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  • La place du kadddish dans la spiritualité d’Israël                           Le rôle joué par rabbi AKiba

     

     

                        La place du kadddish dans la spiritualité d’Israël

                              Le rôle joué par rabbi AKiba

     

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  • Freud, Maimonide et Yossef Hayim. Yerushalmi :                        Autour des origines de Moïse

     

     

     

                   Freud, Maimonide et Yossef Hayim. Yerushalmi :

                           Autour des origines de Moïse

    La lecture, année après année, des péricopes bibliques dans le culte synagogal a incontestablement du bon ! Cela permet d’émettre des idées nouvelles, de faire des rapprochements impensés auparavant, bref de faire grandir le texte de la Tora après chaque passage. Tant les chrétiens que les juifs ont signalé ce fait ; on parle de le-hagdil u le ha’adire (grandir et magnifier la Tora) tandis que Grégoire le Grand disait que l’Ecriture grandit avec ses lecteurs…

    Quand on passe du livre de la Genèse avec son prologue patriarcal, au livre suivant du Pentateuque, l’Exode, on observe un changement total de perspective mais aussi la présence continue d’un thème fondateur : l’Egypte avec ses croyances, son idéologie et sa spiritualité. Mais la présence des Hébreux va être sèchement terminée par un gigantesque exode que les premiers versets du livre éponyme expédient en peu de versets dont je résume le contenu en substance. On récite les noms des chefs de tribus, on signale qu’au total les enfants d’Israël n’étaient que soixante-dix mais qu’après quelques siècles ils s’étaient considérablement renforcés au point de susciter la crainte et la jalousie de certaines autorités égyptiennes. Et soudain, le texte biblique nous assène sans crier gare, ce terrible verset, qui se veut, à lui seul, la condensation de bien des crises, des changements de dynasties, bref un total changement, une véritable révolution touchant le statut des enfants d’Israël au bord du Nil : Un nouveau roi monta sur le trône d’Egypte et qui ne connaissait pas Joseph…

    Le me demande s’il ne faut pas traduire reconnaissait pas au lieu de ne connaissait pas. Les archives existent dans tout régime monarchique mais si on refuse de les lire, on en conclut alors qu’elles n’existent point.

    Dans ces versets introductifs on évoque aussi le mariage des parents de Moïse et sa naissance et, plus tard, son sauvetage miraculeux Tout un chacun a entendu parler ou même lu le livre de Sigmund Freud, L’homme Moïse et le monothéisme, qui apporte une touche finale à l’œuvre du fondateur de la psychanalyse Dans cet ouvrage, censé couronné l’œuvre de toute une vie, Freud, ainsi qu’il l’avouera dans l’introduction de la version hébraïque de Totem et tabou, eut des scrupules à priver tout un peuple (le sien propre) de son héros-fondateur, Moïse, en en faisant un fils illégitime d’une princesse égyptienne. Cette dernière se serait commise avec un homme roturier, qui n’était pas de son rang, et, devenue enceinte de ses œuvres, aurait échafaudé toute cette histoire pour aux sanctions et au déshonneur… Cela change tout.

    Mais, comme on va le voir dans ce qui suit, un éminent historien judéo-américain, à la fois fidèle à la tradition et connu pour son érudiction, a répondu à Freud dans une sorte de dialogue imaginaire qui ébranle les données accumulées par Freud dans son ouvrage sur Moïse

    Yosef Hayim Yerushalmi (1932-2009) est un grand historien américain du judaïsme dont quelques travaux, particulièrement marquants en raison de leur esprit pénétrant et de leur finesse d’analyse, furent traduits en français : Isaac Cardozo, de la cour d’Espagne au ghetto d’Italie (Fayard, 1977) et Zakhor. Histoire juive et mémoire juive. (La découverte, 1984 ). Nous parlerons ici d’un autre ouvrage, repris en français dans la collection Tel, Le Moïse de Freud. Judaïsme terminable et interminable. Dans cet ouvrage, à la fois érudit et très abordable, mené de main de maître, l’auteur se livre à une lecture quasi talmudique de cette œuvre freudienne qui a tenu les chercheurs en haleine durant de longues années, tant son arrière-plan personnel est difficile à déchiffrer. Pour mener à bien cette entreprise, le grand historien judéo-américain s’est joint à une équipe de psychanalystes confirmés avec lesquels il a pu se livrer à une approche sérieuse des écrits du père de la psychanalyse.

