Jean-Clément Martin & Julien Peltier (Data designer), Infographie de la Révolution française. Éditions Passés / Composés.
L’infographie, création d’images numériques… Telle est la définition proposée par le dictionnaire…Ce projet bien abouti, de présenter les grands moments de la Révolution française d’une manière presque ludique, a un bel avenir devant lui. Quand on tient ce grand livre entre les mains, on a l’impression de tenir une bande dessinée. On commence par être dépaysé, et en tout état de cause, c’est mon cas. Au lieu de présenter leurs s réflexions et leur interprétation historique de tous ces événements, d’une manière classique, c’est-à-dire en chapitres et en paragraphes, donc de manière un peu ennuyeuse, les auteurs ont voulu, chacun à sa façon, mettre à la portée du lecteur moyen une présentation vivante et intéressante de la Révolution, ses principaux acteurs et ses décisions dont la plus tragique fut l’exécution du monarque, le 21 janvier 1793. Sans oublier les années de la Terreur qui ensanglantèrent l’ensemble du royaume.
Jean-Clément Martin & Julien Peltier (Data designer), Infographie de la Révolution française. Éditions Passés / Composés.
Le roi avait peut-être commis une erreur fatale en s’enfuyant de son palais. Ce geste fut interprété comme une haute trahison, une désertion et un passage, un ralliement à l’ennemi. Le roi se démasquait comme un allié de ceux qui, aux frontières du royaume, menaçaient de l’envahir et de liquider les acquis encore fragiles de la Révolution. Quand on voit les dessins de ce livre avec tous ces cercles en relation intime les uns avec les autres, on réalise d’un coup que la Révolution fut un phénomène qui dépassait largement les dimensions du seul royaume de France. Toutes les maisons royales d’Europe se sentirent menacées, ce qui faisait d’elles des ennemis de la Révolution. Si Paris avait cédé et si la garde nationale avait été débordée par les coalisés, la Révolution n’aurait pas survécu.. Le bouleversement que la Révolution portait en germe, fut une véritable secousse tellurique. Le terme même de Révolution fut exclusivement attribué à ce qui se passait à Paris, depuis la prise de la Bastille.
Aujourd’hui, on ne mesure plus de la même manière, ce que signifiait un régicide pour l’opinion publique. On comprend mieux, en revanche, ce que signifiait la prise de la Bastille car tout un chacun pouvait mesurer la violence et le danger représentés par des lettres de cachet… Tout cela est superbement rendu par cette infographie. On peut trouver le nombre de victimes, tant du côté des assiégés que du côté des assiégeants. Et tous ces massacres ne furent pas l’apanage exclusif de la capitale : partout le sang a coulé. Il n’est pas vraiment étonnant que la Terreur ait suivi une pente naturelle . Après avoir exécuté le roi, plus rien ne s’opposait à la poursuite des bouleversements puisque le régicide, offense suprême à Dieu et aux hommes, avait été commis. L’auteur a raison de parler de point de non-retour,
Le lecteur appréciera la clarté et la sobriété des analyses, notamment en ce qui concerne la marche des femmes de Paris à Versailles. L’exigence de faire comparaitre la reine au balcon pour l’insulter et l’humilier montre que le couple royal n’avait pas vraiment pris la mesure du danger planant au-dessus de sa tête.
L’auteur note dans ses commentaires que la participation des femmes, leur présence dans l’espace politique, vont changer du tout au tout. Après tout, les femmes reconnues comme des citoyennes à part entière étaient fondées, elles aussi, à revendiquer un changement de leur statut. Pourtant, on constate peu après leur disparition de l’espace public. Ont elles été victime d’une subtile opération d’éviction ou furent elles tout simplement sacrifiées sur l’autel du patriarcat ? Dans les deux cas, un tel fait politique ne manquera pas d’avoir des conséquences jusque dans l époque contemporaine.
L’attitude des révolutionnaires à l’ égard de la religion, notamment le culte établie, ne laisse pas d’être intéressante, même si le catholicisme a subi, de sérieux coups de boutoir en raison de son statut de religion dominante. On ne s’attardera pas sur la persécution des prêtres réfractaires, ni sur la laïcisation des biens de l’église. Les protestants vivotent comme ils peuvent, mais les Luthériens, dit-on, sont oubliés. Et les juifs, estimés à environ quarante mille âmes dans tout le royaume sont assez représentés dans l’est du royaume. Ils sont soumis à diverses taxes et subissent aussi, parfois, des brimades antisémites. Je lis aussi que toutes ces communautés ne présentent qu’un seul cahier de doléances. Mais je pense que l’auteur aurait dû étoffer un peu plus sa documentation et puiser de la matière dans d’excellents ouvrages parus sur ce sujet en langue française… On y lit que c’est la Révolution qui a initié l’Émancipation des juifs, une tendance qui sera prolongée par l’empereur, notamment lors de la campagne d’Italie ou en Alsace. Sans oublier l’Abbé Grégoire et Clermont-Tonnerre
Cette infographie couvre la plupart des secteurs de la vie qui sont touchés par la Révolution française. Les questions qui es posent sont les suivantes : la Révolution est-elle allée au bout de sa tâche ? Quid de son legs spirituel et politique ? A-t-elle vraiment servi jusqu’au bout l’idéal qu’elle a voulu servir ? A de véritables experts de cette question de répondre… Pour ma part, je félicite cette maison d’édition pour la qualité des œuvres qu’elle produit.