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  • L'inextricable bourbier syrien et la faiblesse des démocraties occidentales

    L’inextricable bourbier syrien et la faiblesse des democraties occidentales

    Nul ne peut souhaiter la survenue d’une guerre, nul ne peut aimer des bombardements, d’autant que cela pourrait causer des dégâts collatéraux mais nul ne peut supporter de telles reculades permettant à des tyrans sanguinaires de s’abriter derrière de vagues promesses. C’est pourtant ce qui risque d’arriver, suite à une bévue orale du secrétaire d’Etat John Kerry qui a manqué une rare occasion de se taire lorsqu’à Londres, une question lui fut posée, apparemment anodine, et à laquelle il a eu le malheur de répondre… ruinant les efforts désespérés de son président qui cherche à avoir l’aval du Congrès des USA.

     Cette réponse à laquelle personne n’a prêté attention a été saisie par la diplomatie russe, sur mobilisée ces derniers temps et lui a donné l’occasion d’organiser une riposte, d’allumer un contre feu, prolongeant l’impunité des autorités syriennes, pourtant coupables d’un recours interdit aux armes chimiques. Pourtant M. Kerry passait pour un homme intelligent et un diplomate hors pair. Voyez le résultat ! Même le Pr Obama a dû s’aligner et modifier ses plans !

    Si le monde civilisé n’avait pas à faire à des gens déterminés et ne respectant rien, comme par exemple l’Iran et la Corée du Nord, ce ne serait pas grave. Mais là, ces deux pays défiant la légalité internationale, vont se sentir pousser des ailes en relevant que l’hyperpuissance est un simple papillon dont les ailes sont collées à un morceau de papier.

    Ce qui frappe d’autant plus, c’est que le monde occidental s’attache à une simple idée, une parole en l’air, dont la formulation est fort imprécise, et cela sciemment, et qui n’a même pas été formulée officiellement par le principal intéressé, Bachar el Assad. Comment en sommes nous arrivés là ? Pourtant, John Kerry avait lui-même évoqué cet esprit munichois qui ne doit pas ressusciter… On connaît la suite.

    Une chose est particulièrement choquante : on a voulu punir Bachar pour les 1500 tués à l’arme chimique, mais que faire des 100 000 autres victimes de ce régime ? Et que faire de la résistance nationale syrienne ? Ces hommes qui espéraient tant en une intervention occidentale se sentent abandonnés, livrés presque pieds et poings liés au dictateur sanguinaire.

    Le dommage collatéral le plus grave se trouve du côtés des alliés des USA dans le monde qui savent aujourd’hui qu’on assiste à un désengagement tous azimuts des Américains. Pas seulement au Proche et au Moyen Orient  que les USA semblent traîner comme un boulet. Je pense aussi au Japon qui compte sur le parapluie nucléaire US… Je pense aussi aux Palestiniens modérés de Ramallah qui espèrent en l’Amérique. Je pense aussi aux monarchies pétrolières du Golfe, alliées traditionnelles des USA, et je n’oublie pas Israël qui va finir par se décider à intervenir militairement contre les installations nucléaires iraniennes…

    En d’autres termes, si le Pr Obama ne trouve pas un moyen d’intervenir d’une manière ou d’une autre, sa présidence sera gâchée et il aura gravement compromis la force de dissuasion de son pays. La liste de ses impairs est longue, mais la pire des fautes est son indécision, ses doutes, son irrésolution face à des adversaires déterminés et sans scrupules.

    Certes, il faut aimer et poursuivre la paix. La guerre est horrible, mais le peuple syrien la vit au quotidien depuis plus de deux ans et demi.

  • Le Front National, deuxième parti de France?

    Le Front National, deuxième parti de France ?

