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  • Jamais nous n’oulblierons ce 7 janvier

    Jamais nous n’oulblierons ce 7 janvier

    Ce jour là, il y a un an tout juste, les forces de la barbarie, du fanatisme, de la bestialité et de la haine religieuse ont lâchement attaqué la France en s’en prenant avec une cruauté absolue à des journalistes qui exerçaient leur métier et diffusaient librement leurs idées, comme il se doit dans une authentique démocratie. Ils furent, il y a un an, tués sur leur lieu de travail par deux petits malfrats, des repris de justice, des délinquants qui furent, deux jours plus tard, criblés de balles par les forces de l’ordre.

    Ce 7 janvier marque hélas la fin de nos années de joie et d’insouciance, désormais la France doit se prémunir contre des gens nés sur son sol et dont elle avait généreusement, et si imprudemment, accueilli les parents.

    Désormais, ce pays doit se barricader de l’extérieur et de l’intérieur. Depuis des semaines on vit sous le régime de l’état d’urgence, ce qui est très bien puisque la sécurité des citoyens passe avant tout le reste. Mais ces attaques terroristes nous imposent des problématiques nouvelles, et notamment ce sempiternel débat sur la déchéance de nationalité. C’est une mesure qui ne réjouit personne, mais qui est nécessaire. Plus tard, j’en suis presque certain, il faudra supprimer le droit du sol. Ce n’est pas moi qui le dit, ce sont des hommes politiques expérimentés. Lesquels citent le cas de Mayotte où des femmes, venues de l’autre rive du fleuve, accouchent du bon côté, celui de la France. Et acquièrent ainsi la précieuse carte d’identité française qui leur donne droit aux minima sociaux, à la sécurité sociale, etc…

    Sous la pression des événements, toutes ces facilités là, toute cette bienveillance, vont disparaître. Et c’est triste car la grandeur d’un pays , sa valeur morale se mesurent à l’aune de sa générosité. La France ne peut plus l’être, et je le répète, on doit le regretter profondément. Il en va de même des naturalisations, symboles d’une grande nation ouverte et sensible aux droits de l’homme : songez que la plupart des tueurs islamistes étaient de nationalité française !!

    Ainsi que je le notais plus haut, cette date anniversaire marque un tournant. Plus rien ne sera comme avant. Rendez vous compte : les plus hautes autorités de la République incitent désormais leurs compatriotes à être prudents, à se montrer vigilants et à collaborer avec les forces de l’ordre. On a l’impression qu’on est en Israël, mais après tout ce sont les mêmes ennemis.

    Nous payons des décennies d’immobilisme, de politique inepte face à l’immigration de toutes sortes, de laxisme judiciaire : voyez la réforme Taubira qui dit que ceux qui sont condamnés à cinq ans de prison ne seront pas nécessairement incarcérés, dans certains cas. Inouï ! C’est généreux, c’est bien, mais est ce réaliste ? Est ce bien là ce qu’attendent nos concitoyens confrontés à l’insécurité et à la précarité ?

    J’ai écouté Manuel Valls hier sur BFM TV, je suis pas resté jusqu’au bout car ce n’était ce que j’attendais, cela manquait de souffle et de vision. L’homme est énergique, vif, très réactif, mais il n’est pas porteur d’un grand projet ni animé d’une vision. Cela dit, avec tout le respect dû à la personne et aux fonctions qu’elle exerce. On a l’impression que le pouvoir est à bout de souffle, qu’il est submergé par les difficultés qui sont de taille, il est vrai. Et il n’est pas du tout certain que l’opposition eût fait mieux.

    Nous vivons, je pense, un début du déclin de l’Europe et de la civilisation judéo-chrétienne qui la sous-tend et irrigue ses valeurs. Si on ne réagit pas au plan spirituel, cette dimension qui fait si cruellement défaut aux politiques qui nous gouvernent, ce sera un désastre. Aucune civilisation ne perdure si ces valeurs morales ont disparu. Et la morale, l’éthique, n’est jamais très loin des valeurs religieuses…

    IL est un mal qui nous ronge, nous gangrène, c’est ce terrible poison de l’âme, poison qui porte le nom de haine de soi. Les ennemis de la démocratie et de la république s’en sont rendu compte ; et j’ai du mal à réprimer un sourire lorsque ces mêmes gens nous rappellent au respect des règles de la laïcité ! Et il ne se trouve personne pour les remettre à leur place. Bientôt ils vont nous dire que la belle tradition de la galette des rois, directement inspirée des Evangiles, contredit à la laïcité… Inouï ! Du jamais vu. Et quand je pense que dans un pays comme la France, fille aînée de l’Eglise (et c’est un philosophe d’origine juive qui parle), Radio-Notre Dame m’a invité à participer à un débat sur la compatibilité ou l’incompatibilité entre la laïcité et les crèches de Noël !!!

