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Vu de la place Victor-Hugo - Page 339

  • La Turquie quitte l’Otan

     

    La Turquie quitte l’Otan

     

    Oui, à petits pas, lentement mais sûrement le réfime turc de Monsieur Erdogan est en train de renverser les alliances, de se rapprocher de puissances qui ne sont pas vraiment des amis de l’alliance militaire de l’Atlantique nord. Monsieur Erdogan nous a habitués à ce cours en zigzague qui nous rappelle la politique étrangère de Guillaume II. Et on connaît la suite d’un tel comportement aventureux. Mais voyons d’abord ce qui a dicté à Erdogan sa conduite si erratique…

     

    C’est surtout l’abandon de son régime par les puissances occidentales, le désespoir de s’arrimer un jour à l’Union Européenne, la baisse des investissements dans le pays, l’appui plus ou moins discret aux minorités, notamment kurdes (voir l’épisode de Kabané) et les critiques de plus en plus vives  contre la suppression de certaines libertés publiques fondamentales (indépendance de la justice, liberté de la presse, incarcération sans contrôle judiciaire, volonté de rétablir la peine de mort pour punir le terrorisme, etc…).

     

    Mais ce qui a suscité l’ire du grand Turc n’est autre que le sentiment d’être seul alors qu’il venait d’être menacé par un coup d’Etat qui, tout en suscitant bien des interrogations, n’en a pas moins coûté la vie à près de trois cents personnes. Erdogan aurait souhaité plus d’empressement, plus de soutien, plus de solidarité de la part de l’Occident dont il préserve, en quelque sorte, les frontières en jugulant le flot de réfugiés du Proche Orient mais aussi d’Afrique. Or, le président turc en est persuadé : les puissances occidentales, et notamment les USA avec leurs énormes moyens de communication et d’espionnage, même de leurs alliés, ne peuvent pas ne pas avoir eu vent des préparatifs du coup d’état, et pourtant tout le monde s’est muré dans un silence total. Si ces choses s’avèrent, alors le grand Turc a eu raison de tourner le dos à ses alliés de l’OTAN.

     

    Ce qui est frappant dans un tel renversement d’alliances, c’est la rapidité avec laquelle Erdogan s’est laissé convaincre de se rapprocher de Poutine et de l’Iran (dont il se méfiait pourtant, il y a encore peu de temps) ; il avait pourtant fait abattre un avion russe et Poutine s’était juré de le lui faire payer très cher. Il n’en fut rien, la raison d’Etat l’a emporté et les deux dirigeants, épaulés par l’Iran ont changé la donne au Proche Orient : la Turquie qui aidait certains rebelles a finement négocié leur exfiltration d’Alep, ce qui fait que les fameux bombardements russes des derniers jours n’ont servi qu’à neutraliser les enragés ou les extrémistes qui savaient ce qui les attendait. Le gros des troupes rebelles avait déjà quitté les lieux en bon ordre, sans être inquiétés. Ce que prévoyait l’accord entre Erdogan et Poutine.

     

    La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si Erdogan ne va pas, en fin de compte, laisser s’étioler son adhésion à l’OTAN puisqu’il s’est allié aux puissances qui comptent le plus dans la région… Mais l’autre question qui se pose est la suivante : combien de temps va durer cette alliance contre nature ? Les innombrables attentats terroristes, le meurtre de l’ambassadeur turc à Ankara, la défiance de plus en plus visible de certaines franges de la population montrent que Erdogan ne contrôle pas tout le pays et qu’il y a lieu de redouter un nouveau coup d’état, mieux préparé, ou, à tout le moins, une longue période d’instabilité politique.

