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Vu de la place Victor-Hugo - Page 334

  • La guerre des six jours, je me souviens de ce jour il y a cinquante ans

     

    La guerre des six jours, je me souviens de ce jour il y a cinquante ans

     

    Le 5 juin 1967, dans un pays arabe d’Afrique du Nord.  Il n’y avait pratiquement plus de juifs dans la ville et dans le pays. L’indépendance avait sonné le glas de toutes les communautés de la région, ils étaient tous partis. Une poignée d’inconscients étaient restés, confiants et croyant qu’ils seraient bien traités à la mode arabe : on se soumet, on reconnaît la supériorité de la religion musulmane et tout se passera bien. Mais lorsque peu d’années plus tard, survint ce jour fatidique du 5 juin 1967, tout changea.

     

    L’adolescent qui se tenait dans le magasin de son père ressentit soudain un malaise : les Arabes qui passaient sur le trottoir bordant le commerce de son père regardaient l’intérieur de ce magasin de manière étrange. Cela devenait inquiétant. Le mystère fut élucidé par un infirmier ami de ses parents. Mais que se passe t il demanda l’adolescent ? L’homme répondit : l’armée d’Israël a bombardé les pays arabes à ses frontières… Le jeune homme fut saisi d’effroi. L’homme n’en dit guère plus et observa un silence gêné. Il ne pouvait pas prêter de noires arrière-pensées au garçon qui lui faisait face. Au bout de quelques minutes il s’en alla.

     

    Le père n’était toujours pas de retour. Quand soudain un Arabe arriva en trombe sur son vélo, se précipita dans le magasin en criant : le sang rouge des Juifs ! Mais constatant que le père n’était pas là, il repartit aussitôt. Le jeune homme fut au bord de l’évanouissement. Mais l’adulte finit par revenir, le fils ne lui dit rien de l’incident. Inconscient ou bravant tous les dangers, et Dieu sait ce que pouvait valoir la vie d’un Juif en ces sinistres journées, le père emmena son fils en voiture faire des emplettes au souk voisin. Ici aussi, le fils éprouva un violent malaise car cette fois-ci ce n’était pas les passants qui les dévisageaient mais bien des policiers en armes…

     

    Le soir même, avant de tenter de s’endormir, car il mesurait l’étendue du danger, le jeune homme alluma sa radio et ce fut un déferlement de rugissements féroces des speakers des radios arabes qui appelaient à venger les  victimes des bombardements sionistes (sic). Ils hurlaient ceci : au nom des femmes, au nom des hommes et au nom des enfants tués lors des bombardements sionistes, vengez les !!! L’adolescent se demandait ce qui allait se passer le lendemain.

     

    Et par la grâce divine, il ne se passa rien mais le jeune homme observa que certaines personnalités arabes très respectées dans le quartier et dans la ville rendaient, avec une fréquence inhabituelle, visite à ses parents, comme pour signifier à la populace qu’ils leurs accordaient l’aman… Quiconque s’en prendrait à eux le regretterait, ce serait comme s’en prendre à elles mêmes, en tant que personnalités et notables du coin.

     

    Cinquante ans plus tard, l’homme qui n’est plus vraiment jeune à près de 66 ans, se souvient. Ses parents ne sont plus et reposent en terre d’Israël, celle-là même que les armées arabes voulaient conquérir en en éradiquant la population juive. Mais la victoire changea de camp. Ce furent les Israéliens qui triomphèrent de leurs ennemis mais qui se conduisirent de manière civilisée. Les soldats égyptiens capturés dans le désert du Sinaï reçurent de l’eau et de la nourriture, conformément aux conventions de Genève. Mais en aurait il été de même si les rôles avaient été inversés ?

     

    En suivant sur I24News l’historique de cette guerre éclair je me souviens d’un Psaume émouvant qui scande la liturgie juive. Le Psalmiste, la plus belle incarnation du sentiment religieux, l’homme le plus croyant que la terre ait jamais porté, s’écrie : n’était Dieu pour nous, dit Israël, lorsque les humains se dressent contre nous, on nous aurait avalés vivants, tant leur haine envers nous était forte…. Béni soit l’Eternel qui ne nous a pas offert comme une proie à leurs dents ! Notre âme, comparable à un oiseau rescapé, a déjoué le piège de l’oiseleur. Le piège s’est brisé et nous avons été sauvés…

     