    Carl Schmitt , l’auteur de Théologie politique, a expliqué la genèse religieuse du politique. La quasi totalité des idées politiques qui forment l’armature de notre démocratie sont d’anciens théologoumènes sécularisés.

    Je disais plus haut que nous aurions besoin du souffle prophétique d’un Ernest Renan, présent dans ses deux magnifiques discours sur la nation (1882), et après la défaite de 1870, dans la réforme intellectuelle et morale. Renan avait tourné le dos à l’Eglise mais il continuait d’incarner les valeurs éthiques et spirituelles qu’elle lui avait inculquées durant sa jeunesse monacale à Saint-Sulpice et à Issy les Moulineaux.

    Autres temps, autres mœurs ! Je lisais hier la déclaration d’un homme politique, élu à la tête de sa région, et qui disait avec lucidité que les citoyens octroient une dernière chance aux partis politiques traditionnels. Il a raison, mais voilà ces hommes politiques, de droite comme de gauche, ne se réformeront pas. On se souvient du raisonnement Ô combien cynique de François Mitterrand qui réfutait toutes critiques adressées à la classe politique en disant devant la France entière verbatim : Messieurs les Français, les hommes sont comme vous…

    Hélas, tout le mal  vient de là! Si on les a élus, c’est parce qu’on pensait qu’ils étaient meilleurs que nous et qu’ils avaient la capacité de nous gouverner conformément à l’éthique. Je n’ignore pas que d’aucune ricaneront en achevant cette lecture, mais à la longue nous ne ferons pas l’économie d’une réforme éthique.

    Maurice-Ruben HAYOUN in TDG du 7 janvier 2016

  • Quitter l’état d’urgence sans jamais en sortir ?

    Quitter l’état d’urgence sans jamais en sortir ?

    Les propositions du Premier Ministre français visant à muscler considérablement la législation anti-terroriste peuvent se comprendre. Certes, l’actuelle ministre de la justice ne sera pas d’accord, mais il y a de fortes chances pour que le problème soit résolu lors du prochainement remaniement. Il est, par exemple, inconcevable que cette dame porte devant le parlement un projet qu’elle a condamné publiquement depuis le début. Même François Hollande ne pourra pas le permettre, sauf à perdre toute crédibilité aux yeux de la France entière.

    Ayant accès aux meilleures sources concernant les dangers terroristes qui menacent le pays, l’actuel Premier Ministre veut transformer l’état d’urgence en état normal, habituel car il sait que l’arsenal juridique est largement insuffisant. Il tire probablement les leçons des failles juridiques des institutions lors des attentats. Et surtout il a compris qu’un troisième attentat serait fatal au gouvernement et au président de la République.

    Pour ma part, je trouve que Manuel Valls a raison, il est fondé à demander un renforcement de l’arsenal policier : on peut fouiller les voitures et les maisons, on peut perquisitionner même de nuit, les policiers peuvent faire usage de leurs armes sans attendre d’être criblés de balles d’armes de guerre, bref on se passe des autorisations des juges.

    On est conscient des exigences de l’état de droit, mais il faut les aménager quand on sait que les terroristes s’en servent pour semer la mort et la désolation. Je comprends que des esprits chagrins s’élèvent contre de telles mesures, après tout, c’est habituel, ils sont là pour cela, mais pensons au 17 morts de janvier et aux 130 morts de novembre ! Peu me chaut que soient respectées les règles de l’état de droit, ce qui compte pour moi, c’est la préservation des vies françaises, le rétablissement de l’autorité de l’Etat, la fermeture ou la surveillance des frontières et l’expulsion de réfugiés illégaux qui n’ont rien à faire en France. Songez donc à la peine des familles, ayant enterré les leurs quelques semaines avant les fêtes de fin d’année, résonnant pour elles comme des fins de vie : les parents ayant perdu leurs enfants, les enfants devenus orphelins, les hommes, les femmes, les frères, les sœurs… Je ne veux pas de métaphysique du droit, je laisse cela à Kant , morts sans jamais avoir eu d’enfant. Il a expliqué que le droit existerait même sans monde !!!

