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Vu de la place Victor-Hugo - Page 334

  • Lénigme Hollande

     

     

    France : une gauche en lambeaux…

     

    Qui est, directement ou indirectement, responsable de l’état lamentable dans lequel se trouve l’ensemble de la gauche française, au point que le Parti Communiste ne peut même plus présenter un candidat issu de ses rangs et que le Parti Socialiste se demande même s’il va continuer d’exister. Evidemment, le contexte compte pour beaucoup dans cette affaire : tout se passe sous la présidence d’un président socialiste, ce qui ne veut pas dire nécessairement à cause d’un tel président.

     

    Mais les historiens finiront bien par analyser le rôle joué par François Hollande qui fut, avant tout, un président non pas normal, comme il se serait tant voulu, mais comme un président atypique/ Ne ressemblant à aucun de ses prédécesseurs. La question majeure, ce me semble, est la suivante : était il fait pour être président ? Ou plus exactement : avait -il les moyens, ou avait il envie de gouverner ? On a l’impression qu’il s’imaginait autrement ce qui l’attendait dans l’exercice du pouvoir.

     

    On se rend compte qu’on quitte imperceptiblement le terrain du pouvoir et de la politique en général pour déboucher sur des recoins intimes de l’âme humaine. Et ceci nous conduit à poser une autre question, encore plus difficile à répondre que la précédente : Qui est François Hollande ? Cet homme qui a passé dix ans de sa vie à déjouer les complots de ses camarades au PS, à inventer toutes les synthèses possibles et imaginables entre des Laurent Fabius et des Henri Emmanuelli et qui, finalement, au pouvoir, amorce un virage libéral qui fracasse sa majorité et finit par se briser sur le roc de ceux qu’on nomme les frondeurs…

     

    Et ce drame en plusieurs actes se poursuit lorsqu’il commet l’erreur de vouloir neutraliser Walls par Macron. Il a cru pouvoir les jouer l’un contre l’autre, encore ce côté infernal de la synthèse, cette façon de faire coïncider les oppositions des alchimistes (coincidentia oppositorum), pour parler comme Agrippa de Nettesheim… François Hollande a cru qu’il était encore à la tête du PS et que le jeu politique était le même, et qu’il suffisait de mettre deux êtres en concurrence pour les neutraliser, voire les détruire. Et voilà que c’est lui qui retrouve pris entre les deux branches de la tenaille. Dans le livre de Job, l’expression est encore plus cruelle, puisqu’il est question des mâchoires de l’iniquité !

     

    Macron a été le plus réactif : quand il découvrit que le roi était nu, il n’a pas tenté de l’aider mais a décidé simplement de le remplacer. Plus fin que Valls qui est un self made man, Macron qui a fait l’ENA est parti le premier. Valls n’a pas compris qu’il fallait en faire de même et a parlé de désertion. Pire, le jour même de son départ pour Tunis, il voit le président et lui tord carrément le bras : il lui arrache la décision de ne pas se représenter…

     

    Mais il était trop tard, le navire Macron avait pris le large et François Hollande, forcé de rester sur la touche, avait prévu que Valls ne franchirait pas l’étape des primaires. Cela aussi, soit dit en passant, fut une erreur capitale de la part de François Hollande : il n’aurait jamais dû dire qu’il s ‘y soumettrait. Certes, il n’aurait pas évité la catastrophe mais il aurait au moins échappé à l’humiliation.

     

    Restait une couleuvre de plus à avaler : accepter que Benoît Hamon devienne le candidat adoubé du PS… Défaire garantie puisque au moment où je rédige les sondages le créditent de moins de 10% d’intentions de votes alors que son concurrent direct caracole avec 15% !

     

    Je me demande ce que dirait François Hollande dans ses Mémoires s’il venait à en écrire. Le fera t il ? Pourquoi pas ? Mais une chose m’intrigue aujourd’hui encore : le livre d’entretiens avec ces deux journalistes du Monde ! Je ne comprends pas qu’un président sous la Ve République, aux pouvoirs assez voisins de ceux d’un monarque républicain, ait éprouvé le besoin de se commettre avec de tels journalistes. Etait-ce un insatiable besoin de reconnaissance ? Est ce que cela ressortit à la psychanalyse ?