    Moins de trois jours plus tard, mais après 1897 ans d’exil et de souffrances insupportables, au cours desquels les juifs intériorisaient leurs malheurs, Dieu a remis entre les mains d’Israël son ancienne capitale et le seul mur encore debout du temple de Jérusalem. On peut encore entendre le cri de joie du général commandant les milliers de parachutistes entrant dans la vieille ville et conquérant  la montagne du Temple (har ha-bayit) : le Mont du Temple est entre nos mains (Har ha-Bayit be-yadénou)

     

    Motti Gour avait harangué ses troupes d’élite en ces termes : soldats d’Israël, vous allez rétablir les droits d’Israël sur la cité du roi David. Le peuple juif tout entier a les yeux braqués sur vous. Vous devez réussir.

     

    Et en effet, ce fut fait au prix de lourdes pertes, environ 180 parachutistes sont tombés lors de la bataille de Jérusalem. Les larmes embuent les yeux des présents. Les soldats qui posent leurs mains sur les pierres du fameux Mur Occidental en pleurant viennent de tracer un trait définitif d’une longue période de l’Histoire juive… Israël est de retour à Jérusalem, lui qui depuis tout ce temps priait : l’an prochain à Jérusalem. Et la divine Providence a enfin confié à d’humaines mains le soin de mettre un terme à cet exil forcé.

     

    Qui ne se souvient du chapitre XXXI de Jérémie, celui qu’on taxe de geignard au point qu’il a donné le terme jérémiade ! Pourtant, vers les VII-VIe siècles avant notre ère, il a promis que les fils reviendraient chez eux. On entend à Rama un son plaintif, c’est Rachel qui pleure ses fils emmenés en captivité. Elle refuse qu’on la console. Mais le prophète lui intime l’ordre d’effacer ses larmes et de cesser de se lamenter. Il lui prédit un retour de ses fils, le peuple d’Israël. Il conclut en ces termes prophétiques : yesh tikwa le-aharitékh :  il y a de l’espoir dans ce qui va suivre. En clair ; l’histoire d’Israël renouera avec l’espoir et les victoires.

     

    C’est pour cela que le Rav Goran l’aumônier général des armées sonne le chofar en guise de victoire, cette corne de bélier, le seul instrument de musique que le peuple juif a pu emporter avec lui durant tout ce temps là.

     

    C’est fait. La victoire est là. Il faut à présent la paix…

     

    Qui ne pleurerait  de joie en évoquant ces paroles du même Psalmiste : Que Dieu donne la puissance à son peuple, que Dieu bénisse son peuple par la paix.

     

    Béni soit l’Eternel qui nous a permis de vivre ces précieux instants.

     

  • Le château Mercier de Sierre et le dialogue des cultures

     

     

     

    Pour un dialogue (réussi) des cultures occidentales et orientales au château Mercier de Sierre

     

     

     

     

     

    Dans le canton du Valais, où naquit mon ami le grand journaliste genevois Pascal Décaillet, j’ai pu enfin visiter le fameux château Mercier et y résider avec Danielle durant quelques jour. Cela m’a rappelé des souvenirs d’adolescence puisque j’allais souvent dans cette région suisse avec des colonies de vacances des CCVL. Je connais bien Urlrichen, Reckingen et d’autres lieux dits où nous nous rendions avec ces fameux trains à crémaillère dont je me demandais jadis comment ils pouvaient grimper aussi haut et nous conduire à bon port. C’était ce côté carte postale de la Suisse qui m’a toujours plu, avec ses montagnes qui se découpaient sur un fond de ciel bleu mais parfois aussi brumeux, comme ce fut le cas durant un seul après midi, au cours de ce séjour de retrouvailles avec cette belle région où tous les flancs de montagne sont plantés de pieds de vignes.. Je me suis laissé dire qu’il existait dans cette belle région plusieurs centaines de marques de vins, tant rouges que blancs, cette dernière catégorie ayant incontestablement ma préférence.

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  • Lettres d'Israël VI: Le chabbat au Herods à la Mer morte

    Lettres d’Israël : chabbat au Herods à la Mer morte.

