inattendus : les élections législatives en Israël, le jeûne du mois de ramadan chez les musulmans. Mais désormais, dès la fin du jeûne, on devrait découvrir ce que le président Trump et son administration ont concocté…

     

    Mais ce président US et son gendre-conseiller ne perdent pas leur temps puisqu’ils ont organisé des fuites savamment distillées qui entretiennent le suspense.

     

    Les grandes lignes sont connues et si tel est bien le cas, il faut noter un changement total de perspectives : au lieu de se laisser embourber par d’improbables échanges de territoires, de négociations sur le statut des villes les plus contestées (Trump considère que Jérusalem a quitté la table des négociations et reste la capitale de l’Etat d’Israël) et autres, le plan US prend le conflit par un tout autre aspect : l’économie. Cette approche n’a jamais été tentée de manière massive.

     

    Le plan US ne parle pas des enjeux réellement politiques (Etat palestinien, statut des réfugiés, démantèlement des implantations, etc…) il entend modifier en profondeur la vision des choses. Et notamment en mettant au tout premier plan ceci : l’amélioration des conditions matérielles des Palestiniens, tant à Ramallah qu’à Gaza…

     

    Comment donc ? En injectant massivement des milliards de dollars dans les villes palestiniennes et la bande côtière. La deuxième nouveauté du plan US consiste à noyer le conflit entre les Palestiniens et Israël dans une solution régionale, puisqu’aujourd’hui le monde n’est plus ce qu’il était il y a cinq, dix ou quinze ans. C’est l’Iran des Mollahs qui a révolutionné la donne.

     

    Le président Trum, redoutable homme d’affaires qui a fait fortune dans l’immobilier, veut régler à tout prix le problème d’un Iran nucléarisé et que tous ses voisins, proches ou lointains, considèrent comme un danger de premier ordre. Paradoxalement, c’est l’Iran, ennemi juré de l’Etat juif, qui a œuvré à l’amélioration des relations entre l’Etat hébreu et les sunnites modérés. Trump a décidé de quérir l’aide et les moyens des riches Etats du Golfe arabo-persique pour financer généreusement ce plan. Parallèlement, il a décidé de serrer encore plus le carcan des sanctions qui mettent à mal l’économie iranienne, déjà chancelante et gangrénée par les Gardiens de la révolution qui brillent par leur incompétence et leur prévarication… C’est le Guide suprême en personne qui l’a laissé entendre : l’économie du pays va mal, les sanctions lui font mal et on n’a pas trouvé les bons spécialistes pour assainir la situation.

    La question qui se pose désormais est la viabilité et la possibilité d’existence d’un tel plan. Déjà le chef de Ramallah a signifié son rejet de ce plan car il exige un Etat palestinien, digne de ce nom, avec des prérogat ives reconnues par tous, y compris par Israël. Pour l’Etat juif, c’est très difficile d’accéder à une telle demande, et ce pour de multiples raisons qu’il serait fastidieux d’énumérer dans cet éditorial...

     

    Peut on traiter un grave conflit politique par des mesures strictement économiques ? Le Moyen Orient n’est pas l’Europe d’après-guerre, accédant à la paix et à la prospérité grâce au plan Marshall. Mais l’idée de fond est bonne : si les Palestiniens renouent avec un semblant d’économie de paix, avec une bonne agriculture, une bonne pêche, un nouveau système de santé et d’éducation, cela devrait changer leur vision des choses. Personnellement, je crois que cela est possible, mais seulement avec le temps, avec un nouveau leader et une nouvelle approche des choses…

     

    Est ce une utopie ? Je le crains fort. La ligue araben réunie à la demande du leader palestinien Abbas a déjà rejeté le plan, alors qu’il n’est pas encore publié. Je doute que l’Autorité Palestinienne en sache substantiellement plus que nous. Même au plan international, un ambassadeur français qui vient de quitter (bruyamment) ses fonction et craignant de tomber dans un oubli très mérité, a estimé à 1% les chances de vie ou de survie de ce plan. Ce n’est pas très généreux. Ni même simplement diplomatique…

     

    J’ai presque envie de dire ; mais donnez donc une chance à la paix ! Il y a quelques années, le Premier Ministre B. Netanyahou avait proposé un large éventail de discussions portant sur les conditions de vie des Palestiniens ; la proposition ne fut pas acceptée par les pays arabes.

