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  • Iran / Irak: les dessous d'un accord

    Iran / Etats Unis: les dessous d’un accord

    De multiples indices montrent aujourd’hui, que les pourparlers de Lausanne n’étaient qu’un paravent destiné à enfumer l’opinion publique internationale et les alliés des USA, que tout était réglé d’avance secrètement à Oman et ailleurs, et que John Kerry prétendait simplement prolonger sa présence en Suisse pour achever de mystifier les observateurs. Il savait pertinemment que l’accord était déjà paraphé

    Le premier indice qui pointe dans cette direction est l’étonnante modération du président Rouhani, qui est, certes, un théologien, un intellectuel persan rompu à la finesse exégétique et un spécialiste de la rhétorique, même parfois trompeuse, comme il s’en était vanté publiquement il y a plus d’une décennie quand il faisait partie de l’équipe des négociateurs iraniens. Il a donc joué son rôle de bon élève tandis que M. Obama jouait le sien, celui du méchant qui met en garde, menace de futures sanctions en cas d’infidélité à l’accord, etc…

    Hassan Rouhani a hâte de tourner cette page, il l’a dit et répété avec insistance. Certes, la dureté des sanctions économique a étranglé l ‘Iran et mis à terre son économie, plongeant une bonne partie de la population dans des difficultés quasi quotidiennes sans nom. Il faisait allusion à la politique désastreuse de son prédécesseur, mis au placard et dont le jusqu’auboutisme n’a vraiment pas rendu service à son pays. Au mépris de l’évidence, cet homme clamait urbi et orbi que l’Iran n’était nullement gêné par les sanctions alors que la monnaie nationale avait perdu plus de 30% de sa valeur…

    L’autre indice d’un accord secret est l’insistance avec laquelle Washington disait tenir à un accord et à y croire. Si rien n’avait été fait à l’écart de medias et de la presse, comment pouvait on préjuger de l’imminence d’un tel accord ? C’est qu’il avait été obtenu par avance.

    Redoutables négociateurs, les Iraniens sont su exploiter les changements internationaux intervenus dans la zone et qui font de lui, que cela plaise ou non, un allié objectif des USA. Les deux pays combattent les mêmes ennemis en Syrie et en Irak, deux pays satellites dont l’Iran a réussi à faire des protectorats. L’aviation US bombarde des positions de Daesh que les forces terrestres iraniennes investissent par la suite.

    Mais voilà, Téhéran combat les sunnites au Yémen, alors que ces mêmes sunnites sont les alliés des USA qui les soutiennent au plan logistique ! On réalise donc que Téhéran  a toujours plusieurs fers au feu et que la direction iranienne doit compter avec une forte opposition intérieure, regroupée autour du Guide suprême… Les Américains ne vont donc pas tarder à réaliser qu’ils ont conclu un marché de dupes et ont été bernés.

    On ne peut pas tirer ensemble dans la même direction en Syrie et en Irak et se tirer dessus au Yémen. La confiance faite aux Iraniens bute sur ses limites et ses contradictions.

    On ne cessera pas de le répéter : oui, la jeunesse iranienne est bien formée, oui les femmes y ont plus qu’ailleurs des grades universitaires, oui le pays a d’immenses réserves, tout ceci est bien. Mais il y a tout le reste : le régime foncièrement anti-démocratique et anti-républicain, la haine d’Israël et de l’Amérique (ce que Obama fait semblant de ne pas voir, à la fin de la prière de chaque vendredi, où des milliers de gens crient : Mort à l’Amérique !), et les crimes de ce régime qui bafoue ouvertement les libertés.

    En fait, cet accord-mirage ne vise qu’une chose : la levée des sanctions qui, elles, menacent vraiment la survie du régime des Mollahs lequel ne peut tenir qu’en ayant des ennemis contre lesquels il mobilise sa population. Car, qu’avait il à vouloir se doter de l’arme nucléaire ? Tout ce qu’il a réussi à faire, c’est liguer tout le reste du monde contre lui. Et il y a englouti des milliards de dollars qu’il aurait pu dépenser ailleurs.

    Il existe aussi un aspect qui fait des industriels du monde entier des alliés objectifs de l’Iran : c’est l’économie, la volonté d’avoir sa part du gâteau. Cela me fait penser à une phrase très cynique de Lénine, un expert en la matière : vous verrez, les capitalistes finiront par nous vendre même la corde pour les pendre.

    Certes, Hassan Rouhani sait manier la rhétorique en disant que l’Iran n’est pas coincé dans un système binaire entre la soumission et l’affrontement. Il existe, ajoute-t-il, un troisième terme, celui de la paix et de la coopération.

