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Renaud Piétri,  24 heures de la vie sous Ramsès II. Une journée au fil de l’eau du Nil. PUF, 2023.

Renaud Piétri,  24 heures de la vie sous Ramsès II. Une journée au fil de l’eau du Nil. PUF, 2023.

Renaud Piétri,  24 heures de la vie sous Ramsès II. Une journée au fil de l’eau du Nil. PUF, 2023.

 

L’Égypte ancienne ne cessera pas de  fasciner à la fois les chercheurs, surtout les égyptologues et le grand public cultivé. Depuis le déchiffrement des hiéroglyphes par Champollion, on connait un peu mieux les différentes dynasties qui se sont succédé à la tête de ce beau pays que le fondateur grec de l’historiographie moderne, Hérodote (Ive siècle avant notre ère), nommait «le cadeau du Nil».

 

Mais d’autres traditions, tout aussi anciennes, se sont intéressées à cette civilisation, je pense justement à la tradition judéo-biblique où L’Exode (sortie d’Égypte) occupe une place importante. Pour ce courant historique, cette sortie d’Égypte (une Égypte mythique), constitue le premier événement national d’un peuple d’anciens esclaves...

 

On a tous entendu parler d’un livre intitulé, Ce que la Bible doit à l’Égypte. Certes, c’est une recherche égyptologique qui oscille entre une égyptophilie et une égypto phobie, suivant les besoins idéologiques des rédacteurs bibliques. La critique biblique montre depuis quelques siècles que cette image biblique  de l’Égypte ne correspond  pas à la vérité historique.  Lorsque le livre de la Genèse parle de l’installation temporaire des enfants d’Israël en Égypte, au pays de Gessen, c’est une image positive qui prédomine et qui atteint des sommets avec la vie légendaire de Josèphe, un esclave hébreu devenu vice-roi du pays, grâce à son sens de l’organisation et à son intelligence politique. Mais à partir du livre de l’Exode, tout change, on assiste à un divorce total, irrémédiable, entre le mosaïsme naissant et le royaume des  Deux Terres. Les livres prophétiques persévèrent dans la même direction, le livre d’Ézéchiel, par exemple, stigmatise la figure du pharaon qui se considérait comme une divinité vivante et se voulait le vrai créateur de son fleuve, le Nil (yéor)... Les dix plaies d’Égypte mettent l’accent  sur la transformation des eaux de ce fleuve en sang : c’est frapper cette divinité fluviale au cœur et prouver par la même occasion la supériorité du monothéisme d’Israël.

 

L’auteur de ce petit livre a eu la riche idée de faire, dès son titre, un clin d’œil à Stefan Zweig et à son inoubliable nouvelle, Vingt-quatre heures de la vie d’une femme. Ici on va aller au-devant d’un des plus grands et des plus charismatiques pharaons de ce pays mythique, Ramsès II, qui vécut très vieux et exerça le pouvoir durant près de soixante-dix ans. Vers la fin, miné par l’âge et la maladie, il put compter sur le dévouement et la loyauté de quelques hauts fonctionnaires vivant dans son entourage immédiat. Nous sommes au début du XIIIe siècle avant notre ère...

 

La journée de Ramsès II et de ses plus proches collaborateurs commence par le dépouillement du courrier. Certains messages requièrent des réponses urgentes car le bien-être et la stabilité du royaume en dépendent.

 

L’auteur, Renaud Piétri, réussit à donner cette impression de vivre au cœur même de l’administration du royaume : on nous introduit dans cette mosaïque humaine qu’est l’Égypte pharaonique tant à Thèbes qu’à Assouan ; on assiste à l’extraction de nombreux minerais mais rien ne peut supplanter la valeur des mines d’or... Le vaisseau qui va traverser le pays sur le Nil contient des épices, de la myrrhe et quantité d’autres produits exotiques et appréciés à l’époque. Chemin faisant, on jette un coup d’œil sur le sérieux de l’administration égyptienne, comment on comptabilise les marchandises de la cargaison destinées au palais royal ou à d’autres échelons moins élevés des responsables. Pour faire plus vrai que vrai, on montre un petit singe tenu en laisse par un esclave nubien, qui se veut un cadeau personnel offert au représentant du pharaon, une sorte de Premier ministre. Le haut fonctionnaire se sent très honoré et pense offrir à son tour le petit singe à son épouse qu’il pourra divertir par ses facéties... En somme, une journée bien remplie.

 

Mais il faut se demander par quel truchement, tout ce brassage de populations, cette tour de Babel, réussit à se comprendre et à œuvrer de concert. On apprend alors qu’il existe différents niveaux de langue dont le plus petit dénominateur commun parvient à instaurer une certaine intelligibilité entre les locuteurs. Pour parler comme on le fait aujourd’hui, l’Égypte était un patchwork linguistique., un royaume plurinational.

 

L’Égypte pharaonique a traversé des périodes d’expansion et des périodes de recul, voire de déclin. Ramsès II a su, la plupart du temps, nouer les bonnes alliances et éviter les guerres. Tout en conférant à son royaume le statut de grande puissance régionale, il a su ménager les traditions locales et se concilier les élites des territoires conquis. C’était un puissant facteur de stabilité politique.

 

L’Égypte ancienne prenait la religion très au sérieux, nul ne pouvait gouverner le royaume sans le concours de la caste sacerdotale. Et en grand politique qu’il était, Ramsès II n’a jamais contrevenu à la règle : ménager le parti des prêtres, même lorsqu’il s’était lancé dans une large réforme de la vie religieuse du pays, et surtout dans l’art de ménager les croyances des uns et des autres. Enfin, en plus de son souci d’apparaître comme un dieu, servi en cela par une extraordinaire longévité pour son époque (il est mort à quatre-vingt-neuf ans), Ramsès II fut un grand bâtisseur : il érigea des temples à sa propre gloire mais aussi en l’honneur d’autres divinités égyptiennes ou étrangères, adorées par des populations soumises ou satellites.

 

Il est une notion théologique-philosophique égyptienne, la Maat, que j’avais rencontrée pour la première fois en étudiant les écrits de John van Setters sur le livre de la Genèse. Il s’agit  de la Maat, qu’on pourrait traduire par la garantie d’un fondement éthique de la vie et de l’univers. Or, on sait que les anciens Égyptiens étaient très préoccupés par l’idée d’une vie dans l’au-delà. Et c’est une bonne pratique de la Maat ici-bas qui peut vous garantir une bonne place et un bon accueil dans cet au-delà tant espéré. En hébreu biblique, on pourrait traduire Maat par tsédék ou tsedaka, deux termes très proches connotant l’idée de conduite éthique.

 

La suite est passionnante mais le compte rendu est déjà très long. Et j’aii lu avidement toutes les données sur l’armée et la politique de l’Égypte ancienne ; y compris le triste lot de tous les grands bâtisseurs et les grands législateurs qui laissent derrière eux des héritiers médiocres,  incapables d’aller toujours plus haut et plus loin. Mais au cours de toutes ces pages, l’auteur a fait revivre pour nos, ses lecteurs, l’épopée du grand Ramsès.

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