     

    Au fond, personne ne connaît vraiment François Hollande. Lui qui se voulait un président normal !! Question faussement naïve : mais comment peut on être un président normal, un homme comme les autres quand on a autant de pouvoirs consentis et garantis par la Constitution ? C’est presque un oxymore.

     

    Un mot aussi sur la vie amoureuse de l’homme : chacun d’entre nous, qu’il soit président ou petit employé, éprouve le besoin et a le droit d’aimer et d’être aimé. Bien des gens, dont un curé célèbre, se sont émus du traitement réservé à une femme qui lui a donné quatre enfants, même si la dame en question est loin de mériter le bon Dieu sans confession. Mais tout de même !!

     

    Alors qui est cet homme ? Je n’arrive pas à le cerner. Je me demande aussi pourquoi l’actuel secrétaire général de la présidence de la République, homme d’une grande finesse et d’une très grande intelligence, un homme que je connais et apprécie beaucoup, a dû attirer l’attention de son patron sur les divers écueils se dressant sur sa route… L’a t il fait ? Ne l’a t il pas fait ? Et s’il l’avait fait, aurait-il été écouté, à défaut d’être entendu ?

     

    Il existe une énigme Hollande. Mais n’accablons pas l’homme qui est digne d’intérêt et de respect. Chaque jour qui passe le rapproche de la fin. Quitter le pouvoir à un si jeune âge ne laisse pas d’être douloureux. Mais pire que le jugement des hommes, plus grave que le jugement de Dieu lui-même, est le jugement de l’Histoire…

     

    Maurice-Ruben HAYOUN in Tribune de Genève du 1er avril 2017

  • L’avenir d’Erdogan coïncide-t-il avec celui d’une Turquie forte et démocratique?

     

    L’avenir d’Erdogan coïncide-t-il avec celui d’une Turquie forte et démocratique?

     

    Ce n’est pas faire preuve de mauvais esprit que de se poser la question. Les récentes déclarations, ou plutôt vociférations de l’actuel président turc, montrent, sans l’ombre d’un doute, qu’il ne recule devant rien, pas même de graves crises diplomatiques avec les Européens pour parvenir à ses fins. Quelles sont elles ? Régner sans partage sur une Turquie qui ne sait plus où elle va, une Turquie, secouée par les sursauts d’un coup d’Etat manqué que rien ne laissait prévoir mais qui signe de graves dysfonctionnements de l’appareil d’Etat.

     

    Le fait qu’une grande partie de l’armée, corps le mieux organisé du pays, qu’une part non négligeable de la société civile ait emboîté le pas aux mutins, prouve que le régime d’Erdogan n’a pas choisi la bonne voie et que d’autres mauvaises surprises sont à craindre. La Turquie a besoin de stabilité, de calme et de sérénité. Or, la voie choisie par M. Erdogan suscite bien des interrogations. Ce désarroi, ce cours en zigzague est particulièrement frappant dans le domaine de la politique étrangère : après avoir traité Israël de tous les noms, Erdogan s’en est rapproché : nous saluons cette sage évolution mais elle renforce par son caractère soudain la forte imprévisibilité de l’homme qui est aux commandes  sur le Bosphore. Le même changement du tout au tout est à observer vis-à-vis de la Russie : d’abord on abat un avion de chasse qui avait prétendument violé l’espace aérien turc et ensuite on se jette dans les bras de Moscou dont on avait précédemment dénoncé les visées en Syrie. Et le tout en restant membre de l’Otan. Ô mânes  de Descartes !

     

    Aujourd’hui, la dérive du régime est bien plus grave. Les parlementaires européens qui ont enterré depuis longtemps  tout espoir d’accueillir la Turquie au sein de l’Union dénoncent son chantage aux réfugiés et ses tentatives d’intimidation. Dois-je revenir sur les accusations absolument inacceptables de racisme, de nazisme, de partialité, articulées contre la Hollande et l’Allemagne, au motif que ces deux pays au moins eurent le courage de dire non à Erdogan et d’interdire des meetings électoraux sur leur territoire ?