    La première question qu’il se pose est la suivante : mais pour quelle raison, Freud a-t-il décidé d’écrire ce livre intitulé L’homme Moïse et le monothéisme, peu d’années avant sa disparition, alors que toute son œuvre pouvait être considérée comme achevée ? Et pourtant, cette dernière pierre apportée à un édifice déjà complet revêtait aux yeux de son auteur une importance cruciale puisqu’elle était censée lui permettre de mettre de l’ordre dans ses relations complexes avec son identité juive : j’aimerais mieux utiliser une autre expression, allemande, celle-là, difficilement transposable en français, sein Judesein, sont être-juif. Voici un homme dont toute la lignée paternelle –et même maternelle- plongeait ses racines dans le judaïsme d’Europe de l’est, avec son orthodoxie sourcilleuse, sa foi naïve et son attachement aux pratiques rituelles juives, et qui n’eut jamais une relation apaisée avec sa religion de naissance. En somme, tous les ingrédients étaient réunis pour permettre une telle éclosion, et pourtant les relations furent hautement conflictuelles entre son identité juive et la culture européenne dont le jeune médecin se voudra le tenant et l’héritier à l’exclusion (ou presque) de toute autre.

    Yerushlami nous rappelle que ce livre sur l’homme Moïse et le monothéisme a suscité des réactions passionnelles, certains auteurs en acceptant les idées sans réserve aucune, tandis que d’autres y voyant une attaque inacceptable dont le but avoué était de saper les fondements mêmes de la religion juive. Assez subtilement, Yerushalmi y voit «en son fond, un livre résolument juif.» Et même s‘il propose de faire une lecture psychanalytique de ce document sur la vie intérieure, consciente et inconsciente de Freud, il marque aussi les limites d’une telle méthode. Ce sont des réflexions que l’auteur a laissé mûrir au fond de lui-même durant toute une vie. En effet, puisqu’il craignait par dessus tout que l’on confondît la psychanalyse avec une «cause nationale juive», il aurait pu s’atteler à ce travail sur Moïse dès les origines. Or, il a mis des décennies à réfléchir sur ces mêmes origines, en sa qualité d’héritier de cette culture allemande qui veut toujours explorer les fondements (gründlich, ursprünglich)[1] et aller au fond des choses. Et pour être au clair avec le judaïsme (ins Klare zu kommen), Freud a bien vu que toute cette affaire (le judaïsme avec ces tracas et ces souffrances) commençait avec Moïse. L’anecdote relatée par Yerushalmi au commencement de son livre est très éclairante : à la question de son maître, un élève d’une école juive répond que Moïse était le fils d’une princesse égyptienne et non d’une mère juive. Et quand son maître le reprend en disant que ce n’est pas la vérité, il ajoute, sur un ton goguenard : Oui, c’est ce qu’elle dit !

    Pourtant, si l’on résume correctement la thèse de Freud, un bien grand mot pour une succession d’idées glanées dans différents ouvrages plus ou moins bien informés de l’époque, non seulement Moïse n’était pas issu d’une lignée d’Hébreux mais le monothéisme lui-même ne serait pas d’origine hébraïque et n’aurait été qu’un héritage fabriqué en Egypte, l’œuvre d’un pharaon iconoclaste et à la mort duquel son propre peuple, libéré de cette férule royale, aurait renoué avec ses anciennes croyances. Et c’est là que Moïse entrerait en scène : issu d’une lignée princière ou d’une caste sacerdotale, il se serait appuyé sur une tribu sémitique vivant en territoire égyptien qu’il aurait affranchie en la dotant de ses croyances monothéistes personnelles. Et c’est ainsi que les Hébreux auraient adopté, même la circoncision, un rite originellement égyptien. Incapables de se maintenir sur place, ce ramassis d’anciens esclaves se seraient soulevés contre leur chef Moïse et l’auraient tué, effaçant de leur mémoire jusqu’au souvenir des règles religieuses particulièrement rigoureuses qu’ils ne supportaient plus. En fait, Freud réécrit le livre de l’Exode puisqu’il désacralise l’histoire sainte et met à nu certains aspects peu reluisants de l’antiquité hébraïque. Mais le père de la psychanalyse ne s’en tient pas là : reprenant à son compte certaines théories de la critique biblique, il évoque la fusion de cette tribu rebelle avec d’autres tribus de même origine et son adoption du culte et de la divinité madianites. Un syncrétisme s’opère alors entre la divinité locale et celle originellement imposée par Moïse. Mais le meurtre de ce dernier, refoulé durant des siècles, finira par ressurgir, sous une forme bien différente, avec l’avènement du christianisme.