    Mais si tel vraiment le cas, pourquoi continuer à entretenir un rhétorique belliqueuse qui nuit si gravement au développement de son propre pays ?

  • L'accord de Lausanne sur le nucléaire iranien

    L’accord de Lausanne sur le nucléaire iranien.

    Est ce un hasard, une pure coïncidence ? Le fait que les négociateurs internationaux avec l’Iran aient hier soir finalisé un projet d’accord, la veille de la fête de Pessah, qui commémore la sortie d’Egypte et l’installation du peuple d’Israël en Terre promise après une harassante traversée du désert de près de quarante ans, ne laisse pas de paraître quelque peu troublant.

    Je m’interroge sur l’état d’esprit des dirigeants israéliens qui vont célébrer ce soir, comme tous les Juifs du monde entier, la sortie d’Egypte et qui vont réciter les textes de la Haggada, littéralement la narration, le récit. Ils éprouveront une certaine amertume en constatant le cadeau que M. Obama leur a fait, un cadeau que certains trouveront très amer.

    J’ai déjà expliqué dans un autre espace les fondements (si légers) du raisonnement de l’actuel locataire de la Maison Blanche, alors que même M. Fabius, ministre français des affaires étrangères (dont le ministère ne s’est jamais signalé par son attitude pro-israélienne prononcée) a des doutes sur les intentions de l’Iran des Mollahs. Ce président US part du principe que la jeunesse iranienne est essentiellement pro-occidentale, pro-américaine et veut s’ouvrir au monde. On part du principe qu’après tant d’années de privations et d’isolement, le peuple iranien sera séduit par l’ouverture sur le vaste monde et finira, à la longue, par renverser le régime militaire des Pasdarans… Cela prendra du temps, se dit M. Obama, mais cela arrivera. Et quand les Mollahs seront marginalisés, l’Iran ne parlera plus d’éradiquer l’Etat d’Israël… Une sorte de paradis sur terre, au bout de quelques décennies !

    Mais c’est justement ce que les USA appellent par dérision le wishful thinking, en français prendre ses désirs pour la réalité. Comment s’imaginer que les Mollahs iraniens qui ont oublié d’être des idiots se laisseront déposséder de leur pouvoir sans réagir ? Il faut vraiment être un président démocrate pour croire de telles choses ! Un vrai conte de fée.

    Certes, M. Obama qui veut finir son mandat sans trop de difficultés, a appelé le Premier Ministre israélien pour le rassurer, mais ce dernier ne s’est pas laissé anesthésier par les propos lénifiants de son interlocuteur.

    La sortie d’Egypte  est présentée comme un grand miracle. Et il faut attendre le mois de juin pour fixer tous les détails de cet accord.

    Un autre miracle eut lieu 49 jours après la sortie d’Egypte, la remise des tables de la Loi. Qui sait ? Peut-être que se réalisera alors la supplique que le Psalmiste adressa à Dieu : Dessille mes yeux afin que je puisse contempler tes prodiges ?

    Dans moins de deux ans, plus personne ne parlera d’Obama alors que l’Etat d’Israël sera toujours là.

