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Vu de la place Victor-Hugo - Page 340

  • 2016: de quoi ferons nous mémoire?

    Que nous restera t il de 2016? Que conserverons nous? Certes, chaque année la même question revient sur nos lèvres ou sous nos plumes. Pourtant, les choses qui surviennent finissent toujours par nous étonner.

    Pour les Français, ce qui restera et pour longtemps, ce sont les attaques terroristes en plein Paris et à Nice, sans oublier des agressions tout aussi graves car ayant entraîné mort d'homme, mais qui ne furent pas de grande ampleur. Cela n'enlève rien à leur cruauté.

    Tout de suite après le terrorisme, c'est la décision de François Hollande de ne pas se représenter à la présidence qui restera car elle a totalement modifié le paysage politique.

    A l'extérieur, c'est la victoire de Dinald Trump et l'humiliante défaite de Hillary Clinton et du clan Obama.

    Enfin, c'est l'activisme, le forcing diplomatique d'Obama lors des tout derniers jours de sa présidence, comme s'il répugnait à partir ou comme s'il oublmiait comme le disait Bossuet, l'évêque de Meaux, que son ardeur s'éteint. Mais son refus d'opposer un veto au vote du Conseil de sécurité de l'ONU à moins d'un mois avant son départ le poursuivra longtemps. Et restera dans les mémoires.

    Un peu comme il envoyait une grenade dégoupillée sous les pieds non seulement de Netanyahou mais aussi de Trump lequel trouvera forcément un moyen de lui rendre la pareille.

  • François Hollande, la loi et la grâce…

     

    François Hollande, la loi et la grâce…

     

    Disons le d’emblée : la mesure, courageuse et franche, enfin prise par le président de la République française, François Hollande, est bienvenue, même si l’on doit prêter l’oreille à certaines réactions, pas toujours bien fondées des juges, lesquels n’en méritent pas moins notre respect et notre considération. Ce n’est plus un débat de nature exclusivement judiciaire, c’est devenu un point juridique, une question de droit, au sens kantien du terme ; cela relèverait même de la philosophie du droit selon Hegel. Il faut repousser les limites conceptuelles de la justice pour s’élever aux cimes du droit.

     

    Si l’on transcende, comme il se doit, les catégories élémentaires du fonctionnement de l’institution judiciaire et non plus de la justice, au sens abstrait du terme, c’est-à-dire dépassant le cadre de la loi (du genre application des peines, autorité de la chose jugée, etc…), on a l’impression d’ouvrir sous ses pieds une sorte de gouffre dans lequel nul n’ose s’engouffrer. Et pourtant, il faut tenter d’y voir clair.

     

    D’emblée, on doit éviter les similitudes et donc les réflexes acquis. Par exemple, la justice n’est pas le droit et le droit n’est pas toujours juste. C’est pour cela que l’on parle parfois de tribunaux d’équité par opposition à ceux qui ne le sont pas. Tout le monde connaît la célèbre réplique : je réclame justice et on me dit : voici quels sont vos droits ! Ce qui montre le hiatus, le fossé qui sépare ces deux notions que sont le doit, d’une part, et la justice, d’autre part.

     

    Kant, pour le citer à nouveau, parle des racines métaphysiques du droit, il n’en dit pas autant de la justice. A ses yeux, le droit existerait, même si le monde n’existait pas. Cela rappelle un apologue latin que tous les juristes connaissent : fiat justitia , et pereat mundus. En bon français : que la justice soit, le monde dût-il en périr. Même la tradition talmudique a connaissance d’un apologue équivalant : yikkov ha-din et ha-har (S’il le faut, la justice transpercera la monatgne.

     

    Mais Hegel qui ne faisait pas de pointillisme juridique mais approfondissait philosophiquement de telles questions, rappelle un principe qu’on a tendance à oublier : le but majeur, à ne jamais perdre de vue, est d’assurer le bonheur des êtres humains. Et il donne des exemples où la loi appliquée aveuglément fait preuve de cruauté… Ce n’est pas le but recherché. L’homme veut vivre dans une société juste mais qui reste humaine.