     

    Que faire ? Que va t il se passer ? Un constat s’impose : la cause palestinienne n’est plus du tout au centre des préoccupations de la nation arabo-musulmane, et ce, pour deux raisons :

     

    La première, déjà citée, est l’Iran des Mollahs dont les rêves d’expansion et de domination de l’islam inquiètent grandement ses voisins, l’Arabie Saoudite, en tout premier lieu. La seconde raison est la révolte des populations arabo-musulmanes qui semblent vouloir rééditer le soi disant printemps arabe, en chassant du pouvoir l’Algérien et le Soudanais dans leurs pays respectifs. Et n’oublions pad dans quel état se trouvent la Libye, la Syrie, le Liban, l’Irak et le Yemen. Ajoutez y le danger du nucléaire iranien et vous aurez tout compris.

     

    J’avoue que la philosophie politique des grands penseurs allemands, tels Hegel, initiateurs de la philosophie de l’Histoire, ne suffit plus à penser les crises et les changements qui se succèdent sous nos yeux. Je pense alors aux prédictions des vieux prophètes hébreux qui accordent au facteur divin un rôle de tout premier plan. Souvenez vous des prédictions contre Babylone et ses potentats dont on prédisait la chute : Comment es tu tombé des cieux,toi bel astre du matin (Ekh nafalta hellél ben kokhav)

     

    Inimaginable, il y a seulement un an : Bouteflika renvoyé chez lui et El Béchir derrière les barreaux après un règne sans partage de plus de trois décennies…

     

    Partant, le plan US peut réserver des surprises. Un de mes amis aime dire qu’on n’est pas à l’abri de bonnes surprises. Parfois seulement, hélas.

    Partant, le plan US peut réserver des surprises. Un de mes amis aime dire qu’on n’est pas à l’abri de bonnes surprises. Parfois seulement, hélas.

  • Les belles laitues qui poussent au coeur du désert du Néguev

    Les belles laitues du désert au cœur du Néguev (‘Alé ha-Bsor)

     

    Dimanche dans la matinée. La veillée de la Pâque juive (Pessah) a eu lieu il y a un peu plus de vingt-quatre heures. Nous nous trouvons toujours dans le Négeuv dans un Moshav nommé Talmé Eliyahou. Il est situé à neuf kilomètres à vol d’oiseau de Gaza. Ses habitants, une soixantaine de familles (soit environ deux cents personnes) ont eu régulièrement à souffrir des tirs de missiles ou d’obus de mortier, tirés depuis la bande côtière ; pourtant aucun habitant n’a vraiment songé à se retirer de ce territoire israélien largement exposé… Et une large majorité des votants a apporté ses suffrages au candidat du Likoud, Benjamin Netanyahou dont on vante les grandes qualités de dirigeant et d’homme d’Etat, contrairement à ses rivaux… Je n’ai entendu personne remettre en question sa stratégie face aux provocations du Hamas.

     

    Nous nous trouvons auprès de Madame Rosine Aboutboul , venue avec ses parents du Maroc à un très jeune âge. Après plusieurs tentatives de s’installer dans les grandes villes du pays, Rosine et son époux vivent dans ce village agricole. Après la disparition de son époux qui a jeté les bases d’une si exploitation, Rosine dirige avec ses fils une véritable usine agricole où sont traitées toutes sortes de laitues, de salades vertes, de sucrines, d’épinards, de céleris et des céleris raves, de choux etc… Et un nombre impressionnant d’herbes aromatiques.