    Aujourd’hui, même si la personnalité de Moïse reste entourée de mystère, les spécialistes de la critique biblique considèrent que cette présentation freudienne est un assemblage inconsistant de matériaux hétéroclites. Certes, nul ne peut nier le caractère composite des récits de l’Exode concernant Moïse, ni les étymologies populaires proposées pour expliquer l’origine ou la signification de son nom… Déjà du vivant de Freud, d’authentiques biblistes avaient signalé l’éclipse de Moïse dans certains livres canoniques : alors qu’ils sont censés suivre chronologiquement le livre de Josué, les Juges ne citent pas une seule fois Moïse alors que son souvenir devait être encore très frais dans toutes mémoires puisqu’il avait conduit le peuple hors d’Egypte et fait de Josué son successeur … Ce qui montre bien que la reconstruction (voire la déconstruction) de Freud répondait à des motivations personnelles.

    Aux yeux de Freud, comme à ceux de certains de ses contemporains, juifs ou non-juifs, l’existence de traits psychologiques inaliénables et inaltérables (unvergängliche Merkmale) demeurait un fait indiscuté. Freud lui-même parle dans une lettre de constitution intellectuelle juive… C’est peut-être de cela qu’il a voulu se débarrasser. Et pourtant, on ne peut pas occulter ici ce passage si fréquemment cité, tiré de la préface à la traduction en hébreu de Totem et tabou (1930) où Freud, tout en avouant son ignorance de la langue sacrée, son éloignement de la religion de ses ancêtres (comme de toute autre confession, d’ailleurs), concluait ainsi : je n’ai pourtant jamais renié l’appartenance à mon peuple, je ressens ma nature comme juive et ne voudrais pas en changer. Yerushalmi a eu raison de souligner que tout en n’étant juif ni par la religion, ni par la langue, ni par le nationalisme, il se sent profondément juif. En effet, lorsque les choses le touchent au plus profond de lui-même, il puise dans son héritage spécifiquement juif, même s’il cherche par la suite à s’en défendre. Après l’Anschluß en 1938 et la perte du nid viennois, Freud compare ce drame à la destruction de Jérusalem… Il ne peut pas s’agir d’une référence anodine.

    Certains ont avancé l’idée, si chère à Théodore Lessing, d’une haine de soi qui serait à l’œuvre au sein même de Freud, lequel n’en avait pas moins cité un curieux poème de H. Heine, dédié à l’inauguration d’un hôpital juif de Hambourg. Aux yeux de l’auteur de la Lorelei, c’est le judaïsme qui constitue la maladie la plus incurable, rien ni personne ne pourrait nous en guérir, et il ajoute de manière significative quelques vers qui ont retenu l’attention de Freud car ils militaient dans le même sens que lui : ce mal de famille millénaire, le fléau ramené de la vallée du Nil, la croyance malsaine de l’ancienne Egypte… Déjà, cette sempiternelle origine égyptienne de Moïse, un homme qui aurait transmis ses lois et ses croyances à un peuple dont il n’était pas originaire .

    Mais voilà, ce n’est pas un héritage dont on pourrait se défaire et ce fut bien là tout le problème de Freud : comment une tradition se transmet-elle à tant de générations ? Comment des hommes réussissent-ils à communiquer à d’autres hommes des états psychologiques qu’ils n’ont eux-mêmes jamais éprouvés ? Qu’est-ce que cette vois philogénétique qui est à l’œuvre ici ?