    Il est environ 15h30 quand le véhicule s’immobilise devant l’entrée principale du Herods. C’est un peu irréel, ce paysage lunaire avec en avant plan ce grand hôtel qui attire toujours autant de gens du monde entier. Nous l’avons connu et apprécié grâce à l’un des principaux managers, Mister Ismaïl, un bédouin devenu le gestionnaire avisé d’un si grand hôtel. Pour une fois, pas de file d’attente devant la réception, l’installation se fait très vite. Sitôt les valises déposées dans la chambre, je descends rapidement pour rejoindre la fitness room où je fais un peu d’exercice. C’est qu’il ne faut pas traîner car dans quelques heures, c’est l’entrée du chabbat. Et même s’il y a tant Russes qui ne sont pas juifs, l’atmosphère est tout de même étrange par rapport, je crois, aux autres jours.

     

    Après le sport, je rejoins Danielle qui se baigne dans cette eau chargée de sel et qui donne au corps une sorte de peau satinée. Le soleil darde ses rayons sur tous les baigneurs. Il y a encore du monde sur place, mais les Juifs les plus religieux sont entrés dans leurs chambres afin de se préparer à accueillir le chabbat.

     

     

    Comme nous avons avec nous une amie suisse Micaëlla G-M., nous convenons de nous retrouver devant l’une des salles à manger de l’hôtel. Vers 19h45, nous entrons dans la salle à manger et là, c’est indéniable, l’atmosphère est celle du chabbat. Le talmud le dit bien : ha-chabbat mé’eyn olam ha-bas : le Chabbat évoque quelque chose du monde futur. Encore cette obsession juive de faire le coup de Josué qui ordonne au temps de suspendre son vol : comme le disait Abraham Heschel dans on texte sur le chabbat et sa signification pour l’homme moderne, le temps du chabbat évoque l’éternité Plus prosaïquement, on change de registre C’est probablement ainsi qu’il faudrait interpréter la belle métaphore d’une âme supplémentaire (neshama yetéra). Certains se demandent même si la notion bergsonnienne de supplément d’âme ne vient pas des pâles origines juives du philosophe…

     

    Je vous ai parlé il y a un instant des bédouins dont l’Etat d’Israël a su faire des maîtres d’hôtel, des directeurs de salle et des serveurs. Certes, ils ne sont pas stylés comme à Paris, mais ils font de leur mieux. Je m’adresse donc à celui que je connais le mieux pour commander une bouteille de vin rouge sec gamla. Il apporte la bouteille et me la tend pour l’ouvrir car il sait que les Juifs hyper religieux tiennent à ouvrir la bouteille eux-mêmes et à se faire servir par des Juifs. Je lui fis la réponse suivante : vous savez , je suis juif mais j’ai oublié d’être idiot. Il éclate de rire, ouvre la bouteille, me fait goûter le vin. C’est excellent

     

    Les deux dames restent assises, comme chez mes parents à Agadir et moi je me lève pour réciter le kiddoush. Ensuite je récite les deux autres bénédictions. A la table de droite, une jeune maman fait réciter à sa petite fille la prière ha-motsi léhém min ha-aréts. Je cache l’émotion qui m’envahit. Une maman qui, sous nos yeux, éduque sa fille qui doit comprendre que le chabbat n’est pas un jour comme les autres.

     

    Conformément à leur habitude, et comme je vous l’ai déjà signalé en parlant du rapport des Juifs à la nourriture, les Israéliens se jettent sur les buffets qui sont plantureux.

    Je me rends compte que la totalité des jeunes serveurs et des maîtres d’hôtel sont des bédouins. L’Etat d’Israël a très intelligemment géré les Bédouins qu’il recrute pour son armée où ils forment des bataillons homogènes. Ils n’ont pas leurs pareils pour repérer les traces laissées par des infiltrations de terroristes. Dans l’obscurité, ils ont une vue perçante et jusqu’ici ils ont, comme les Druzes, fait preuve d’une totale loyauté à l’endroit de leur pays, l’Etat d’Israël.

     

    En allant moi aussi au buffet où ma femme a déjà repéré un plat de langue de bœuf à la marocaine, accompagné de délicieuses olives vertes, je me rends compte que je suis le seul à être en costume. La salle est bien climatisée mais dehors il fait encore trente degrés. Et il est plus de vingt heures.

     

    De retour du buffet, je tente de me faufiler entre ma chaise et celle de la voisine. Je lui dis en hébreu pardon (tisléhi li) et elle me répond comme seul un Israélien peut vous répondre : mais je vous ai déjà pardonné (kvar salahti lakh…). Il faut vraiment venir dans ce pays pour entendre de telles réparties.

