- Macron,« le pays (la France) est rrop négatif sur lui-même…»
Cette petite phrase, la dernière saillie en date de l’actuel président de la République, m’a remis en mémoire une autre petite phrase qui m’avait marqué alors que j’étais un jeune étudiant au début des années soixante-dix. Il s’agit du président Georges Pompidou qui stigmatisait la délectation morose des Français qu’il lui arriva aussi de traiter de professionnels de la rouspétance, en d’autres termes, d’être des râleurs. C’est à la fois vrai et faux. Et en effet, pourquoi donc les citoyens français ordinaires ne sont ils pas conscients de leur bien-être, de la sécurité qui règne dans leur pays (exceptés quelques territoires perdus de la République) et de la redistribution social qui représente un «pognon dingue», pour citer à nouveau qui vous savez…
- Macron,« le pays (la France) est rrop négatif sur lui-même…»
Regardons les choses d’un peu plus près ; quand on s’y soumet , on constate en toute objectivité que le pays n’a jamais voulu prendre conscience de la distance qui le sépare désormais du statut d’une véritable grande puissance… J’ai déjà maintes fois cité cette petite phrase (décidément on n’arrive pas à quitter ce genre littéraire du discours politique) de Henry Kissinger qui eut maintes fois à recadrer les gouvernements français qui se croyaient encore au temps de leur splendeur. La France, disait le secrétaire d’Etat, est une grande puissance de taille moyenne… Tant qu’aucun gouvernement n’aura le courage de l’avouer publiquement au peuple, nous n’en sortirons pas. Personne n’a encore eu le courage de dire que la France vit sur un pied qu’elle ne peut plus assumer, mais ce n’est pas tout. Le Français moyen veut que tout change, sans que cela n’ait de répercussions sur lui et sur sa famille car il entend continuer à faire sa petite cuisine dans son coin, loin des autres.
La puissance française a commencé à décliner dès le lendemain de la grande Guerre. Imperceptiblement mais de manière inéluctable, le pouvoir et l’influence mondial sont passés sous pavillon américain, rattrapé un peu plus tard par l’URSS. La seconde guerre mondiale n’a pas arrangé les choses : en 1945, tout était à refaire, tout était à reconstruire. Les recettes utilisées ont accompli leur effet mais on a continué à vivre là-dessus, comme un champion qui se repose sur ses lauriers au lieu de s’adapter au monde qui vient, aux temps nouveaux. Les trente glorieuses ne pouvaient pas durer indéfiniment ; et si on y ajoute les différents chocs pétroliers survenus à cause des guerres israélo-arabes, on se trouve face à un décor absolument nouveau.
Depuis cette époque, et même avant, aucune rentrée ne s’est faite dans le calme et en douceur. Les Français perdaient toute la sérénité dont ils avaient joui durant la trêve (c’est le cas de la dire) estivale. Il est vrai qu’ayant tout dépensé pendant les vacances ils se retrouvaient à l’automne face à de nombreuses factures et à des augmentations de tout, sauf de leur salaire. Mais on sent bien que la rentrée se veut constamment une période violentes confrontations syndicats / gouvernements ou pire encore salariés / employeurs. Je ne connais pas une seule rentrée qui se soit déroulée dans le calme, sans grèves.
Qu’est ce à dire ? S’agit-il de la manifestation d’une insatisfaction morbide puisqu’elle est là à a chaque rentrée, et pire encore, à chaque tentative de réformes dont le pays a tant besoin ? Je pense que c’est bien plus que cela : les Français sont en décalage par rapport à leur temps. Et les gouvernants continuent de les bercer d’illusions. Voici un exemple frappant et qui se déroule sous nos yeux : la crise profonde que traversent les relations franco-allemandes. On a l’impression que les expressions qui firent jadis florès sont passées de mode : le couple franco-allemand, le moteur franco-allemand… Or, cette affaire est très grave et, sl ce malaise s’étendait à une nouvelle crise de l’Euro, ce serait la fin, notamment pour la France qui reviendrait à son ancienne monnaie, ce qui s’accompagnerait illico presto d’une dévaluation immédiate.