     

    Mais Erdogan a aussi  pris tout le monde de court en rétablissant au pas de charges des liens avec Israël et hier il a condamné le terrorisme après l’attentat de Jérusalem…

     

    Que doit faire l’Europe ? Que doit faire l’Otan ? Le départ si ardemment souhaité de B. Obama de la Maison Blanche va entièrement changer la donne. Donald Trump ce n’est pas Obama, ce n’est pas François Hollande, ce n’est pas Angela Merkel. Toutes les nominations décidées par le président élu montrent qu’il reste fidèle à ses idées. Gageons qu’il saura s’adresser à son allié turc afin que celui-ci se décide une fois pour toutes : Poutine ou l’Otan ? L’Iran ou l’UE ? Mais sur ce dernier point, les dés sont jetés…

     

  • Ce que cache «Je suis chrétien» de François Fillon...

     

    Ce que cache «Je suis chrétien» de François Fillon...

    Hier soir, j’ai visionné à maintes reprises ce passage où François Fillon, sur une grande chaîne de télévision nationale, se déclare chrétien. A lire les meilleures plumes journalistiques mais aussi à entendre les commentaires de quelques hommes politiques, y compris de droite, j’avais presque cru que le candidat de la droite et du centre à l’élection présidentielle avait fait , au sens propre du terme, une véritable «profession de foi» chrétienne à la face du pays tout entier. En d’autres termes, qu’il aurait clamé et proclamé sa foi chrétienne militante, un peu comme le font certains représentants de l’athéisme militant .

    C’était assez incroyable, d’autant qu’ayant observé de près ses faits et gestes durant les cinq années qu’il a passées à l’hôtel de Matignon, aucun indice ne laissait présager un tel changement. En observant la mimique de l’ancien Premier Ministre, j’ai vu qu’il avait, tout en prononçant la petite phrase qui fait débat, porté sa main à sa poitrine, au niveau du cœur, comme pour souligner sa profonde sincérité… Ce dernier geste, personne n’a voulu en tenir compte. Et toute la presse, écrite, parlée ou télévisuelle a emboîté le pas aux commentateurs qui y voyaient une impardonnable atteinte à la laïcité, érigée depuis quelque temps au rang de véritable religion avec ses dogmes, ses interdits et ses rites…

    Sans solliciter le texte le moins du monde, il semble bien que François Fillon pensait à tout autre chose en rappelant qu’il est chrétien. Il faisait simplement allusion à un christianisme social qui florissait de l’autre côté du Rhin au milieu du XIXe siècle, et que les théologiens protestants avaient considérablement développé (Sozialchristentum). Fr. Fillon voulait dire qu’en raison de ses convictions intimes, jamais, au grand jamais, il ne brutaliserait les plus faibles, jamais il ne pratiquerait une politique antisociale. Rien d’autre. Et nous pensons que s’il avait pu s’imaginer une telle frénésie médiatique, il aurait, non pas, dissimulé ses convictions que chacun connaît, mais il aurait ajouté un commentaire destiné à éclairer les commentateurs.

    Mais certaines questions se pressent sur nos lèvres car elles s’imposent à notre esprit : depuis quand est il honteux de se dire chrétien en France ? Surtout lorsqu’il est question, non pas de la dogmatique chrétienne, mais du contenu social des Evangiles, dans le strict prolongement du Décalogue hébraïque. Le fait que ce soit l’auteur de ces lignes qui le rappelle ne manque pas de sel…

    Résonnent encore à mes oreilles la question du défunt souverain pontife, lors des JMJ : France, qu’as tu fait de ton baptême ? Après tout, la France est, nous dit-on, la fille aînée de l’église. D’autres iraient jusqu’à rappeler que la France est laïque depuis un siècle mais chrétienne depuis le baptême de Clovis… Toute notre littérature, nos moralistes, se sont abreuvés à ces mêmes fontaines. Dans un autre pays que la France, la remarque très personnelle et très sincère de Fr. Fillon, serait passée entièrement inaperçue. Il est vrai que l’Hexagone présente un profil très particulier Je me souviens de la phrase-choc de mon regretté collègue Bruno Etienne : La France est un pays catho-laïque !