     

    Après le traditionnel café accompagné de gâteaux casher la-Pessah, Rosine nous propose de visiter cette usine où

    s’affairent plus de cinquante ouvriers agricoles thaïlandais . En effet, depuis les troubles récurrents avec les ouvriers palestiniens et afin d’obvier aux risques d’attentat, les autorités israéliennes préfèrent recourir à un personnel thaïlandais pour travailler dans les champs et dans les fermes de la frontière… Cela est déjà un indice sur la situation non seulement de la région du Néguev, mais du pays tout entier : au lieu de compter sur des sentiments d’amitié et de coopération, qui auraient permis à des ouvriers agricoles de la bande côtière voisine de venir travailler dans le pays voisin (moins d’une heure en voiture pour rallier l’usine depuis l’enclave palestinienne) l’Etat hébreu est contraint d’aller chercher de la main d’œuvre à des milliers de km de là… Mais que faire ? Nous sommes au Proche Orient, une région du monde qui défie l’entendement et ne se résout toujours pas à voir où est son intérêt bien compris…

     

    Lorsque nous arrivons sur le site de l’usine, nous découvrons une série de bureaux et de postes de travail occupés par des Thaïlandais. Ici, tout est automatisé et informatisé. Il faut montrer patte blanche avant d’entrer dans l’usine : les mesures de sécurité et de propreté sont très strictes. Je décris le parcours d’une belle salade : une jeune Thaïlandaise, armée d’un grand couteau, découpe ce qui dépasse et laisse tomber sa salade dans une machine d’où elle ressort, quelques mètres plus loin, lavée, pesée, séchée et empaquetée : pour un novice, c’est impressionnant. Des cartons aux normes sont au pied de ces machines magiques où les salades, les épinards et tant d’autres végétaux tombent naturellement. Un engin élévateur charge des dizaines de cartons fermés , les mènent à quelques mètres de là pour les charger sur de grands camions. De là, le cap est mis sur les centrales d’achat des grandes villes pour être vendues dans tous les supermarchés d’Israël. L’appellation contrôlée et le logo sont : Ammit David (Aboutboul), ‘Alé ha-Bsor…

     

    Un philosophe qui visite un tel site agricole, en plein désert dans un pays qui ne lui inspire pas la moindre indifférence, n’a pas les mêmes réactions qu’un ingénieur agronome… Face à cette ruche où chacun se déplace en sachant précisément ce qu’il a à faire, des souvenirs me reviennent à l’esprit : nous sommes dans un Moshav, une sorte de Kibbouts où la propriété privée est prise largement en compte… David Ben Gourion, le fondateur efficient de l’Etat d’Israël y vivait lui aussi et avait donné naissance à un rêve : faire refleurir le désert… Un rêve que des habitants du pays comme la famille Aboutboul contribuent à réaliser.

     

    Quand vous regardez ces végétaux, récoltés le matin même dans les champs voisins avant que le soleil ne darde ses puissants rayons sur les légumes et les hommes, et que parallèlement vous scrutez tout ce qui vous entoure, vous ne voyez rien d’autre que du sable à perte de vue et des serres en activité ou désaffectées.

     

    Je demande à notre généreuse accompagnatrice Rosine comment on fait pour que de tels légumes poussenten plein désert… Au milieu de nulle part. Réponse : il faut beaucoup d’efforts et aussi beaucoup… d’eau.

     

    Avant de rentrer à la maison chez Dinah Cohen pour y déjeuner, je remarque un petit nombre de cartons à part, remplis de salades… Je demande les raisons de cette différentiation et on me répond qu’il s’agit là de livrer des marchandises à des magasins ultra religieux, de harédim qui ne veulent pas acheter et encore moins consommer des salades avec des vers de terre : la consommation d’insectes va l’encontre des interdits alimentaires (cacherout)… Ces établissements envoient sur place des inspecteurs armés de loupes afin de débusquer le moindre insecte. On ne plaisante pas avec ces choses là en Israël. Mais aussi d’un point de vue purement commercial, le départ de la clientèle religieuse serait une perte sèche pour l’exploitation.

     

    Rosine m’explique avant notre séparation qu’elle a bien connu le temps où l’on pouvait faire son marché dans les échoppes de Gaza dont l’économie pourrait être complémentaire de celle d’Israël. Elle-même continue d’avoir des conversations téléphoniques avec d’anciens ouvriers agricoles qui lui demandent parfois des médicaments ou autres…

     

    Ce peuple qui fait refleurir le désert réussira peut être aussi un jour à instaurer une paix juste et durable.