    Yérushalmi, érudit formé à la dialectique talmudique, cite opportunément un passage tiré du livre du Deutéronome (29 ; 13-14) : et ce n’est pas avec vous seuls que j’institue cette alliance et ce pacte, mais avec ceux qui sont aujourd’hui placés avec nous, en présence de l’Eternel notre Dieu, et avec ceux qui ne sont pas avec nous, en ce jour… Le talmud interprète ce passage comme suit : toutes les âmes futures du peuple d’Israël, donc aussi celles de Freud et de ses ancêtres, y étaient ce jour là, lorsque le Dieu d’Israël remit à son émissaire les tables de la Loi… Partant, aucune chance d’échapper à cette loi d’airain qui maintient en servitude toutes les générations suivantes… Nous y reviendrons infra en évoquant ce patrimoine culturel inconscient qui se transmet on ne sait comment…

    Pourquoi donc Freud ressentait-il le besoin de se défaire de ce judaïsme, générateur de conflits et d’humiliations ? Yerushalmi mentionne un incident particulièrement traumatisant que Jacob Freud relata à son fils : un samedi matin, alors qu’il se rendait à la synagogue, revêtu de son beau costume de chabbat et coiffé d’un magnifique bonnet de fourrure, un chrétien surgit, envoya d’un coup le couvre-chef dans la boue et chassa du trottoir le jeune homme apeuré. Freud demanda à son père quelle fut sa réaction. Celui-ci lui dit : j’ai pris mon bonnet et je suis parti. Le commentaire de Freud est dévastateur : cela ne m’avait pas semblé héroïque de la part de cet homme grand et fort qui me tenait par la main… Voilà une expérience qu’on n’oublie pas facilement. Ou pour parler comme Freud : voici un joli traumatisme de l’enfance…

    On comprend que tant d’humiliations aient fini par poser problème à Freud, contraint de traîner ce lourd héritage comme un insupportable fardeau. Et aussi qu’il se soit posé la question suivante : comment les juifs sont-ils devenus ce qu’ils sont ? Mais le problème dans toute cette affaire, c’est que la question est mal posée. Freud n’a jamais eu une attitude accueillante, encourageante, optimiste de la condition juive. Certes, il lui arrivait parfois de ressentir de la fierté en raison de son appartenance juive. Il a même très souvent parlé de rester entre nous, entre juifs, mais plus souvent encore, il a insisté sur sa volonté de ne pas faire de la psychanalyse une affaire juive … Il craignait que son enfant, la psychanalyse, ne fût victime du même rejet que son appartenance ethnique et religieuse. Ce qui lui importait bien plus que son propre bien-être, était la survie de la psychanalyse, l’œuvre de sa vie.

    Dans un magnifique passage (p. 149ss) Yerushalmi va bien au-delà des analyses habituelles de ce Moïse de Freud, refusant de le réduire à une simple autobiographie de nature psychanalytique. Trop d’éléments contradictoires s’imbriquent dans ce projet si complexe ; on ne comprend pas très bien l’obsession de Freud au sujet de ce livre dont il acheva le premier jet en 1934. En Allemagne, des événements troublants, voire dramatiques, se préparaient alors et Freud, âgé et se sachant malade, voulait absolument mener son livre sur l’homme Moïse et le monothéisme à son terme. Yerushalmi a raison de souligner que Freud veut résoudre l’énigme du Sinaï sans avoir à renoncer à une seule de ses théories. Voici ce qu’écrit Yerushlami : Avec le complexe d’Œdipe et le «retour du refoulé», il détient les principes intégrateurs grâce auxquels toutes les pièces du puzzle semblent s’imbriquer à merveille les unes dans les autres, et même se renforcer mutuellement, principes grâce auxquels il peut jeter un pont entre la psychologie individuelle et la psychologie des masses, entre la psychologie de l’histoire, partir de l’histoire juive et remonter jusqu’à la préhistoire, puis redescendre vers les origines du christianisme et, enfin, mettre à nu les mécanismes de l’antisémitisme…

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  • Rendre à la culture juive ses lettres de noblesse…

     

    Rendre à la culture juive ses lettres de noblesse…

    Vaste sujet ! Comment décommunautariser une culture juive, desservie et non bien servie par la plupart de ses héritiers naturels, parfois même avec les meilleures intentions ? Souvenons nous de la phrase de Kant, lequel n’aimait pas beaucoup les juifs, même si ses meilleurs soutiens et propagateurs étaient juifs, comme Salomon Maimon, Hermann Cohen, Ernst Cassirer et Julius Gutmann… A quoi est due cette tombée en désuétude de tout cet effort intellectuel originairement juif ? Pourquoi donc ressentons nous aujourd’hui la nécessité urgente de redorer le blason d’une culture intrinsèquement universaliste ? Quels sont les facteurs qui ont transformé cette culture en ghetto, ni plus ni moins ?

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