     

    Dans le cas qui nous occupe, je suis sensible au fait qu’il y a eu mort d’homme, que deux cours d’assises se sont prononcées, qu’un cour d’appel a été sollicitée et que toutes ces instances ont confirmé le jugement. Mais je vois aussi le calvaire d’une femme et de ses enfants durant près d’un demi siècle, au cours duquel des êtres humains ont subi, sans mot dire, les pires outrages. Est-ce suffisant pour se faire justice soi-même ? Non point. Toutefois, si cela vaut au niveau des principes, une femme battue, violée, opprimée, ce n’est pas un principe abstrait, c’est un être humain, vivant et qui souffre en silence. Je pense aussi qu’il faudra bien expliquer que la grâce présidentielle n’est pas un permis de tuer… C’est, je l’avoue, le seul point qui me met le plus mal à l’aise. Mais on ne saurait imputer un quelconque abus à venir à la mesure du président.

     

    Mais, au fond de moi, je suis heureux que le président Hollande, grâce lui soit rendue, ait gracié cette femme et ordonné qu’il soit mis fin à sa détention immédiatement. Il a fait preuve d’humanité, de compassion et de Grâce, au sen évangélique du terme.

     

    La compassion, voilà ce qui manque le plus dans les décisions de justice. Un très haut magistrat avait dit il y a quelques années de belles phrases, véritable hymne à ce que je nomme l’humanisme juridique : nous rendons la justice les mains tremblantes… Et il ajoutait que lorsqu’ un magistrat est assis face à un être humain, il doit se dire que c’est un autre moi-même . Je ne crois pas faire injure à la magistrature en m’interrogeant sur la mise en application de principes si élevés et qui font l’honneur de la justice…

     

    Je pense aussi à l’opposition entre la loi et la grâce. On connaît les déclarations évangéliques opposant la Grâce dispensatrice de bienfaits à l’implacable rigueur de la loi, on connaît moins les recommandations talmudiques insistant sur le héséd (c’est le terme hébreu que l’on traduit par gratia) : chaque fois que c’est possible, la Grâce prend le pas sur la loi. D’où par pure grâce, ex mera gratia

     

    Sauf erreur de ma part, et comme disent les juristes allemands, à moins que tout ne trompe, le président Hollande a été très bien inspiré d’agir ainsi. Il a mis un terme à un calvaire insupportable. Il a pris cette noble décision en son âme et conscience et notre Constitution lui en donne le droit.

     

    Je suis pour le droit d e grâce car la justice n’est pas infaillible, sinon les erreurs judiciaires ne seraient pas aussi nombreuses. Avant d’être un principe, la justice est une institution et les institutions sont des œuvres humaines.

     

    Ici-bas il n’existe pas de dogme d’infaillibilité. Seule la justice divine est intangible. La justice humaine est, certes, nécessaire, indispensable mais elle n’est pas irréprochable.

     

    Cette grâce de François Hollande illumine la fin de son quinquennat.

     

    Maurice-Ruben HAYOUN in La Tribune de Genève du 29 décembre 2016

     

  • Obama et Israël

     

      B. Obama au Proche Orient : un combat d’arrière-garde ?

     

    Le gouvernement israélien et son chef Benajmain Netanyahou, ont été visiblement surpris par la double offensive diplomatique du président américain. Ils s’y attendaient mais n’en soupçonnaient pas du tout l’ampleur ni les retombées qu’ils découvrent chaque jour qui passe. D’où la fureur explicite du Premier Ministre israélien qui a même appelé l’histoire héroïque des Maccabées à la rescousse en cette semaine de célébration du miracle de hanukka : une fiole d’huile qui n’avait pas été souillée dans le temple de Jérusalem dura huit jours au lieu d’un seul, comme on pouvait s’y attendre.

     

    On peut penser ce qu’on veut de la politique de l’actuel gouvernement d’Israël, une chose n’en demeure pas moins problématique, voire mystérieuse : que cherche vraiment Barack Obama ? Comment pense-t -il pouvoir régler un conflit sanglant qui dure depuis près d’un siècle, si on remonte au massacre des étudiants talmudiques de la yeshiva d’Hébron en 1929 ? Et surtout comment penser mettre un terme à ce conflit qui empoisonne les relations internationales depuis tant de décennies, au cours des trois dernières semaines du mandat de l’actuel président US ? C’est du jamais vu : d’habitude, en cette période de transition d’une administration à une autre –et Dieu sait combien les buts et les méthodes de Donald Trump diffèrent de celles de B. Obama- le partant est assimilé à un canard boiteux (lame duck) ce qui signifie qu’il ne peut prendre aucune initiative d’envergure. Tout le contraire de ce que fait Barack Obama…