    Après l’éventuelle intervention militaire en Syrie, c’est le thème qui agite l’opinion publique et occupe une grande place dans l’actualité. Depuis un certain temps, et notamment l’effacement de Jean-Marie Le Pen et son remplacement par sa fille Marine, l’image du FN a incontestablement changé, sa politique aussi et son enracinement dans l’opinion. Les structures traditionnelles des partis existants (UMP, PS) s’évertuent à l’ignorer mais pourtant il faut bien se rendre à l’évidence. Que cela plaise ou, le FN a changé de politique sans changer de ligne. Il s’est ancré dans un certain nombre de classes sociales qui l’ignoraient précédemment. Certes, la crise est passée par là et ses conséquences se font sentir. Il y a aussi les affaires qui éclaboussent régulièrement des ténors ou des seconds couteaux de grands partis.

    Sans même parler du chômage contre lequel tant la droite que la gauche n’ont pas encore trouvé le remède miracle. Que faire ? Pour le moment, le gouvernement français actuel tente de réduire les déficits, d’équilibrer les comptes de la nation mais ses ponctions fiscales s’apparent , au gré de certains, à une politique confiscatoire. Est ce vrai ou faux, à d’autres, plus experts, de juger.

    Mais deux autres thèmes récurrents depuis de nombreuses années, expliquent que le FH ne soit plus un parti protestataire ni un à un mouvement extrémiste : l’immigration, l’insécurité et les menaces pesant, selon certains, sur l’identité nationale. Ce sont ces thèmes qui ont gagné certaines couches des classes moyennes au FN, ce sont ces gens, jadis modérés, qui se retrouvent, dans des banlieues, au contact de populations non encore assimilées ni acquises à la socio culture française.

    Il faut comprendre les gens. Les Français sont un vieux peuple, ouvert et généreux et la France a une longue tradition de pays d’accueil. Le problème est que les citoyens français les plus exposés se sentent moins protégés et ne trouvent que le FN pour défendre leur cause. Ces gens qui ont tendance à déchoir dans l’échelle sociale en raison du chômage et de la crise économique ne trouvent plus dans les partis traditionnels l’aide espérée.

    Enfin, les idées du FN ne sont plus stigmatisées en public car leur validité est apparue aux yeux d’une frange croissante de la population. Vous avez tous vu les sondages plaçant Marine Le Pen en seconde position , avant le PS ( !!) qui a pourtant la majorité partout à l’assemblée et au Sénat et siège à Matignon et à l’Elysée…

    Alors, que faire ? Il semble que les pouvoirs publics prennent graduellement conscience de ce qui se passe. On le voit avec l’excellente charte de la laïcité de Vincent Peillon, on le voit aussi avec la lutte accrue contre les fraudes aux minimae sociaux, et enfin avec le durcissement de l’accueil des immigrés et des demandeurs d’asile. Sera-ce suffisant ? On veut l’espérer.

    Mais il faut se garder de prendre ses désirs pour la réalité. Cette situation actuelle est le résultat d’une longue évolution. Il faudra donc de longs efforts, fermes et soutenus, pour que la France retrouve le chemin de sa grande tradition de générosité et d’accueil. Tout en restant elle-même, c’est-à-dire en préservant l’identité nationale française.

  • Les racines juives de l'Eglise chrétienne

    Les racines juives de l’Eglise chrétienne

    A première vue, on donne l’impression d’enfoncer des portes ouvertes. Mais s’i l’on considère cela au vu de l’actualité la plus proche, on se rend vite compte qu’il n’en est rien. Le pape François qui tranche tant par rapport à son éminent prédécesseur, un grand érudit, un homme à la foi profonde mais de tempérament germanique, a décrété pour hier, samedi, un jour de jeûne et de prière. En agissant de la sorte, il a illustré les voies anciennes du judaïsme antique dans lequel Jésus a vu le jour. Déjà dans la littérature biblique, surtout la partie hébraïque que les chrétiens appellent l’Ancien Testament, on exalte la foi en un Dieu sauveur, accomplissant des prodiges pour sauver son peuple qui obtient la rédemption grâce au jeûne et à la prière. Il y a là, de manière souterraine, une condamnation du recours à la force et une exaltation (un peu mystique, donc irréelle) du pouvoir divin même en notre bas monde.