  • Pâque juive et Pâques chrétiennes: de la sortie d'Egypte à la Résurrection

    Pessah et Pâques chrétiennes… De la sortie d’Egypte à la Résurrection A l’approche des célébrations pascales, tant chez les Juifs que chez les Chrétiens, il n’est pas inutile de dire un mot de la divergence d’interprétation de cette fête chez les uns et chez les autres. Le récit vétéro-testamentaire de l’Exode est univoque mais les adeptes de l’Eglise primitive, tout juifs qu’ils étaient, l’ont interprété dans un autre sens, celui de la Résurrection tout en s’appuyant sur des versets prophétiques. Donc en restant dans le cadre juif, quoique non rabbinique. L’Exode, d’une part, tel que le relate la Bible hébraïque, et la Résurrection de Jésus, telle qu’elle se lit dans les Evangiles, d’autre part, sont des événements majeurs de l’Histoire sainte. En termes de sociologie religieuse, on pourrait, avec tout le respecy nécessaire à l’adresse des fidèles des deux religions, parler de «mythes fondateurs» qui gisent à la base même de la foi. Comme le recommandait Ernest Renan dans son Histoire des origines du christianisme, il ne sert à rien de bannir la légende puisqu’elle est la forme que revêt nécessairement la foi de l’humanité. Alors que la fête juive de Pâque, Pessah, renvoie à un épisode biblique unique, la sortie d’Egypte, la tradition juive et la tradition chrétienne en font des lectures très différentes. Chacune voit dans cette célébration pascale un épisode crucial de son vécu religieux.. Résumons brièvement les récits bibliques tels qu’ils se lisent dans le second livre de Moïse qui a d’ailleurs donné son nom à cet Exode d’Egypte: après sa révélation à Abraham, Dieu lui promet une innombrable descendance qui sera réduite à l’esclavage en Egypte mais qui ressortira renforcée de l’épreuve. Aguerris par une épuisante traversée du désert, ces enfants d’Israël hériteront de la Terre promise où ils pourront couler des jours heureux… Cette vision idyllique de l’histoire de l’Israël ancien est conforme à la vocation de la Bible qui n’est pas un livre d’histoire mais défend plutôt une conception théologique du devenir historique. Cela s’appelle une téléologie, du terme grec telos qui renvoie dans le contexte judéo-chrétien à un dessein divin, conçu avant même la création de l’univers. Pour quelles raisons la Providence divine a-t-elle choisi de précipiter les Hébreux dans le creuset égyptien pour les en extraire après quelques siècles de souffrances, on ne le saura jamais. Mais si nous adoptons une approche anthropologique et sociologique, l’explication suivante s’impose à l’esprit: l’Egypte ancienne, bien que dépourvue de toute tradition esclavagiste antérieure, est considérée ici comme la quintessence de l’impureté, une sorte de laminoir impitoyable, un creuset apte à contribuer à la fondation de l’ancien l’Israël ; le moule implacablement sélectif de l’esclavage fera émerger une nation nouvelle qui s’est donnée une langue, forgé une destinée et construit une vision de l’univers. Le cadre de l’histoire sainte est désormais tracé : un peuple, Israël, une foi, le monothéisme, et une patrie, la Terre promise. La pédagogie du livre de l’Exode consiste dans l’émergence d’une conscience nationale chez un peuple d’anciens esclaves, soudés par la souffrance. Aujourd’hui, les historiens s’accordent sur l’existence d’un exode progressif mais ne reprennent pas en tout point les récits bibliques. L’intention fondamentale des rédacteurs bibliques est transparente : faire de l’Exode l’événement national fondamental du peuple d’Israël, sa première apparition sur la scène de l’histoire universelle. En somme, un peuple ayant chèrement acquis sa liberté et qui, désormais, se pose en s’opposant. On voit ici aussi la tension polaire existant entre la mémoire du peuple qui interprète de manière spécifique les événements fondateurs de son histoire, et l’Histoire universelle proprement dite, censée garder trace de ce qui s’est vraiment passé… Nous sommes en présence de la sempiternelle opposition entre la mémoire et l’Histoire. Or ce filtre de la conscience religieuse se confond avec le regard que nous portons sur les faits : il fonde une identité qui forme à son tour une opinion. Marguerite Yourcenar écrivait en substance dans les Mémoires d’Hadrien que le passé est le souvenir que les événements anciens laissent dans notre mémoire. Comme chacun sait, le nom de la fête de Pessah, proviendrait, selon l’étymologie biblique qui est populaire et nons savante, d’un verbe signifiant passer, surmonter, enjamber. Dieu a enjambé les demeures des fils d’Israël afin de leur épargner les plaies qui se sont abattues sur les Egyptiens. Au plan symbolique que je veux privilégier, ce serait donc un ritel de passage d’un état à un autre, de l’esclavage à la liberté, en l’occurrence. D’où la traduction anglaise de Pâque par pass over (Passover). Le texte biblique parle du sacrifice pascal offert à Dieu. La tradition juive a donc mis cette fête du sacrifice en relation avec la sortie d’Egypte, afin de lui fournir un enracinement de premier ordre dans l’histoire d’Israël. On peut discerner derrière ce rite la