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Sylvain Gouguenheim,  Les derniers païens. Les Baltes face aux chrétiens XIIe XVIII siècle. Passé / Composé  

Sylvain Gouguenheim,  Les derniers païens. Les Baltes face aux chrétiens XIIe XVIII siècle. Passé / Composé

 

Voici une question peu étudiée et à laquelle le médiéviste lyonnais a décidé de se confronter, avec succès. Les populations de ces petits états baltes sont peu connues. Et on lisant S.G., on comprend vite pourquoi. Ce sont des populations qui n’avaient pas d’écriture, cette carence rendant les fondements de leur culture très friables. Le second point tient à leur situation géopolitique : n’ayant été christianisés que tardivement, ces peuples ont vécu et se sont développés à l’écart, relativement, du reste du continent européen. Enfin, et c’est le facteur le plus important, ce sont leurs vainqueurs, leurs conquérants qui ont porté témoignage et fourni une vision des choses qui ne correspondaient peut-être pas totalement à la réalité. Comme l’explique bien l’auteur, une fois entendu le verdict des armes, celui qui a eu le dessus a tendance à se considérer supérieur au vaincu. Sinon, ce serait lui qui l’aurait

  

Sylvain Gouguenheim,  Les derniers païens. Les Baltes face aux chrétiens XIIe XVIII siècle. Passé / Composé

 

 

 

En plus de ces considérations tenant à des sources écrites tardives, il faut aussi se reporter aux traces archéologiques qui nous renseignent un peu sur les mœurs et les modes de vie de ces peuples. Quand on parle de ces peuples baltes, on pense aussi aux ordres militaires comme les chevaliers Teutoniques qui ont largement œuvré à la christianisation de cette partie de l’Europe.

 

L’œuvre évangélisatrice  des princes, polonais entre autres, ne réussit pas à s’imposer durablement. Les chroniqueurs mettent en lumière la férocité et la bravoure de ces peuples baltes qui ne font semblant de se soumettre que pour gagner du temps. Certaines fois, ils faisaient mine d’accepter d’acquitter le tribut et demandaient qu’on leur laisse la liberté de rendre culte à leurs divinités. Mais lorsqu’ils se sentent assez forts, ile cessent leurs versements et ravagent même les terres du prince avec lequel ils avaient négocié un nouveau modus vivendi… Un prélat note aussi avec perspicacité que l’adhésion des Baltes à la foi chrétienne ne durait pas longtemps, d’autant plus qu’elle avait été acquise par la force… Une fois le danger écarté, on s’en retournait aux anciennes traditions religieuses.

 

Un certain nombre de chroniques renferment des détails angoissants sur les mœurs de ces tribus baltes : ils s’abreuveraient de sang humain, mettraient à mort une grande partie de filles à la naissance, n’en laissant survivre qu’une par famille, ce qui contrevient au commandement biblique (croissez et multipliez vous) ; on dit même qu’ils avaient mis au point un subterfuge pour capturer des chrétiens -évêques compris- en leur faisant croire qu’ils s’appétaient à se convertir… L’évêque Christian fut capturé de cette façon. Mais il convient de faire la part des choses, comme le fait d’ailleurs l’auteur S.G. qui réduit considérablement les chiffres présentés par les notes pontificales. Le pape recommandait d’acheter les filles qui venaient de naître, de les élever chrétiennement afin qu’elles puissent témoigner dans leur propre environnement des valeurs de leur nouvelle religion.

 

Mais au fil des siècles et suivant la succession des batailles, des trêves  et parfois aussi des conventions et des accords, une certaine acculturation a fini par voir le jour et a contribué à l’émergence d’identités plus complexes et donc plus déterminées. Je n’entrerai pas dans les détails mais l’auteur S.G. traite la question de manière détaillée, s’en référant à des ethnoloigues comme Jacques Soustelle… Mais christianisme et paganisme pouvaient-ils s’accorder, voire cohabiter, ne serait-ce que brièvement ? Le christianisme développe toute la palette d’une culture, le rapport au monde, à la vie, à l’invisible, aux morts et même à la vie dans l’au-delà ; il lui est arrivé de s’accommoder de certaines pratiques animistes ou de certaines superstitions en les confinant dans un espace bien délimité, mais il ne peut tolérer des pratiques idolâtres. Le facteur temps a joué un grand rôle dans la christianisation des Baltes, les aidant à mieux adapter leurs approches à leur nouvel environnement.

 

La lente christianisation du quotidien a fini par signer l’arrêt de mort du paganisme. L’auteur montre que les prêtres missionnaires opéraient selon des schémas bien établis : ils commençaient par ruiner les bases du paganisme et des idoles dans leurs prédications missionnaires. Ils mettaient en avant l’échelle des valeurs typiquement chrétiennes, dans un monde plus humain, plus pacifique ; ils ne négligeaient pas la vie dans l’au-delà, selon les capacités d’assimilation de leur auditoire.

 

Ces peuples baltes étaient de vrais païens, c’est-à-dire des gens qui vénéraient les forces de la nature, sans chercher à s’élever au-dessus de toutes croyances ou pratiques primitives. Au fond, le christianisme n’est resté, pendant longtemps, que comme une fine pellicule supérieure incapable de neutraliser des couches plus profondes et plus archaïques. C’est ce qui ressort des excellents développements de cette enquête si adroitement menée. Au fond, on comprend mieux, en lisant la conclusion, le sous-titre mentionnant les païens. Ce livre est très bon et nous éclaire sur les racines les plus anciennes de notre spiritualité européenne. Il est très riche et nous apprend tant de choses.

 

 

 

 

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