    Regardez ce qui s’est passé dans la patrie de Kant, à la gare principale de Cologne, le soir de la Saint Sylvestre ! Et déjà on nous dit d’éviter des amalgames alors que la première réaction aurait dû être la compassion pour les femmes allemandes victimes de viol ce soir là…

    Ces jours-ci, on a pu voir ad nauseam les reconstitutions télévisuelles des attaques venues principalement de Belgique ; on a vu comment les terroristes ont su se mouvoir tranquillement dans différents pays grâce à Schengen ! N’est il pas normal que les autorités de chaque pays cherchent à protéger leurs concitoyens ? C’est de cela que s’inspire la démarche de Manuel Valls qui sait que l’évolution de la société française au cours des dernières décennies a favorisé l’émergence d’ennemi intérieur presque insaisissable. Le fait que de vraies scènes de guerre se soient déroulées à Saint-Denis, dans le 93, prouve que des territoires échappent désormais à l’autorité de l’Etat…… Il doit tout faire pour les reconquérir.

    La situation est grave. Certains lecteurs de ce blog auront relevé un durcissement du ton et une focalisation sur certains thèmes comme le fanatisme, le communautarisme, l’immigration incontrôlée, etc… Ma réaction est : comment faire autrement ? Les plus hautes autorités de l’Etat tiennent mordicus à la déchéance de nationalité pour les binationaux, même ceux nés en France. Pourquoi, croyez vous, qu’elles le font même contre vents et marées ? Parce que la gravité de la situation l’exige.

    Comme vous pouvez le remarquer, Schengen est mort et ne ressuscitera plus, la chancelière allemande risque de compromettre sa réélection à cause justement de ses mesures prises en faveur des réfugiés. Je doute, connaissant bien les Allemands, qu’elle soit suivie par ses concitoyens, eux qui aiment avant tout l’ordre et la discipline.

    Manuel Valls a donc raison de proposer de telles mesures. Il faut le soutenir sur ce point.

  • L’Allemagne change ! Risques et défis d’une mutation

     

    L’Allemagne change ! Risques et défis d’une mutation.  Sous la direction de Hans Stark et Nele Katharina Wissman. Presses Universitaires du Septentrion, 2015.

    Il fallait y penser, c’est désormais chose faite ! Un vaste panorama illustrant le long chemin parcouru par la République Fédérale d’Allemagne jusqu’à la réunification qui a déjà vingt-cinq ans. Au cours de toutes ces années, l’Allemagne a suivi sa propre route, cette espèce de Sonderweg qui avait jadis tant fait couler tant d’encre… L’Allemagne d’aujourd’hui, l’Allemagne contemporaine n’est plus ce qu’on nous en disait à nous, jeunes étudiants germanistes des années soixante-dix, à savoir que notre voisine était un géant économique et un nain politique (Wirtschaftsriese und ein politischer Zwerg). Je me souvins même d’un de nos professeurs qui avait risqué la métaphore très suggestive suivante : un colosse aux pieds d’argile (ein Riese mit tönernen Füssen)

    L’Allemagne d’aujourd’hui, en 2016, domine l’Europe sur tant de plans, qu’elle l’admette vraiment ou non ; elle donne le ton sur les dossiers européens les plus épineux. On l’a vu lors de la crise grecque où, pour une fois, le président français a tempéré la réaction allemande, pour la simple raison qu’il avait peur de créer un précédent et qu’il se savait le prochain sur la liste… Donc si il laissait exclure la Grèce, la France en aurait eu des sueurs froides…

    Les éditeurs de ce riche volume ont sollicité des experts dans tous les domaines qui comptent. Faute de compétence, je me limiterai à quelques points très précis, et notamment à l’héritage de l’histoire allemande récente puisque c’est le seul pays qui a changé tant de fois de régimes en un petit siècle : le Reich wilhelmien, la République de Weimar, le IIIe Reich de Hitler, la République fédérale d’Allemagne, la République démocratique allemande (RDA, sowjetische Besatzungszone) et enfin l’Allemagne réunifiée. Sans oublier cette tache presque indélébile qu’est la Shoah qui a conduit les Allemands d’aujourd’hui, absolument innocents des crimes affreux de leurs pères et grands pères, (comme le spécifie le chapitre XVIII du prophète Ezéchiel) à cette nécessité de maitriser son passé : Vergangenheitsbewältigung). Curieuse expression. Mais elle a été créée avec la meilleure intention du monde.