Existe t il des maux spécifiquement français ? Oui, notamment le nombrilisme, le déni, le leurre de soi-même, l’aveuglement concernant la situation intérieure, faute de courage politique et pire que tout ce qui précède, la haine de soi, de son histoire, de son pays, etc… Bref le déni, le refus du réel qui est loin d’être enthousiasmant. Le temps gouvernemental n’est pas le temps médiatique. Aujourd’hui, pourtant, on gouverne en ayant les yeux fixés sur les sondages, émanation vénéneuse de la presse. Il nous faut une presse digne, indépendante mais aussi responsable et non pas des organes soucieux d’enfiler les éditions spéciales.
Repliée sur elle-même, la France a fini par s’isoler, se croyant seule au monde alors que sa taille même lui commandait de s’allier à d’autres..
Le développement des nouvelles techniques de communication a fini par faire sauter tous les verrous protectionnistes ou douaniers : les usines du tiers monde et surtout de la Chine ont détruit des pans entiers de notre économie et les Français, alors qu’on a quitté la monarchie depuis plus de deux siècles, continuent de se tourner vers un monarque républicain qui évoque une sorte de magicien doté d’une baguette magique. Le rédacteur en chef d’un grand quotidien de Genève me disait récemment son étonnement de voir que les plus hautes autorités du pays se sentaient mobilisées dès qu’une usine fermait ses portes ou licenciait son personnel. C’est bien cette culture typiquement française qu’il faudrait réformer.
Pourquoi ne pas dire aux salariés français qu’il faut faire un effort sur la productivité, ralentir la progression des salaires ? Si on le faisait, on mettrait la France entière dans les rues dans d’interminables manifestations. Voyez le cas du défunt Jacques Chirac auquel tous tressent aujourd’hui des couronnes imméritées car il n’a jamais tenté d’imposer son programme de réformes, accumulant ainsi un retard irrattrapable pour les gouvernements qui lui ont succédé.
ON évoque la journée du 5 décembre comme un tournant majeur dans la vie du pays ; en réalité, c’est surtout ce quinquennat qui sera touché. On se demande s’il parviendra à aller à son terme sans accroc majeur . Aujourd’hui encore, alors qu’on est à mi-mandat, certains se demandent pourquoi le peuple a porté à sa tête un jeune trentenaire, jamais élu nulle part et qui, une fois installé, a cru pouvoir tout diriger tout seul. Il a même invoqué Jupiter ; on connaît la suite, surtout un certain mois de décembre lorsque le pays a failli être dévasté et la république chanceler. Les ministres ne savaient plus que faire, par bonheur la police n’a pas fléchi alors que certains émeutiers entendaient entrer à l’Elysée, un Elysée désert puisque le monarque républicain était à l’étranger…
Il existe une inadéquation entre la France profonde et l’actuel président qui fait de son mieux pour paraître proche alors qu’il se voulait si lointain. Après avoir éloigné tous les corps intermédiaires, se croyant seul maître à bord, il revient courtiser ces mêmes édiles préalablement méprisés.
En fait, l’élection de ce président s’est faite par défaut, le peuple ayant décidé de renvoyer chez elles les vieilles élites dont il ne voulait plus. Et Emmanuel Macron cachait si bien sa nature typiquement technocratique et supérieure. On voit les résultats. Mais il y a plus grave.
Aujourd’hui, le pays est rongé par un mal insidieux qu’est la haine de soi, un concept créé par Théodore Lessing en 1930, dans son livre désormais traduit en français ; Der jüdische Selbsthass. Le peuple de ce pays ne s’identifie plus depuis longtemps avec son histoire, parfois il en a même honte On mesure la progression de ce mal incurable en surveillant la progression des partis extrémistes. Et cela entraîne une crise de l’autorité, comme nous l’apprend Alexandre Kojève à une époque plus dramatique de l’histoire nationale.
Que faire, pour en sortir ? C’est tout l’édifice qui est à repenser. Il suffit de voir cette agrégation des mécontents qui se préparent à dire non à Emmanuel Macron en cette journée fatidique du 5 décembre. Quand un malaise devient si contagieux, il faut se méfier de la moindre étincelle. Mais le président n’en a cure. Souvenez vous il s’est laissé aller à ses petites phrases, du genre : la démocratie ne se joue les samedis après-midis…
Il eût mieux valu garder le silence… Au 5 décembre !