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  • Manuel Valls aux Juifs français : vous n’êtes pas seuls ! vous êtes chez vous en France !

     

     

    Manuel Valls aux Juifs français : vous n’êtes pas seuls ! vous êtes chez vous en France !

    C’est un très beau discours que le Premier Ministre français a prononcé il y a quelques minutes devant l’Hyper cacher de Vincennes, à l’endroit même où un fanatique musulman, avait, de sang froid, assassiné quatre personnes qui eurent le malheur de choisir cet instant fatidique pour faire leurs courses en prévision du sabbat.

    Ces quatre personnes ne sont plus jamais rentrées chez elles, en raison de la haine antisémite d’une certaine couche de la population française, pudiquement désignée comme «la jeunesse des cités ou des quartiers»…

    Si je saisis la plume à cette heure avancée du soir, c’est parce que Manuel Valls a dit ce qu’il fallait dire, avec les mots qui s’imposaient. Il a été très sensible aux plaintes et aux angoisses persistantes de citoyens de confession juive qui se sentaient seuls depuis tous ces attentats, affirmaient même clairement qu’on n’aurait jamais honoré les victimes juives des attentats si ces pauvres journalistes de Charlie-Hebdo n’avaient pas été assassinés… Certains allaient jusqu’à exiger une désislamisation de la France, une expression absolument nouvelle ! Les juifs de ce pays ont été entendus par le Premier Ministre.

    Manuels Valls leur a dit, avec toute cette fougue ibérique qui lui fait honneur en ce jour particulier, qu’ils n’étaient plus seuls, qu’ils avaient eu raison de se sentir isolés, que l’opinion, les media et le gouvernement avaient mis un certain temps à se mobiliser, que toutes ces attaques étaient bel et bien des actes antisémites alors que certains membres de ce gouvernement, et non des moindres, avaient donné la nette impression d’en douter… avant de se raviser. Mais le mal était fait et la mémoire douloureuse des gens qui se sentaient visés s’en trouva accablée plus encore.

    Ce soir, et je sais de quoi je parle, Valls a mis du baume au cœur de tous les Français de confession juive ; je suis certain qu’un bon nombre d’entre eux vont changer de regard sur la réalité qui les entoure ; ils se sentent (enfin) épaulés, compris, protégés, pris en compte et non plus rejetés sur les marges… J’ai moi-même dû entendre des plaintes de gens estimant qu’on vivait dans des bunkers en France, que le fait d’être juif les désignait comme une cible. Les enfants ou les jeunes quittaient le pays pour se rendre en Israël , en disant à leurs parents qu’on ne pouvait prier en paix dans ce pays, puisque même les lieux de culte étaient gardés jour et nuit…

    Je puis moi-même porter témoignage : animant une émission de radio bimensuelle, je me rendis, l’année dernière, un sombre soir d’hiver, après les attentats, à la radio qui se trouve près de la place du Panthéon. Arrivé dans cette rue, je me dirige vers la porte cochère quand soudain, je me suis retrouvé nez à nez avec un CRS armé d’un fusil d’assaut, en faction devant l’édifice. Je ne m’y attendais guère… Je rapproche cette expérience de la complainte des jeunes refusant de prier dans un bunker super protégé.

    Je rapproche cela de la peur d’une jeune femme, logée par la mairie de Paris dans une proche banlieue où des voisins arabo-musulmans la traitaient de tous les noms, lui reprochaient les mesures prises par l’Etat d’Israël… Grâce à la bienveillance de certains, j’ai réussi à reloger cette femme seule et ses enfants dans un environnement moins hostile…

    Ce sont toutes ces choses qui ont poussé Manuel Valls à dire aux Juifs qu’il comprenait leur ras le bol, qu’il fallait appeler un chat un chat et non plus fermer pudiquement les yeux en raison de la disproportion du nombre de Juifs et du nombre de musulmans dans le pays…

    Les paroles du Premier Ministre m’ont ému car j’assistai, impuissant, aux demandes d’intervention, aux critiques de coreligionnaires ne comprenant pas ce qu’on faisait ici, et moi qui leur répondais, couvert de honte, que la France est notre pays, et le français notre langue maternelle, ce qui ne nous empêche pas d’aimer ardemment l’Etat d’Israël et d’apprendre l’hébreu, de le parler à Jérusalem ! Ils avaient du mal à suivre ce raisonnement.

    La sincérité du Premier Ministre ne fait pas l’ombre d’un doute ; certes, c’est un homme politique mais cette fois-ci, il a laissé parler son cœur. Un adage talmudique s’énonce comme suit, au sujet de la sincérité : les paroles qui viennent du cœur trouvent toujours l’accès de notre cœur (ha-devarim ha-yotsim min ha-lev nikhnassim el ha-lev)…

    Je suis persuadé que ce soir, par son discours, Valls a fait bouger les lignes. Il a même renversé la vapeur : les citoyens juifs de ce pays se sentiront de nouveau chez eux en France.

    Quelle belle phrase, quelle parole de consolation si sincèrement répétée de discours en discours : sans ses Juifs la France ne serait plus la France. Plus et mieux que toute autre, cette phrase exprime que les Juifs sont partie intégrante de la communauté nationale.

    Et Dieu seul sait combien nous aimons ce pays, combien nous le bénissons au mois une fois par semaine dans notre liturgie synagogale.

    Je ne croyais plus que les hommes politiques avaient un cœur, ce soir le Premier Ministre nous a prouvé, jusqu’à l’enrouement, qu’il en avait un et qu’il n’hésitait pas à le porter en bandoulière. Pour la plus grande joie de tous ses auditeurs.

