De l’idée juive du sens: La trilogie herméneutique de la Tora orale VII
Aggada, Halakha et Midrash
On doit rappeler par une simple phrase ce qu’on notait au tout début de cet ouvrage sur la Tora orale dans ses relations dialectiques avec une création nouvelle : des genres littéraires qui, tout en ayant de lointaines racines dans le corpus biblique, n’avaient pas encore atteint ce degré de maturité et de développement, comme on va le voir au cours des siècles à venir. Ces trois genres littéraires et exégétiques ne sont pas sans rapport les uns avec les autres, même si, vus de plus près, chacun obéit à des règles un peu différentes.
Il est donc assez difficile de définir avec exactitude le sens de ces trois termes hébraïques qui entretiennent entre eux des relations étroites tout en demeurant des entités séparées. Même notre adaptation française de l’Introduction au talmud et au midrash ( Strack-Stemberger-Hayoun, Paris, Cerf, pp 58-71 et pp 274-281) n’a pu rendre compte de manière suffisamment claire des différentes approches de ce sujet. Dans ces quelques pages, on tentera de résumer l’essentiel et de signaler succinctement les travaux les plus récents sur ces questions.
En hébreu comme en araméen, le terme aggada est un substantif issu de la racine verbale le-haggid, relater, raconter , faire le récit de quelque chose. J’avoue ne pas trouver la traduction française qui ne recouvre pas aussi, d’une façon ou d’une autre, le champ sémantique des deux autres termes. Pouvons nous dire qu’il s’agit d’homélies rabbiniques ou talmudiques (aggada, pluriel aggadot) des parties narratives dans les sections exégétiques, ou encore des récits paraboliques qui commencent généralement par les termes suivants : (ma’ssé be… Il est arrivé un jour que…). Ce qui, en revanche, ne fait pas l’ombre d’un doute, c’est l’endroit où passe la frontière entre l’aggada d’une part, et la halakha, d’autre part.
C’est peut-être en évoquant le trait discriminant entre ces notions que nous renseignerons au mieux sur leur spécificité Les talmudistes offrent en deux passages différents deux vues sur le ba’al aggada, l’homme de l’aggada. Ils disent ; Si tu veux connaître Celui qui a dit que le monde soit et le monde fut, alors apprends l’aggada … D’autres docteurs des Ecritures disent aussi : Le ba’al aggada ne peut ni lier ni délier, il ne saurait dire d’une chose qu’elle est pure ou impure… Ces deux dits rabbiniques semblent bien définir l’espace imparti à l’aggada : elle fait partie intégrante de l’homélie traditionnelle, elle joue même un rôle central dans la connaissance du Saint béni soit il, mais elle ne saurait intervenir dans la jurisprudence. En termes de halakha, la règle normative juive, elle est inopérante. Soulignons, malgré tout, que l’aggada sert parfois de toile de fond à des données rigoureusement halakhiques. On en revient toujours à cette fameuse unité organique et non systématique.
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