     

    Il est évident que la tactique turque vise à monter en épingle des péripéties secondaires afin de mieux pincer la corde très sensible du nationalisme turc. C’est peut-être efficace mais c’est aussi très dangereux. Pas plus tard que ce matin même, j’entendais sur France-Info un député européen stigmatiser en termes particulièrement vifs les agissements d’Erdogan, dénonçant ses tentatives de soumission (sic) et sa volonté d’intimidation grossière. De fait, l’homme s’est soudain excité quand il a pris conscience que sans l’appui massif de la diaspora turque son référendum ne passerait pas. Madame Merkel qui sait que la situation économique en Turquie est préoccupante et que son pays contribue à un fort flux de devises à son profit, ne s’en est pas laissé conter : elle a vertement répondu au grand Turc, lui a rappelé les règles élémentaires à respecter et a dénoncé ses projets : rester au pouvoir jusqu’en 2029 !!

     

    Ce n’est pas commettre d’ingérence que de manifester ses inquiétudes de voir un homme, un seul, tout décider pour un grand pays, certes encore sous développé, comme la Turquie, mais appelé à un bel avenir. On ne peut pas concentrer entre ses mains tous les pouvoirs. En outre, en l’espace d’une décennie, bien des choses peuvent changer, à commencer par la capacité à gouverner durant une si longue période.

     

    L’avenir de la Turquie moderne doit être mieux orienté. Ce pays risque de connaître des réveils douloureux si les forces vives de cette nation ne se sentent plus concernées par ce qui se prépare.

     

    Il faut rebâtir une grande nation turque, donner une place aux minorités, notamment aux Kurdes afin qu’ils se sentent enfin bien dans le cadre national existant. Il faut aussi faire un louable effort concernant l’Histoire et les Arméniens. Enfin, la Turquie devrait redevenir une force de paix et de stabilité dans la région.

     

    Toute la question est de savoir si cela est possible avec l’agenda du leadership actuel. Il est, par ailleurs, évident, qu’après les saillies d’Erdogan, un tel horizon s’éloigne chaque jour un peu plus.

     

    L’Europe civilisée, judéo-chrétienne, ne demande qu’à vivre en paix avec le reste du monde. Mais elle ne saurait céder au chantage ni se passer autour du cou la corde de la soumission.

     

    Maurice-Ruben HAYOUN in Tribune de Genève du 18 mars.

     

  • Levines, De Dieu qui vient à L’idée (Vrin, 1982, 2004)

     

    Levines, De Dieu qui vient à L’idée (Vrin, 1982, 2004)

    Exception faite de sa thèse de doctorat d’Etat, Totalité et infini (1961) Emmanuel Levinas a surtout privilégié les recueils d’articles ou d’études distinctes, regroupées par affinités thématiques. Et le recueil qu’on a choisi de présenter en raison de son exceptionnelle richesse, porte sur Dieu et les conceptions qu’on est en mesure de s’en faire. D’où le titre.

    Levinas a poursuivi, sa vie durant, une seule, mais très puissante idée : remplacer l’ontologie, le savoir, la science absolue, par l’éthique, le souci de l’autre, la responsabilité pour le prochain, au point même d’assumer l’inconfortable condition (ou in-condition) d’otage : quoi qu’il fasse, l’Autre, le prochain me commande cette position morale à laquelle rien ne me permet de me dérober. Position irrémissible, dit le philosophe, comparable à mon être-pour-la-mort dont parle Heidegger dans Être et temps (1927) : je ne peux pas charger quelqu’un de mourir à ma place, c’est moi que la mort touchera au moment de la fin. Je ne peux pas déléguer un autre… Levinas a donc poursuivi cette voie de l’éthique, devenue philosophie première, ayant en son centre le prochain, et par voie de corrélation, Dieu lui-même. Car le prochain me remet à l’esprit le verset du Décalogue, Tu ne tueras point…

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