     

    Toutes les langues (sans jeu de mots avec ce plat que je ne mange qu’une fois par an) se font entendre ici, mais l’hébreu est devenu la seconde langue du pays, au profit du russe. Figurez vous que les Bédouins comprennent l’hébreu, mais pas les femmes de chambre ukrainiennes ni les plagistes. Il faut parler russe : quand je dis à la femme de chambre que j’ai besoin d’un nouveau peignoir de bain, je dois faire une foule de gestes. Pas un mot d’hébreu ni d’anglais !!

     

    J’ignore à quoi ressemblera le chabbat dans cinquante ans en Israël tant les traditions locales divergent les unes par rapport aux autres. Mais, grâce soit rendue au ciel, les prières resteront les mêmes. Et ces visages rayonnants de Juifs âgés, de vieux Messieurs, grand old men qui récitent les prières suivant leur ancienne mélodie… A la limite, on oublierait de manger pour les écouter et les scruter.

     

    Vivre intimement le chabbat, c’est de cela précisément que je suis le témoin ce soir ; certes, il arrive qu’un touriste français, particulièrement arrogant, vienne tout gâcher en manifestant bruyamment sa mauvaise humeur car un Israélien a pris la table qu’il convoitait. Mais cette inconvenance ne suffit pas à rompre l’atmosphère presque magique que je ressens.

     

    Au-delà d’une certain âge on ne se refait pas : je me remets à penser, à me demander comment nous avons fait pour conserver, contre vents et marées, un dénominateur commun, un lien unificateur, qu’on ait vu le jour dans un pays arabe, en Europe, en Amérique, en Australie ou en Israël même… Pour nous tous, le chabbat garde son lustre extraordinaire, même si nous nous écartons de toutes ses prescriptions qui viennent corseter un jour au cours duquel tout devrait être joie et allégresse. N’oubliez pas ce que Ernest Renan disait du sérieux judaïque… Il le dénonçait à juste titre.

     

    Je suis plongé dans mes pensées quand soudain, j’entends nettement l’action de grâce après le repas, récitée dans une mélodie presque nostalgique par un vieux Monsieur. Un peu comme s’il disait à Dieu qu’il a trop tardé à permettre la renaissance d’un grand état juif… Ces sons presque plaintifs font penser aux mélodies hassidiques ; Je sais que c’est ma sensibilité juive qui me fait dire ou penser cela. Et c’est cette même sensibilité qui radoucit les critiques justifiées que nous adressons à l’Etat d’Israël quand nous venons d’Europe et surtout de France. Les Israéliens ne sont pas gens faciles, ils sont même parfois ingérables. Mais ce sont nos frères avec lesquels nous réapprenons à vivre

     

    Ce lien entre nous tous n’est pas seulement un ciment d’unité, c’est un lien profondément fraternel.

     

    Encore un détail : le lendemain matin, au petit déjeuner, ce sont des jeunes venus d’Erythrée qui servent le café. Eux font un effort pour parler hébreu. Ils obéissent au doigt et à l’œil aux Bédouins qui les dirigent avec douceur et délicatesse.

     

    C’est bien cela la définition de l’Etat juif : ne pas distinguer entre les êtres humains. Se souvenir que le terme ADAM qui désigne la base même de la nature humaine ne connaît pas de pluriel. C’est une façon d’insister sur l’unicité de l’être. Le Talmud nous apprend que contrairement au fondeur qui frappe des pièces de monnaie, toutes absolument et strictement identiques,, Dieu crée des hommes, tous issus du même Adam, sans qu’aucun ne soit la copie conforme d’un autre. Les humains ne sont pas interchangeables. Et quand on veut parler du genre humain les sources juives anciennes disent bené Adam… Tous fils et filles d’une même souche tout en respectant la diversité.

     

    Etre un Etat juif c’est incarner les valeurs universelles de la Tora, dans toute la mesure du possible. Aujourd’hui, entouré d’ennemis impitoyables, Israël fait de son mieux pour être digne de cet héritage dont il fit l’apostolat au reste de l’humanité.

     

    Quand la paix sera là, on considérera la période précédente comme une sorte de préhistoire.

     

    On comprend mieux la symbolique du chabbat : vingt-six heures durant, on s’éloigne du monde et de ses vicissitudes. On cherche la paix qu’on instaure dans son âme à défaut de la vivre dans le monde extérieur.

     

    Et on troque le temps contre l’éternité