    Le pape François a donc demandé à ses ouailles, mais aussi bien au-delà, d’user  d’un glaive à double tranchant qui ne fait pas couler la moindre goutte de sang, ne détruit pas la moindre habitation, ne brûle pas la moindre récolte, ne touche pas à un seul cheveu d’un enfant ou d’une femme : à savoir la prière et l’acte de contrition, deux attitudes fort anciennes qui s’enracinent au cœur même de la foi et de la spiritualité juives dont le christianisme est issu.

    Cela peut paraître un peu désuet face à l’intervention armée qui se prépare et qui, selon moi (qu’on me permette de le dire ici) a toute son utilité et son bénéfice : arrêter le bras meurtrier d’un pouvoir syrien tyrannique et ne reculant devant rien. Le pape François a brandi la seule arme dont il dispose, celle de l’oraison, de la supplique et du retour sur soi par le jeûne qui nous aide à transcender, pour un temps, notre condition matérielle.

    Ce qui est encore plus frappant mais qui relève sûrement des hasards du calendrier, c’est que le pape François a décrété ce jour de jeûne, un samedi, et exactement une semaine, jour pour jour, avant  la célébration de Yom kippour, le jour des propitiations ou du grand pardon, au cours duquel les juifs du monde entier, même les plus éloignés de la pratique religieuse, jeûnent, prient et viennent se recueillir dans les synagogues. Il y a là peut-être plus qu’une simple coïncidence.

    Le génie du christianisme, pour parler comme Chateaubriand, est intimement lié à celui du judaïsme, que cela plaise ou non. Maintes tentatives furent faites au cours de l’histoire pour trancher ces racines juives du christianisme. Que ce soit Marcion, le théologien chrétien qui considérait   que l’héritage juif de l’Eglise était un boulet dont il fallait se débarrasser au plus vite ou son lointain continuateur, celui qui l’a le plus étudié en Allemagne, le théologien protestant du début du XXe siècle, Adolphe von Harnack, tous ont voulu faire du christianisme une doctrine qui ne devait rien au judaïsme. Et surtout von Harnack qui, dans son Essence du christianisme (Berlin, 1900) a fait de Jésus une plante poussée dans un terreau dont elle ne se serait jamais nourrie…  La foi rend aveugle, mais la passion aussi, tout autant…

    Par son initiative, le pape François, homme sage et réfléchi, a montré qu’il n’en était rien. Cela ne suffira assurément pas pour faire du judaïsme un Ersatz du christianisme. Dit autrement, judaïsme et christianisme sont des religions différentes l’une de l’autre mais qui ne seront jamais indifférentes l’une à l’autre car l’une a servi de matrice à l’autre…

    Quand j’étais professeur de philosophie médiévale à l’université de Heidelberg, j’étais toujours impressionné par la journée du 21 novembre qui était un jour férié, dédié au recueillement et à la prière, Buß- und Bettag.  C’est une institution de l’église évangélique et mes étudiants me faisaient sourire en disant que c’était un yom kippour qatane, un Grand pardon en miniature. Celui des protestants. Quand je promenais alors dans la zone piétonne, j’observais les gens qui se rendaient dans les églises, un missel à la main…

    Yom Kippour est le jour où culmine la spiritualité juive, une spiritualité qui se veut à la fois nationale et universelle car elle a les yeux fixés sur l’humanité dans son ensemble sans perdre de vue le temple de Jérusalem. Israël prie pour l’humanité en priant pour lui, nous enseigne Hermann Cohen. Ce jour là est le jour de naissance du messianisme éthique autour duquel s’accorderont, selon les vieux prophètes hébreux, toutes les nations. Tel fut le vœu du prophète hébreu du VIIIe siècle, Isaïe.

    Ernest Renan dit dans son Histoire du christianisme que ce vieux prophète avait nettement inspiré Jésus. Il l’a surtout précédé de huit bons siècles. Mais les notions de prière, de purification et de recueillement n’ont pas d’âge car elles sont éternelles.