    En feuilletant ce riche volume, je me suis rendu compte du caractère asymétrique des problèmes de la France et de l’Allemagne, ce qui complique nettement leur entente et leur action harmonieuse. Le problème le plus grave de nos voisins et amis allemands est la chute vertigineuse de la natalité, c’est un problème démographique qui pourrait menacer la prospérité du pays et ruiner les retraites d’une population vieillissante. Ce qui explique l’attitude assez inconsidérée et préjudiciable pour l’avenir, selon moi, de la chancelière dans l’affaire des réfugiés. Selon les experts dont je ne suis pas, il manquera à notre voisin entre 6 et 7 millions de bras dans les prochaines années… cet afflux de réfugiés, vrais ou faux , voire même terroristes infiltrés, fut une véritable aubaine, une manne. J’espère simplement que les problèmes ne viendront pas avec la deuxième ou la troisième génération : l’avenir , que je souhaite, radieux, nous le dira.

    La France ne connaît pas ce genre de problème, vu que sa natalité est bonne, et surtout elle abrite un parti, le Front National, qui considère l’immigration et l’accueil de réfugiés comme une faute grave. D’un côté on accueille un million de migrants et de l’autre on en accepte 30.000 du bout des lèvres.

    Mais il existe aussi un certain nombre de points sur lesquels l’Etat allemand n’a pas encore apporté de réponses : par exemple, l’existence d’une véritable armée européenne, la fondation d’une véritable politique étrangère européenne et enfin un engagement plus substantiel du voisin d’outre-Rhin dans les opérations extérieures comme au Mali, en Centrafrique, en Irak et en Syrie. Certes, la chancelière a accordé un soutien logistique mais cela reste notoirement insuffisant.

    La politique industrielle allemande, la prise en considération du changement climatique et la révolution numérique sont bien orientées de l’autre côté du Rhin, bien mieux que de ce côté-ci.

    Restent les mutations sociales, l’évolution des mœurs et la disparition progressive de l’homogénéité de la société allemande. Et j’en viens à l’article qui m’a profondément irrité et qui porte sur les religions non chrétiennes au sein du territoire, l’islam et le judaïsme.

    Pourquoi traiter ensemble dans un même chapitre ces deux religions dont l’histoire des relations avec l’Etat allemand est si spécifique, si unique, si ancienne ? Et donc essentiellement distinctes ? L’article est riche, solidement documentée, très fondée (comme on dit en allemand : sehr fundiert) mais perd beaucoup de son intérêt en intégrant artificiellement dans un binôme ce qui n’aurait jamais dû être traité ensemble. L’auteur, mécaniquement, passe de l’une à l’autre religion sans que les disparités criantes entre les deux, ne lui saute aux yeux. Pas une seule fois.

    Les Juifs sont en Allemagne depuis les origines, ils ont participé même à la fondation de villes, leurs communautés rhénanes furent décimées par les croisades, il y eut ensuite le Siècle des Lumières avec Mendelssohn, la science du judaïsme, la naissance du judaïsme libéral, la naissance des plus grands philosophes judéo-allemands comme Rosenzweig et Buber : où étaient donc nos bons petits Turcs à toutes ces époques ? Dans le plateau anatolien alors que la population juive vivait dans les villas de Dahlem Dorf et de Grunewald… Il y a tout de même une petite différence. Si je voulais être sévère, je dirais qu’il est dommage que Heinrich Heine, l’auteur de la Lorelei, ne puisse pas lire cet article, je me demande quelle eût été sa réaction…

    Je ne veux pas justifier du reproche de l’arrogance ou de la supériorité intellectuelle juives, mais tout de même ! Même la reconstitution de la communauté juive est asymétrique par rapport à l’émergence des communautés turco-musulmanes. Où avez vu un seul Juif considéré comme Gastarbeiter ? Et je laisse de côté l’effarante disparité des chiffres : environ cent mille face à plus de quatre millions !!

    Mis à part cette réserve ponctuelle, le livre instruira tous ses lecteurs sur ce qui se passe chez notre voisin et allié. On peut aller d’un article à l’autre, selon les intérêts portés au penser et sentir allemands.

    Maurice-Ruben HAYOUN in Tribune de Genève du 6 janvier 2016