pratique d’un peuple de pasteurs qui marquent l’avènement du printemps par un grand rassemblement autour d’un repas professionnel, sacralisé par la suite en repas communiel… Dès lors, la tradition juive ultérieure a fait de la sortie d’Egypte l’acte de naissance du peuple d’Israël en tant que tel, un peuple qui brisa les chaînes de l’esclavage, se fraya un chemin vers son Dieu à travers un lieu aussi inhospitalier que le désert et finit par recevoir le Décalogue dont il fit don à l’humanité. Après la Passion, l’Eglise primitive, qui ne comptait alors en son sein que des juifs profondément enracinés dans la tradition ancestrale, revisita son histoire dans laquelle elle projeta son vécu religieux immédiat. Or, ce qu’elle venait de vivre, à savoir la crucifixion, c’est-à-dire un véritable drame, ne pouvait sonner le glas de son espérance : si les sources juives anciennes avaient relié le sacrifice pascal à la sortie d’Egypte eu égard au caractère fondateur de cet événement, les judéo-chrétiens, c’est-à-dire l’Eglise encore juive, pouvait, elle aussi, décider de puiser dans son nouveau terreau un autre événement, tout aussi important aux yeux du judaïsme ancien, la Résurrection. Ces hommes ne pouvaient se résoudre à la disparition de leur rêve. Vu la proximité de la fête de Pâque et la terrible déception qui s’était abattue sur les Apôtres et les disciples, la fête prenait une autre dimension et devenait celle de la Résurrection et Jésus, l’agneau pascal, l’objet même du sacrifice. Ce qui est frappant, ce n’est pas tant la profonde divergence des interprétations d’un même événement ou d’une même solennité par deux traditions devenues différentes, que le fait suivant : les adeptes de l’Eglise naissante ont puisé, encore et toujours, dans le terreau du judaïsme, le leur, celui qui les a toujours nourris, pour procéder à cette substitution. Il existe dans le livre du prophète Osée un passage très expressif qui contient tous les ingrédients de la Résurrection, telle que les Evangiles la conçoivent au sujet de Jésus. Osée (6 ;2) exhorte au retour vers Dieu et s’écrie : «Il nous fera revivre après deux jours ; au troisième jour il nous ressuscitera et nous revivrons devant lui…» Comme la communauté de Jérusalem baignait dans un environnement exclusivement juif et que des hommes tels que Jacques étaient de fins lettrés, est-il concevable que ces juifs profondément religieux aient ignoré un tel verset prophétique ? Or le verset d’Osée commence par évoquer les blessures subies et que Dieu vient justement guérir… Tout ceci montre bien que cette idée de Résurrection a germé dans un terreau juif dont Jésus est le produit ; mais nous voyons aussi ce qui sépare l’histoire de la mémoire : là où les juifs, demeurés fidèles à l’enseignement de la synagogue ne retenaient de la Pâque que la sortie d’Egypte, en somme la fête de la liberté et l’abolition de l’esclavage, d’autres juifs, désireux de renouveler leur religion par l’intermédiaire de Jésus, jugent que sa crucifixion a nécessairement un sens, qu’elle avait été voulue par Dieu afin de rédimer une humanité pécheresse… C’est un total déplacement de sens, un changement absolu de perspective. Dans le sillage de Philo d’Alexandrie, l’exégèse patristique est allée dans la même direction en allégorisant la prescription majeure de la fête pascale : la consommation de pain azyme qu’elle interprète comme une exhortation à la modestie et à l’humilité. Alors que le pain levé, couramment consommé, évoque un cœur humain gonflé d’orgueil. Quant à l’Egypte ancienne transformée en berceau de l’esclavage, Philo d’Alexandrie nous invite à n’y voir que l’allégorie d’un espace dénué de spiritualité et d’amour du prochain. Car, au fond, n’est-ce pas là le véritable enseignement de cette double célébration de la Pâque ? Même un pasteur luthérien comme J. G. Herder relevait que «notre humanité n’est qu’un état transitoire, le bouton d’une fleur qui doit éclore et aboutir à une sorte d’humanité divine…» Tel devrait être l’enseignement éthique de la commémoration de la Pâque, juive et chrétienne : l’abolition de toutes formes d’esclavage, le bannissement de la souffrance et la foi en un avenir meilleur, c’est-à-dire une sorte de résurrection. Herder écrivait aussi que le plus beau rêve de la vie future est que nous jouirons, un jour, dans une humanité fraternelle, du commerce de tous les sages, de tous les justes… Quand on veut préserver son être de l’oubli éternel, on recourt à la résurrection. Et Ernest Renan lui fit écho en expliquant que la résurrection pourrait être entendue comme la poursuite de la vie dans le cœur de ceux qui vous aiment. Mais je voudrais laisser le dernier mot à ce grand philosophe allemand, Franz Rosenzweig, mort en 1929 et auteur de l’Etoile de la rédemption où écrivait en conclusion ceci : Devant Dieu, tous deux, Juif et Chrétien, sont par conséquent des ouvriers travaillant à la même œuvre. Il ne peut se priver d’aucun des deux. Entre eux, il a de tout temps posé une inimitié et néanmoins, il les a liés ensemble dans la réciprocité la plus étroite. Tel est le vrai message de Pessah et de Pâque Maurice-Ruben HAYOUN