    Notre pays est parvenu à la paix religieuse ; la loi de 1905 a mis fin à un insupportable cléricalisme mais elle n’a pas jeté par dessus bord les racines chrétiennes de la France. On se souvient du contentieux franco-allemand à Nice du temps de Jacques Chirac et de Lionel Jospin quand nos amis allemands voulaient mentionner les racines religieuses et spirituelles de l’Europe (geistig-religiös) ; ils se heurtèrent à un niet définitif de la part des deux têtes de l’exécutif…

    Le Je suis chrétien de Fr. Fillon a été mal interprété. Nul n’est partisan d’une ingérence religieuse dans la politique française mais on a parfois tendance à pousser très loin la haine de soi, car l’héritage chrétien ou judéo-chrétien de ce pays a imprégné toutes les strates de la vie sociale : je reste persuadé que c’est exactement ce que voulait dire Fr. Fillon.

    Il y a de nombreuses années, le grand rabbin Jacob Kaplan, membre de l’Académie des Sciences Morales et Religieuses, avait donné une communication sur l’origine biblique de la Déclaration des droits de l’homme. IL y trouvait la source dans le Décalogue et aussi, par voie de conséquence, dans les Evangiles.

    Dans son recueil intitulé A l’heure des nations, le philosophe français Emmanuel Levinas rappelle dans un débat avec un évêque allemand, Mgr Hemmerlé, l’idéal de charité chrétienne prônée par les Evangiles : fermer sa porte à son frère humain venu implorer aide et assistance, revient à renvoyer Dieu…

    Un dernier point : le juriste allemand qui s’était assez compromis, du moins au début, avec les Nazis, Carl Schmitt avait publié au début des années vingt un recueil de quatre conférences, qu’il intitula, Politische Theologie (traduite en 1988 aux éditions Gallimard). En gros, il y démontrait la genèse religieuse du politique : la quasi-totalité des thèmes de la vie en société, disons toute la socio-culture d’un pays, baigne dans cette source archaïque (au sens grec originel et non pas suranné ou passé de mode) qu’est sa culture religieuse. L’assurance-maladie, la solidarité entre les classes sociales, la préservation de la vie, l’institution judiciaire, bref tout ce qui illustre la profonde unité de l’humanité, y compris le droit d’asile et l’accueil, sous certaines conditions, des étrangers en détresse, tout ceci surgit d’un fonds religieux. Et le législateur civil a su réinsérer tous ces idéaux dans un milieu plus ouvert.

    Levinas, déjà cité plus haut, parle en se fondant sur l’Etoile de la rédemption de Fr. Rosenzweig de notions pré philosophiques qui gisent au fondement de la philosophie politique elle-même.

    Parler de ses attaches religieuses, sans en faire toutefois le ressort exclusif de son action politique, n’est pas une obscénité. Loin de là.

    Maurice-Ruben HAYOUN

     

  • De la vieillesse par Jacques ABIHSSIRA, en réponse à mon prédent éditorial

    De la vieillesse par Jacques ABIHSSIRA, citoyen helvétique, qui a lu mon article sur la vieillesse et a réagi. Je souhaite faire partager ses réflexions avec tous mes lecteurs.
    Bonne et heureuse année 2017

     

    MRH

     

     

    Cher Maurice,

     

    Le commentaire que tu nous a fait parvenir sur la vieillesse est d’une justesse absolue sur la réalité des faits, hélas! hélas! pour l’humanité.

     

    Tu ne peux pas imaginer à quel point ton écrit est arrivé à point nommé, pour me permettre de communiquer avec un esprit en éveil permanent comme le tien et faire quelques échanges de valeur.

     

    Le constat fait des conséquences de la vieillesse est d’une acuité incontestable et douloureuse, mais seulement si on se place pour le regarder sous le prisme de la déliquescence et de la perte des valeurs morales engendrées par la soi-disant société moderne qui fait peser sur l’humanité entière d’un poids énorme les conséquences désastreuses de la disparition de toute notion morale ou philosophique comme repère ou refuge nécessaires pourtant à la vie des hommes et à leur équilibre.

     

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