    Maurice-Ruben HAYOUN in Tribune de Genève du 9 janvier 2016

  • Alexandre SAFRAN, ancien grand rabbin de Genève et sa relation à la kabbale

          En prévision du colloque consacré à l'œuvre et à la personnalité du Grand Rabbin Alexandre SAFRAN, aux universités de Milan et de Lugano,  à la fin de ce mois janvier 2016, je publie cette version abrégée de ma future intervention     à l'intention de nos amis genevois qui l'ont bien connu et tant respecté.                

     

    ALEXANDRE SAFRAN ET SON RAPPORT À LA KABBALE

     

                La réédition en version hébraïque, revue et augmentée, de deux ouvrages majeurs du Grand Rabbin Alexandre SAFRAN, ancien guide spirituel du judaïsme de Roumanie et actuellement, la plus haute autorité religieuse de Genève, constitue un événement extraordinaire, auquel il faut donner le lustre qui convient. Nos lecteurs ont déjà eu la possibilité de lire dans ces colonnes une présentation de la vie et de l’œuvre de ce penseur religieux éclairé, solidement ancré dans la foi biblico-talmudique et ouvert aux apports de la culture en général. Les deux ouvrages présentés ici sont une sorte d’essence du judaïsme, en hébreu Israël we-shorashaw (Israël et ses racines) et une présentation de la kabbale, Huqqat Olam we-razé olam : ha-niglé we-ha-nistar be-hishtalwutam ba-qabbala (La règle et les mystères de l’univers : histoire du sens obvie et du sens ésotérique dans la kabbale).

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  • Que l’ombre de Thanatos quitte enfin notre chère France…

     

     

    Que l’ombre de Thanatos quitte enfin notre chère France…

    Cela devient insupportable, le climat de peine, de désolation et de recueillement plombe toutes nos activités : pas un jour sans l’annonce d’une mort, d’une inculpation de terroristes en Belgique, de découverte d’un appartement conspiratif (sic) ou de traces d’ADN d’un fugitif, d’une commémoration, du dévoilement d’une plaque à la mémoire de victimes du terrorisme. Je me demande comment le président de la République peut supporter tout cela. Et en plus, il y a la commémoration du vingtième anniversaire de la mort de François Mitterrand.

    En quelques mois, ce pays est devenu l’arrière-cour ou plutôt la caisse de résonance des horreurs qui se passent en Syrie et en Irak. Hier, dans les embouteillages du vendredi soir, j’écoutais les confessions d’une femme française convertie à l’islam et qui avait rejoint Daesh… Elle parlait avec dégoût de l’endoctrinement et de l’embrigadement des enfants, passant leur temps à visionner des vidéos de décapitation ou à jouer au foot balle avec… des têtes de soldats syriens ! Comment voulez vous vivre normalement, savourer un délicieux repas, penser à un séjour reposant en Normandie, lorsque les radios diffusent de telles nouvelles…

    En somme, des lieux situés à presque cinq mille km d’ici exercent leur effet nocif et destructeur sur toute la population française.

    On a l’impression que l’ombre de la mort, Thanatos, plane sur le pays. Alors que la période des fêtes ne remonte pas même à deux semaines, il semble que cette atmosphère de deuil se soit emparée du pays, menaçant de ne plus le quitter.

    Dans la mythologie grecque le poète Hésiode nous parle de Thanatos comme de la personnification de la mort. C’est pire que l’épée de Damoclès brandie au-dessus de la tête de chacun d’entre nous puisque nous partageons la condition de tous les mortels. Thanatos a un cœur de fer, des entrailles d’airain et une âme de bronze : tous métaux qui tournent le dos à la tendresse et à l’amour de l’humanité. Aux antipodes de cette pensée grecque, nous trouvons dans la littérature prophétique des paroles de consolation et d’encouragement qui incitent l’homme à favoriser les forces de la vie et à se détourner de la culture de la mort. Les textes parlent de remplacer notre cœur de pierre (lev évén) par un cœur de chair (lev basar) (Ezéchiel 36 ;26). C’est donc l’appel aux forces vives du bien, de la vertu et de la vie.

    Depuis ce terrible mois de novembre 2015, c’est-à-dire il y a moins de deux mois, le pays passe d’un deuil à l’autre, d’une commémoration à l’autre, d’une aggravation des règles pénales à l’autre… Et cette succession, pour ne pas dire cette avalanche, de morts d’hommes célèbres ne contribue pas à assainir l’ambiance ni à favoriser une changement tant souhaité, tant attendu, de situation. On dit bien : un malheur n’arrive jamais seul…

    Je pense en qualité de philosophe que l’avenir n’est écrit nulle part, que l’homme, en proportion de ses moyens, est apte à façonner son avenir. C’est l’affirmation du principe du libre arbitre humain. Ceux qui pensent que Dieu est capable de donner une loi à l’homme tout en lui liant les mains, se trompent et comment une contradiction.. Sans liberté pas de responsabilité.

    Un passage talmudique célèbre stipule : Tout est entre les mains du Ciel, hormis la crainte du Ciel

    Est-il en notre pouvoir d’éloigner de notre pays cette ombre persistante de Thanatos ? Oui, en tout cas nous devons essayer autant de fois qu’il le faudra jusqu’à ce que nous ayons atteint notre objectif.

    C’est vital.

    MRH in Tribune de Genève du 9 janvier 2016.