     

    Maintes explications ont été avancées pour expliquer, ou du moins essayer de comprendre, les raisons profondes de cet activisme diplomatique d’Obama où de plus en plus d’Israéliens veulent voir l’expression d’une irrémissible antipathie envers B. Netanyahou. C’est plausible mais ce n’est pas suffisant. Certes, on a vu récemment, lors du dernier passage de B. Netanyahou dans le bureau ovale, que le courant ne passait pas vraiment entre les deux hommes. Lorsque le chef du gouvernement israélien fait un effort visiblement laborieux pour gagner à sa cause son hôte et lui propose de venir jouer au golf à Césarée, le président US répond en parlant de Shimon Pérés… On ne peut pas citer pire dialogue de sourds !

     

    Mais le vote américain à l’ONU semble n’être aujourd’hui que la partie visible de l’iceberg puisque, selon les Israéliens, Obama s’est entendu discrètement avec le gouvernement français afin de l’exploiter au maximum à la conférence internationale de Paris sur le Proche Orient. Partant, les Israéliens ont l’impression d’être victime d’un complot et parlent d’un traquenard tendu par leurs faux amis. D’où les philippiques anti-françaises du ministre israélien de la défense.

     

    Alors Obama ennemi d’Israël, ôtant enfin le masque pour révéler sa vraie nature, à moins de trois semaines de son départ de la Maison Blanche ? Ce serait visiblement exagéré, même si l’on ne peut pas occulter qu’il s’agit d’un douteux combat d’arrière-garde. Un facteur mérite d’être mis en avant : la volonté d’Obama de créer des faits accomplis dans l’espoir que son successeur Donald Trump qui semble bien s’entendre avec Israël, aura les mains liées et ne pourra pas détricoter l’œuvre accomplie… Le dernier exemple en date concerne l’interdiction de pratiquer des forages dans certaines régions du gobe, alors qu’on connaît les réserves du président élu sur ces points.

     

    Mais est-ce que tout est négatif ? Non point, car même si le procédé manque d’élégance –après tout, Israël et les USA sont liés comme les doigts d’une même main- le secrétaire d’Etat John Kerry s’apprête, à moins que tout ne trompe, à soumettre un véritable plan de paix en bonne et due forme pour résoudre le conflit israélo-palestinien dans le cadre de la conférence qui doit se tenir à Paris. Mais pourquoi s’y prendre moins d’un mois avant la disparition d’Obama de la scène diplomatique mondiale ? Mystère ! Comment croire qu’on pourra mettre e,fin de l’ordre dans cet inextricable écheveau en deux semaines ?

     

    Le plan de paix prêté par la presse au département d’Etat Us prévoirait un retour aux frontières de 1967 avec une annexion d’une large part des implantations israéliennes en Judée-Samarie, une partie de Jérusalem est comme capitale de l’Etat palestinien, mais exclurait le retour des réfugiés qui recevraient une compensation financière. Enfin, un échange de certains territoires entre Israël et ses voisins couronnerait le tout…

     

    En apparence, le plan n’est pas trop défavorable à Israël dont le gouvernement actuel est à des années-lumière d’une telle approche. Mais après tout, le rôle des diplomates est justement de rapprocher les points de vues. Cela porte un nom : la négociation. Mais ce qui risque de condamner toutes ces belles prévisions, c’est la méthode, cette approche que les Israéliens qualifient de forcing : comment penser résoudre un si grave problème en si peu de temps alors qu’Israël veut des négociations directes et en tête-à-tête ?

     

    D’après certaines sources, le gouvernement israélien détiendrait les preuves de la duplicité de l’administration US actuelle qu’elle se propose de remettre après le 20 janvier à Donald Trump.

     

    Décidemment, cette date du 20 janvier 2017 est ardemment attendue.

     

    Maurice-Ruben HAYOUN, professeur à( l’Uni de Genève. Dernier ouvrage paru : Franz Rosenzweig, une introduction (Agora, 2015)